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N° 1637

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à augmenter le numerus clausus en médecine et à faciliter linstallation des médecins sur les territoires ruraux,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Arnaud VIALA, Patrice VERCHÈRE, Julien DIVE, Émilie BONNIVARD, PierreHenri DUMONT, Isabelle VALENTIN, Bérengère POLETTI, Marine BRENIER, Marc LE FUR, Jérôme NURY, Éric PAUGET, Bernard BROCHAND, Nicolas FORISSIER, Véronique LOUWAGIE, Valérie LACROUTE, Vincent ROLLAND, Nadia RAMASSAMY, Bernard DEFLESSELLES, Sébastien LECLERC, JeanPierre VIGIER, Frédérique MEUNIER, Fabrice BRUN, Emmanuelle ANTHOINE, Michel VIALAY, Franck MARLIN, Éric STRAUMANN, JeanYves BONY, Didier QUENTIN, Dino CINIERI, JeanMarie SERMIER, Geneviève LEVY, Jacques CATTIN, Alain RAMADIER, Raphaël SCHELLENBERGER, Pierre CORDIER, Charles de la VERPILLIÈRE, JeanClaude BOUCHET, Stéphane VIRY, Philippe GOSSELIN, Claude de GANAY, Valérie BEAUVAIS, JeanLuc REITZER, MarieChristine DALLOZ, Martial SADDIER, Nathalie BASSIRE,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, les études de santé que ce soit médecine, pharmacie, chirurgien‑dentiste, sage‑femme, infirmière, masseur‑kinésithérapeute sont réglementées et sont soumises à un numerus clausus. Celui‑ci est fixé par arrêté signé par les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé.

Le dispositif du numerus clausus est mis en place pour plusieurs raisons. Premièrement, il permet de limiter le nombre d’étudiants afin qu’il ne dépasse pas les capacités de prise en charge des établissements d’enseignement : capacité des salles de cours et amphithéâtres, nombre de professeurs… Cela permet aussi de réglementer le nombre de diplômés et donc le nombre de professionnels en activité, de façon à ce qu’il soit adapté aux besoins des citoyens. De plus, un argument fréquemment avancé est que cela réglemente le nombre de prescripteurs afin d’alléger les dépenses de la sécurité sociale. Enfin le numerus clausus est un moyen de limiter le nombre d’étudiants dans des filières avec beaucoup de stages, dont la qualité serait amoindrie par un surnombre (externat obligatoire pour tous les étudiants en médecine) et aussi de s’assurer que les étudiants soient aptes à recevoir un enseignement demandant une capacité de travail et de mémorisation importante, dans le cadre d’études longues et difficiles.

Néanmoins, ce dispositif est de plus en plus critiqué et remis en question depuis de nombreuses années. Le numerus clausus perd de sa pertinence et la France a besoin de très nombreux praticiens, les médecins, généralistes ou spécialistes manquent fortement dans de nombreux territoires ruraux. Les problèmes et limites du numerus clausus sont nombreux :

– l’obligation de reconnaissance des diplômes des autres pays européens, alors qu’aucun contrôle ne peut s’exercer sur la délivrance de ces diplômes, parfois même il n’y a pas de numerus clausus dans ces pays ;

– l’insuffisante vitesse d’adaptation du numerus clausus entraînant une alternance de périodes « fastes » et de périodes « creuses » ;

– la sécurité offerte par des professions protégées attire de nombreux candidats. Cela pose problème pour les concours de médecine et de pharmacie qui laissent sur le carreau des milliers d’étudiants recalés avec une, deux voire trois années non valorisantes (des efforts sont faits depuis quelques années dans les universités pour assurer des passerelles pour les « reçus‑collés ») ;

– de même, la massification des concours les rend moins pertinents, moins en adéquation avec les qualités requises par les professions et leurs formations ;

– le numerus clausus subit énormément l’influence des lobbies et des syndicats professionnels ;

– la liberté d’installation restant complète, le numerus clausus est inefficace pour réguler géographiquement la densité médicale ;

– cela crée une situation de pénurie qui met les médecins en position de force face aux patients et permet le développement de dépassements d’honoraires abusifs ;

– les relations offrent de soins / nombre de praticiens et dépenses de santé / nombre de praticiens ne sont pas linéaires, voire non déterministes ;

les limites du numerus clausus et celles des concours sont les principales raisons qui poussent les étudiants français à faire leurs études de médecine à l’étranger : Belgique, Roumanie, Hongrie ou Australie.

En effet, dans certains pays, le numerus clausus est simplement remplacé par le contingentement social, les études étant difficilement abordables.

Dans d’autres, les professions médicales et paramédicales n’étant pas protégées, il y a un marché de l’emploi médical bien plus libre, avec du chômage.

Les États‑Unis par exemple appliquent un modèle entre les deux. L’Allemagne a un numerus clausus supérieur à ses besoins. Ceci permet une amélioration des soins (pas de protection car manque de médecins) et les zones rurales ne sont pas délaissées.

Le numerus clausus peut être appliqué au niveau de la fin des études secondaires. Les seuls pays en Europe à appliquer le numerus clausus au bout d’une année universitaire de concours sont la Belgique (en communauté française), le Portugal et la France. Néanmoins, en Belgique, le projet de supprimer le numerus clausus est approuvé par le Conseil des ministres en 2013.

Ces exemples démontrent bien qu’il est possible de réformer ce dispositif.

Surtout, mettre fin au numerus clausus, constituerait un levier supplémentaire pour lutter contre la désertification médicale en milieu rural mais pourrait s’avérer insuffisant. Il est de notoriété publique que l’installation de nouveaux médecins dans les territoires ruraux est rendue très difficile par de multiples facteurs, qui vont des conditions d’exercice du métier dans les zones à l’habitat le plus dispersé, la nature des missions dont écopent les praticiens dans ces zones, des considérations d’équilibre vie privée / vie professionnelle, l’attractivité de ces territoires pour les jeunes praticiens, l’emploi des conjoints, la formation de leurs enfants.

En résulte une situation où de nombreux territoires, malgré des efforts des collectivités, notamment en termes de mise en place de maisons pluridisciplinaires ou de maisons de santé sont en voie de désertification médicale ; en outre, la perte du généraliste engendre le plus souvent un cercle vicieux avec disparition des pharmacies, perte d’attractivité de la zone, sentiment d’insécurité…

Cette question est au cœur des problématiques d’aménagement du territoire et doit rapidement trouver des solutions pérennes si l’on veut que les dynamiques mises en œuvre sur le terrain pour maintenir une répartition équitable de la population française sur le sol national portent leurs fruits.

Ainsi, la présente proposition de loi s’articule autour de quatre articles :

LArticle 1 concerne la modulation du numerus clausus par voie réglementaire.

Il prévoit la consultation préalable de l’ordre des médecins avant toute fixation du numerus clausus. En outre, il modifie la portée du dispositif actuel en prévoyant que le numerus « est arrêté en fonction » des critères populationnels, d’inégalité territoriale et des capacités de formation des établissements.

Larticle 2 porte sur l’obligation d’installation en zone sous dense.

La proposition de loi n° 4119 du 12 octobre 2016 énonce des éléments permettant l’installation de médecins en zone sous dense. En conséquence, le dispositif prévoit que les médecins souhaitant s’installer à titre libéral en font la déclaration de l’Agence régionale de santé (ARS) de la région dans laquelle ils souhaitent exercer. Ils seront tenus de s’installer pour une durée ne pouvant excéder 5 ans dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins.

La proposition de loi no 4119 faisait peser cette obligation sur les seuls médecins nouvellement diplômés. Or on observe un retard à la première installation, les jeunes diplômés essayant volontiers d’autres modalités d’exercice (salariat, remplacement, intérim, etc.). Le dispositif proposé vise donc l’ensemble des diplômés au titre de leur première installation, indépendamment de la date de délivrance du diplôme.

Enfin, l’article prévoit une pénalité financière en cas de non‑respect de l’obligation d’établissement en zone sous‑dense. Cette pénalité est calculée comme le produit d’une amende mensuelle de base (fixée ici à 1 000 euros) et du nombre entier de mois restant à courir jusqu’à l’extinction de l’obligation de résidence professionnelle. Ce mode de calcul permet de graduer la sanction, les médecins qui se soustrairaient « rapidement » à leur obligation d’établissement étant plus sanctionnés que ceux qui n’y contreviendraient que sur le tard.

Le dispositif énoncé ici se rattache aux conditions d’exercice de la profession de médecin, ce qui conduit à le positionner au sein du code de la santé publique.

Larticle 3 porte principalement sur les deux premiers cycles des études médicales afin de préciser :

– que ces deux premiers cycles sont assimilés aux niveaux licence et master ;

– que l’enseignement est organisé autour d’un tronc commun dont l’importance correspond à la fourchette réglementaire (« au minimum 80 % et au maximum 90 % du total des enseignements ») ;

– que l’enseignement est mutualisé avec les autres filières de santé.

Cet article implique en outre de reconsidérer les modalités de répartition entre les cours à la faculté et les stages sur l’ensemble du second cycle pour augmenter le temps consacré aux stages en sixième année ainsi que de supprimer l’exigence d’agrément pour les maîtres de stage. Cette exigence pèse en effet sur les praticiens et les dissuade de prendre des stagiaires, notamment en zone sous dense où ils sont déjà débordés.


proposition de loi

Article 1er

Le 2° du I de l’article L. 631‑1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « tient compte » sont remplacés par les mots : « est arrêté en fonction » ;

2° À la troisième phrase, après le mot : « arrêté », sont insérés les mots : « , pris après avis du conseil de l’ordre concerné, ».

Article 2

Après l’article L. 4131‑6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 413161. – Avant sa première installation, le médecin désireux d’exercer à titre libéral en fait la déclaration auprès de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle il souhaite établir sa résidence professionnelle. Il est tenu de s’installer pour une durée ne pouvant excéder cinq ans dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins, définie en application de l’article L. 1434‑4. Il peut choisir librement cette zone parmi celles qui ont été arrêtées par le directeur général de l’agence régionale de santé.

« Le fait, pour le médecin, de se soustraire aux obligations prévues par le présent article entraîne l’application d’une amende dont le montant est égal au produit du nombre entier de mois restant à courir jusqu’à l’extinction de ces obligations et d’une amende mensuelle de base, dont le montant est fixé à 1 000 euros. Le recouvrement et le contentieux de cette amende sont régis par les dispositions applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires. »

Article 3

Le chapitre II du titre III du livre VI du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° À la première phrase deuxième alinéa de l’article L. 632‑1, après le mot : « dispositions », est insérée la référence : « de l’article L. 632‑1‑1 et » ;

2° Après l’article L. 632‑1, il est inséré un article L. 632‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 63211. ‑ Le premier cycle des études médicales comprend six semestres de formation validés par l’obtention de 180 crédits européens correspondant au niveau licence. Les deux premiers semestres sont ceux de la première année commune aux études de santé mentionnée à l’article L. 631‑1 du présent code. Il est sanctionné par l’obtention d’un diplôme de formation générale en sciences médicales.

« Le deuxième cycle des études médicales comprend six semestres de formation validés par l’obtention de 120 crédits européens correspondant au niveau master. Il est sanctionné par l’obtention d’un diplôme de formation approfondie en sciences médicales. La formation comprend notamment l’accomplissement de trente‑six mois de stages, incluant les congés annuels. Lors des deux derniers semestres de formation, les stages représentent au minimum 80 % du temps consacré à la formation. Les stages extrahospitaliers sont effectués auprès de praticiens désignés par un centre hospitalier universitaire auquel ils sont liés par convention.

« Pour chacun de ces deux cycles, la formation comprend un tronc commun d’enseignement représentant au minimum 80 % et au maximum 90 % du total des enseignements. La formation est mutualisée avec l’enseignement des autres filières de santé. Pour chaque étudiant, un tuteur est désigné par le président de l’université dans laquelle l’étudiant accomplit sa formation. »

3° Après le premier alinéa de l’article L. 632‑2, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour chaque étudiant du troisième cycle, un tuteur est désigné par le président de l’université dans laquelle l’étudiant accomplit sa formation.

« Les stages extrahospitaliers sont effectués auprès de praticiens désignés par un centre hospitalier universitaire auquel ils sont liés par convention. »