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N° 1582

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 janvier 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à prévenir et sanctionner les « dépôts sauvages » de déchets,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean‑Louis THIÉRIOT, Antoine SAVIGNAT, Brigitte KUSTER, David LORION, Robin REDA, Geneviève LEVY, Alain RAMADIER, Arnaud VIALA, Franck MARLIN, Charles de la VERPILLIÈRE, Damien ABAD, Pierre CORDIER, Nadia RAMASSAMY, Fabrice BRUN, Josiane CORNELOUP, Bernard PERRUT, Nicolas FORISSIER, JeanJacques FERRARA, Martial SADDIER, Guy TEISSIER, Bernard BROCHAND, Raphaël SCHELLENBERGER, Émilie BONNIVARD, Valérie LACROUTE, Patrick HETZEL, Fabien DI FILIPPO, Emmanuelle ANTHOINE, Dino CINIERI, JeanLouis MASSON, Emmanuel MAQUET, Frédérique MEUNIER, PierreHenri DUMONT, Thibault BAZIN, Éric PAUGET, Isabelle VALENTIN, Laurent FURST, Philippe GOSSELIN, JeanFrançois PARIGI, JeanLuc REITZER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les « dépôts sauvages » sont le résultat de faits de particuliers, artisans ou entreprises qui se délestent de leurs déchets, à moindres coût et effort, en les abandonnant irrégulièrement dans l’espace public ou sur les terrains de propriétaires privés.

En ville, ce sont les encombrants des ménages et des petits commerçants qui sont déversés au coin de la rue. En zone rurale, ce sont des déchets industriels et de construction, parfois même des déchets dangereux notamment amiantés qui essaiment dans les champs, les forêts et le long des routes.

Véritable fléau de ces dernières décennies, ces dépôts causent de nombreux dommages en cascade. Outre la dégradation des paysages, les dépôts sauvages ont pour effet de polluer les sols et les eaux, d’attirer des rats et des insectes, ou encore d’être à l’origine de nuisances olfactives et de dangers sanitaires.

Le retrait des déchets et la remise en état du site pollué génèrent un coût substantiel aussi bien pour la collectivité publique que pour le propriétaire privé qui en sont victimes.

En Île‑de‑France, les dépôts sauvages représentent sur certains secteurs chaque année jusqu’à 25 kilos par habitant et les coûts de prise en charge s’élèvent entre 7 à 13 euros par habitant.

Le département de Seine‑et‑Marne, où la forêt tient une grande place, est particulièrement touché par ce fléau. Le ramassage a ainsi coûté plus de 660 000 euros en 2015. Plus de 1 000 tonnes de déchets divers, dont 27 tonnes d’amiante, y ont été collectées.

En réponse à cette problématique, la présente proposition de loi se donne pour objectif et ambition de lutter contre les dépôts sauvages qui empoisonnent l’environnement et la vie de nos concitoyens.

La proposition présente tout d’abord un volet pénal car les dépôts sauvages doivent être sanctionnés sans complaisance ; mais elle inclue également un volet « service public » car si les dépôts sauvages sont le fruit d’actes d’incivisme, ils s’expliquent aussi parfois par le manque de dispositifs adaptés.

Les derniers évènements ont effet démontré, s’il en était besoin, que toute politique punitive doit s’accompagner d’une politique facilitatrice sans quoi elle se heurterait à une incompréhension légitime des citoyens. Cela est particulièrement vrai en matière environnementale. La mise en place d’un service public de collecte des déchets digne de ce nom n’est donc pas une option dans la lutte contre les dépôts sauvages. Ainsi plus aucune excuse ne pourra être trouvée par leurs auteurs.

Objet de larticle 1er

Actuellement, les infractions liées aux dépôts sauvages ne relèvent au sein du code pénal que du domaine de la contravention.

Ainsi, le fait de déposer un déchet en dehors de l’emplacement prévu par l’autorité compétente est seulement puni de l’amende prévue pour les contraventions de 3 e classe, soit d’un montant maximum de 450 euros. S’il est effectué sur la voie publique ou grâce au transport d’une voiture, le dépôt est respectivement puni de l’amende prévue pour les contraventions de 4e classe d’un montant maximum de 750 euros et de 5 e classe d’un montant maximum de 1 500 euros.

Au regard des enjeux de santé et de salubrité publiques et considérant le nombre croissant d’infractions, ces peines contraventionnelles paraissent aujourd’hui dérisoires et impropres à décourager les contrevenants.

L’objet de la loi pénale devant avant tout être dissuasif, il est nécessaire de heurter symboliquement les consciences en érigeant le dépôt sauvage de déchets non plus comme une simple contravention mais comme un délit sanctionné par une peine de prison et par une amende d’un montant beaucoup plus conséquent.

– Il est ainsi proposé de faire du « dépôt sauvage » un délit punissable d’une peine d’amende de 50 000 euros assortie d’une peine de prison de deux ans s’agissant des personnes physiques et d’une peine d’amende de 1 million d’euros s’agissant des personnes morales ;

– En cas de constat d’un préjudice causé à l’environnement ou à la santé publique, cette circonstance aggravante aura pour effet de porter à cinq années la peine d’emprisonnement prononçable à l’encontre des personnes physiques et à 10 millions d’euros la peine d’amende prononçable à l’encontre des personnes morales.


Objet de larticle 2

Il importe que ces dispositions pénales ne demeurent pas seulement symboliques. Afin de rendre la sanction des délinquants pollueurs effective, des moyens doivent être donnés aux autorités de police et de justice aux fins d’établir l’infraction et de poursuivre son auteur.

– Aussi est‑il proposé d’étendre à l’objectif de la lutte contre les dépôts sauvages la possibilité instituée par le code de la sécurité intérieure d’installer des caméras de surveillance sur la voie publique.

Au‑delà de son aspect dissuasif, cette prise d’images pourra ainsi servir de preuve afin d’établir la culpabilité de l’auteur du délit.

– Les dépôts sauvages ayant également lieu en forêt ou dans des champs, propriétés aussi bien de personnes publiques que privées, le préfet doit pouvoir, sur leur demande, mettre en place dans ces lieux la même vidéo‑surveillance à effet de prévenir et constater l’infraction.

Objet de larticle 3

Sur le volet « service public », des mesures doivent également être prises.

La vocation du service public est d’être adaptée aux besoins de la population. Or aujourd’hui, on observe que des usagers potentiels des déchetteries publiques renoncent à s’y rendre pour des raisons pratiques liées aux horaires d’ouverture ou à l’éloignement de la déchetterie dont ils dépendent.

– Il est donc proposé que le code général des collectivités territoriales fasse obligation aux collectivités compétentes en matière de collecte de déchets d’adapter l’amplitude des horaires d’ouverture des déchetteries en prenant en considération les horaires habituels de travail de la population locale afin de permettre une utilisation du service en soirée et le samedi.

– Concernant la contrainte de la distance, la proposition de loi entend permettre aux habitants de se rendre dans la déchetterie la plus proche de leur domicile alors même qu’elle ne serait pas située dans le périmètre géographique de la commune, EPCI ou syndicat mixte dont ils dépendent administrativement.

Les autorités compétentes pour la collecte des déchets des ménages et des petits commerçants devront donc conclure une convention organisant les modalités pratiques et financières de la prise en charge des déchets de leurs usagers respectifs.


proposition de loi

Article 1er

Le titre II du livre V de la partie législative du code pénal est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Des dépôts sauvages de déchets

« Art. L. 5221. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements désignés à cet effet par l’autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation.

« Art. L. 5222. – Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121‑2 du code pénal, encourent une peine d’amende de 1 million d’euros. »

« Art. L. 5223. – Les peines sont portées à cinq années d’emprisonnement pour les personnes physiques et à 10 millions d’euros pour les personnes morales lorsque l’infraction a entraîné une pollution préjudiciable à l’environnement ou à la santé publique. » 

Article 2

I. – L’article L. 251‑2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Après le 10°, il est inséré un 11° ainsi rédigé :

« 11° La prévention et la constatation des infractions définies aux articles L. 522‑1 à L. 522‑3 du code pénal. » ;

2° Est ajouté par un alinéa ainsi rédigé :

« À la demande des propriétaires publics ou privés, les autorités compétentes peuvent mettre en œuvre sur leurs terrains la transmission et l’enregistrement d’images par le moyen de la vidéoprotection afin de prévenir et constater les infractions définies aux articles L. 522‑1 à L. 522‑3 du code pénal. »

II. – La perte éventuelle de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La perte éventuelle de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 3

I. – Après l’article L. 2224– 17– 1 du code général des collectivités territoriales, sont insérés deux articles L. 2224– 17– 2 et L. 2224– 17– 3 ainsi rédigés :

« Art. L. 2224– 17– 2. – Les usagers du service public de collecte des déchets défini aux articles L. 2224‑13 et L. 2224‑14 peuvent se défaire de leurs déchets au point de collecte le plus proche de leur domicile.

« À cet effet, les collectivités mentionnées par l’article L .2224‑13 respectivement compétentes sur leurs ressorts territoriaux concluent entre elles des conventions de coopération.

« Les transferts financiers qui en découlent doivent strictement correspondre au remboursement des frais exposés concurremment par les autorités à proportion du nombre d’usagers pris en charge par elles ne relevant pas de leur compétence territoriale.

« En l’absence d’accord, il appartient au préfet de fixer les termes de la coopération.

« Art. L. 2224– 17– 3. – Afin que soit garanti l’exercice effectif de leur mission de service public de collecte des déchets défini aux articles L. 2224‑13 et L. 2224‑14, les collectivités compétentes doivent adapter les horaires d’ouverture de leurs points de collecte aux besoins de la population locale selon des modalités fixées par décret. »

II. – La perte éventuelle de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.