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N° 1635

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2019.

PROPOSITION DE LOI

tendant à ce que labattage des animaux de boucherie bénéficie
dune meilleure traçabilité,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Louis ALIOT,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le bien manger et le bien‑être des animaux de ferme sont deux sujets qui préoccupent les Français. Pour des raisons sanitaires et environnementales élémentaires, l’abattage des animaux de boucherie est strictement encadré par la législation française, se devant d’être pratiqué dans un abattoir agréé où pourront être effectuées les diverses inspections sanitaires. Seule exception au principe : l’abattage à la ferme (excluant néanmoins les bovins et les équidés) pour une consommation strictement familiale. Aujourd’hui, de nombreux éleveurs traditionnels estiment que les procédures industrielles d’abattage entraînent des souffrances qui pourraient être évitées sous certaines conditions, notamment durant le transport des bêtes. De fait, le long transport et l’éloignement de leurs congénères, ainsi que des étourdissements ou des saignées réalisées dans la précipitation par manque de formation, font souffrir les animaux de boucherie et génèrent une baisse de la qualité gustative des viandes pour le consommateur. Une analyse renforcée par la fermeture de nombreux petits abattoirs rachetés par de grands groupes privés.

Ainsi, des éleveurs militent pour pouvoir abattre leurs animaux à la ferme, ce qui correspond aussi à un souhait des consommateurs soucieux de traçabilité et de localisme. Il est notable qu’un grand nombre d’animaux sont désormais abattus sans étourdissement préalable, sans que cela soit toujours précisé. Pourtant, le règlement européen CE n° 1099/2009 prévoit la possibilité pour les États membres d’autoriser les abattoirs mobiles et à domicile, comme cela se pratique en Allemagne, en Suède ou en Hongrie : « Les abattoirs mobiles réduisent la nécessité pour les animaux dêtre transportés sur de longues distances et peuvent donc contribuer à préserver leur bienêtre. Cependant, les contraintes techniques des abattoirs mobiles sont différentes de celles des abattoirs fixes et il se peut dès lors que les règles techniques doivent être adaptées. En conséquence, le présent règlement devrait prévoir la possibilité daccorder des dérogations pour les abattoirs mobiles en ce qui concerne les prescriptions relatives à la configuration, à la construction et à léquipement des abattoirs. Dans lattente de ladoption de ces dérogations, il convient de permettre aux États membres détablir ou de maintenir des règles nationales pour les abattoirs mobiles ». Les caissons d’abattage seraient ainsi une solution technique à même de répondre aux demandes d’un nombre grandissant d’éleveurs.

Si l’abattage sans étourdissement préalable n’est autorisé qu’à titre dérogatoire en France, il est aujourd’hui presque devenu la norme. La minorité impose donc ses règles à la majorité des Français, peut‑être désireux de savoir s’ils consomment de la viande abattue rituellement et financent des cultes. Tous les spécialistes le constatent, de même que la Direction générale de l’alimentation : le nombre d’animaux abattus selon un rituel religieux dépasse très largement les besoins intérieurs des minorités religieuses concernées. Cette généralisation s’explique assez simplement. Les abattoirs peuvent accéder à de nouveaux marchés communautaires puis écouler les excédents sur le marché classique. En mars 2012, un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), dont l’hebdomadaire Le Point s’était procuré une copie, traitait de l’abattage rituel tel qu’il est réellement pratiqué en France. Rédigé par dix experts et hauts fonctionnaires du ministère de l’agriculture, il révèle qu’« alors que la demande en viande halal devrait correspondre à environ 10 % des abattages totaux, on estime que le volume dabattage rituel atteint 40 % des abattages totaux pour les bovins et près de 60 % pour les ovins ». Il affirme que cette méthode d’abattage « pourrait devenir la norme au lieu de rester une pratique dérogatoire (…) ce qui ne devrait être quune dérogation sest généralisée ». Ces chiffres, basés sur une enquête menée auprès d’une quinzaine d’abattoirs français seraient sous‑estimés. Dans le livre Bon Appétit (Presses de la Cité), la journaliste Anne de Loisy juge que « Cest même la conviction dun grand nombre des professionnels de la filière qui, sous couvert danonymat, saccordent à dire que labattage rituel concernerait en fait 8 à 9 ovins sur 10 et au moins 5 bovins sur 10. » Frédéric Freund, directeur de l’OABA, confirme : « Si la proportion des bêtes abattues rituellement a augmenté de façon spectaculaire, ce nest pas pour répondre à une demande confessionnelle, mais pour faciliter la tâche des abattoirs ».

Alors que les normes étouffent les éleveurs et que l’époque sacralise la « transparence », l’abattage des viandes de boucherie est opaque, monopolisé par des grands groupes et éloigné des préoccupations des consommateurs et des producteurs. La présente proposition de loi poursuit donc trois objectifs : mieux prendre en considération la vie animale, mieux informer les consommateurs et offrir plus de libertés aux éleveurs.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 654‑3‑2 du code rural et de la pêche maritime, sont insérés deux articles L. 654‑3‑3 et L. 654‑3‑4 ainsi rédigés :

« Art. L. 65433. – Les dérogations à l’obligation d’étourdir les animaux avant l’abattage ou la mise à mort, accordées pour la pratique de certains rites religieux, sont limitées chaque année aux seuls besoins liés à la consommation découlant du respect de ces pratiques religieuses, par un décret pris en Conseil d’État qui fixe chaque année le quota d’animaux abattus sans étourdissement. Le décret est pris après avis des autorités religieuses compétentes.

« Les éleveurs professionnels sont autorisés à abattre leurs bêtes à domicile, en respectant les règles sanitaires et éthiques, à partir du moment où ils possèdent le matériel de contention adapté à chaque espèce. Ils sont en outre soumis au respect des règles suivantes :

« – étourdissement obligatoire pour toutes les espèces ;

« – l’abattage ne peut être effectué que si l’effectivité de l’étourdissement a été régulièrement constatée ;

« – mise à mort accomplie par des professionnels qualifiés ;

« – contrôle du poste d’abattage par le vétérinaire chargé des inspections ante et post mortem. »

« Art. L. 65434. – Le fait, en dehors des cas prévus aux articles L. 654‑3 et R. 214‑70, de ne pas étourdir les animaux avant leur abattage ou leur mise à mort, est constitutif d’un acte de cruauté envers les animaux au sens de l’article 521‑1 du code pénal et est puni des mêmes peines. »

Article 2

L’article L. 112‑12 est ainsi rétabli :

« Art. L. 11212. – L’étiquetage des denrées alimentaires à base de viande, que celles‑ci soient préemballées, ou, à défaut, fassent l’objet d’un affichage en rayon, comporte obligatoirement, selon qu’elles respectent la directive européenne 93/119/CE du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, ou bénéficient d’une dérogation par les autorités compétentes, soit la mention : “Viande provenant d’animaux abattus après étourdissement” soit la mention : “Viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement” ». 

« Si des denrées alimentaires à base de viande provenant d’animaux abattus après ou sans étourdissement figurent sur un seul et même étal, elles doivent faire l’objet d’un affichage et d’une séparation clairement distincts. »

Article 3

Au 3° de l’article L. 412‑1 du même code, après le mot : « origine » sont insérés les mots : « , le mode d’abattage selon qu’il est pratiqué après ou sans étourdissement ».

Article 4

Après l’article L. 412‑2 du même code, sont insérés deux articles L. 412‑2‑1 et L. 412‑2‑2 ainsi rédigés :

« Art. L. 41221. – Le fait de ne pas avoir respecté les règles d’étiquetage des denrées alimentaires à base de viande, prévues à l’article L. 112‑12, est constitutif d’un acte de complicité de sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, au sens de l’article 521‑1 du code pénal, et est puni des mêmes peines. »

« Art. L. 41222. – En cas de récidive de la contravention, prévue pour non‑respect des règles d’étiquetage des denrées alimentaires à base de viande fixées par l’article L. 112‑12, le préfet ou, à Paris, le préfet de police peut ordonner l’une ou l’autre mesure suivante : l’interdiction temporaire ou définitive pour l’établissement de vendre de la viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement, la fermeture de tout ou partie de l’établissement ou l’arrêt d’une ou de plusieurs de ses activités. »