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N° 1741

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 mars 2019.

PROPOSITION DE LOI

tendant à renforcer l’engagement au sein des forces
de sapeurspompiers,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien AUBERT, JeanMarie SERMIER, JeanPierre DOOR, Michel VIALAY, Jérôme NURY, Éric STRAUMANN, Robin REDA, JeanYves BONY, JeanLouis MASSON, Brigitte KUSTER, Julien DIVE, Gilles LURTON, Bernard DEFLESSELLES, Didier QUENTIN, Nadia RAMASSAMY, Véronique LOUWAGIE, Valérie BOYER, Franck MARLIN, JeanClaude BOUCHET, Emmanuelle ANTHOINE, PierreHenri DUMONT, Éric PAUGET, Marianne DUBOIS, JeanCarles GRELIER, Marine BRENIER, Damien ABAD, MarieChristine DALLOZ, Bernard BROCHAND, Marc LE FUR, Bérengère POLETTI, Valérie BEAUVAIS, Nicolas FORISSIER, Bernard PERRUT, Ian BOUCARD, Frédérique MEUNIER, Michel HERBILLON, Raphaël SCHELLENBERGER, JeanFrançois PARIGI, JeanLuc REITZER, Sébastien LECLERC, Isabelle VALENTIN, Laurence TRASTOURISNART, Fabrice BRUN, Annie GENEVARD,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les temps troublés que nous vivons font de la sécurité nationale et de la protection des populations civiles un enjeu majeur. Acteurs engagés de la société les 247 000 sapeurs‑pompiers de France (dont 80 % sont des volontaires) participent activement à cette mission : ils ont le service à la population chevillé au corps, comme le rappelle leur devise « courage et dévouement ».

Sur notre territoire, le nombre de sapeurs‑pompiers (volontaires et professionnels) est de 4 pour 1 000 habitants. En comparaison, il est de 10 en Suisse, 13 en Allemagne et 28 en Autriche. Si le nombre d’interventions auquel les sapeurs‑pompiers doivent répondre augmente, le nombre de SPV, lui, diminue : ils sont passés de 207 583 en 2004 à 193 700 en 2015.

Cette crise des vocations a plusieurs facteurs : l’accroissement des faits délictueux à l’encontre de ces hommes, le manque de reconnaissance ou de considération perçus à différents niveaux de leur activité, la distance entre leur lieu d’habitation et les casernes, et bien évidemment des contraintes liées à leur activité professionnelle et les difficultés d’allier bénévolat, activité professionnelle et vie familiale.

Également, l’argent, nerf de la guerre, ne doit pas être un tabou. En ce sens, il est nécessaire de procéder à un ajustement du système de retraites et de protection sociale. Un engagement durable passe par des garanties mais aussi des reconnaissances pécuniaires.

La fermeture des casernes dans les territoires se poursuit, allongeant les délais d’interventions dans des lieux déjà fortement marqués par la désertification médicale et un recul des services publics. Depuis 2013, 1 257 centres de secours ont disparu. Cette fermeture a pour incidence un délitement du lien social et rend plus difficile l’engagement de sapeur‑pompier volontaire au moment même où le contexte exige un renforcement de l’engagement citoyen.

L’accroissement des inégalités des populations face aux secours entre départements riches et pauvres, avec des budgets par habitants consacrés aux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) variant du simple au double, nécessite un rééquilibrage afin d’éviter une rupture opérationnelle.

Face à cette situation, de nombreuses mesures ont déjà été prises :

– la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs‑pompiers ;

– la loi n° 2003‑709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations ainsi que la circulaire du 14 novembre 2005 relative au développement du volontariat chez les sapeurs‑pompiers ;

– la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ;

– la loi du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs‑pompiers volontaires des conditions qui lui sont propres.

Cependant, malgré ces mesures, les effectifs des sapeurs‑pompiers volontaires restent insuffisants alors qu’ils demeurent le pilier de notre modèle de sécurité civile.

La présente proposition de loi entend pallier ces lacunes en incitant à l’engagement dans les forces de SPV. Le ministère de l’intérieur a estimé que le besoin actuel de recrutement de sapeurs‑pompiers professionnels était de 61 500 hommes, afin de compenser le déficit de sapeurs‑pompiers volontaires, ce qui équivaudrait à une augmentation nette de 2,3 milliards d’euros de budget.

L’article 1er entend exonérer les SDIS de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Certaines professions sont exonérées en tout ou partie de la TICPE, comme par exemple les taxis ou les transporteurs routiers.

Les SDIS sont redevables de plein droit de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) alors même que la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 rend possible une exonération partielle pour « les utilisations suivantes : les transports publics locaux de passagers (y compris les taxis), la collecte des déchets, les forces armées et ladministration publique, les personnes handicapées, les ambulances ».

En zone rurale, le manque de prestataires privés, amène bien souvent les sapeurs‑pompiers à prendre en charge le transport sanitaire dit « non urgent ». Le remboursement aux SDIS de leurs frais d’intervention pour carence ambulancière s’effectue sur la base d’un forfait de 118 euros (Arrêté du 30 novembre 2006 fixant les modalités détablissement de la convention entre les services dincendie et de secours et les établissements de santé sièges des SAMU mentionnée à larticle L. 142442 du code général des collectivités territoriales, modifié par larrêté du 9 décembre 2014). Ce montant est très loin du coût réel de la prestation et pèse donc sur les finances, déjà fortement contraintes, des collectivités territoriales.

L’article 2 entend établir une autorisation dabsence similaire pour les sapeurspompiers volontaires à celle existant déjà dans la réserve opérationnelle, en ce qui concerne les situations de crise (les autorisations liées au quotidien relavant du régime de conventions de disponibilité).

L’article 3 vise à valoriser le recrutement dun SPV par une entreprise.

En effet, le recrutement d’un employé qui par ailleurs est SPV peut être un frein à l’embauche même si l’employeur a la possibilité de suspendre la rémunération de l’employé concerné lors de ses activités volontaires effectuées sur le temps de travail.

Lengagement de servir en tant que SPV ne doit pas être un frein mais une force. C’est pourquoi cet article propose d’aller plus loin en proposant que les entreprises qui recrutent des sapeurs‑pompiers volontaires puissent bénéficier d’une exonération de cotisations patronales totales pour les heures du salarié effectuées hors de l’entreprise.

L’article 4 vise à reconnaître l’engagement du sapeur‑pompier volontaire en considérant les sapeurspompiers volontaires comme étant réputés avoir déjà reçu une formation en secourisme. Une telle mesure facilitera les embauches des volontaires dans certaines entreprises qui requièrent la présence d’au moins un salarié ayant reçu une telle formation, en vertu de la loi. C’est le cas des ateliers où des travaux dangereux sont réalisés ou des chantiers employant plus de vingt salariés.

L’article 5 vise à conférer aux sapeurspompiers volontaires un statut juridique stable et protecteur en leur permettant de bénéficier du statut de collaborateur occasionnel du service public. Un arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 février 2018 a estimé que la directive de 20031 sur le temps de travail s’applique aux sapeurs‑pompiers volontaires belges. Or, les SPV français ne souhaitent pas devenir des travailleurs contractuels à temps partiel et craignent la portée jurisprudentielle de cet arrêt. Par leur mission, les SPV doivent pouvoir bénéficier du statut protecteur de collaborateur occasionnel du service public, comme en bénéficient les réservistes.

L’article 6 vise à permettre lanonymat lors dun dépôt de plainte. Au même titre que les autres agents du service public, les pompiers peuvent être victimes d’agressions lors de leurs interventions, ils le sont d’ailleurs malheureusement de plus en plus. Or, le cadre juridique ne donne pas la même protection aux pompiers que celle qu’il accorde aux forces de police et de gendarmerie. Ce manque de garantie les dissuade de porter plainte. En permettant l’anonymat des plaintes des sapeurs‑pompiers volontaires et professionnels, tout en maintenant l’identification par matricule, des réponses judiciaires aux agressions subies seront favorisées.

L’article 7 entend renforcer le délit doutrage à lencontre des pompiers en le transposant sur le délit d’outrage existant à l’encontre des forces de l’ordre.

Les articles 8 et 9 entendent revaloriser financièrement lengagement des sapeurspompiers en bonifiant leurs retraites en en réduisant la durée d’engagement avant d’obtenir la possibilité d’obtenir une rente complémentaire.

L’article 10 ouvre la possibilité aux sapeurs‑pompiers volontaires d’être éligibles à certains emplois publics.


proposition de loi

Titre I

Mise en œuvre d’un dispositif permettant un allègement des charges financières des services départementaux d’incendie et de secours

Article 1er

Le 1 de l’article 265 bis du code des douanes est complété par un g ainsi rédigé :

« g) Comme carburant ou combustible par les services départementaux d’incendie et de secours. »

Titre II

Revalorisation du statut du Sapeur‑Pompier professionnel et DU Sapeur‑Pompier volontaire

Article 2

Au premier alinéa de l’article L. 3142‑89 du code du travail, après les mots : « réserve opérationnelle », sont ajoutés les mots : « ou dans les sapeurs‑pompiers volontaires pour les interventions liées aux situations de crise ».

Article 3

L’article L. 241‑10 du code de la sécurité́ sociale est complèté par un IV ainsi rédigé :

« IV. – La rémunération d’un salarié membre des sapeurs‑pompiers volontaires est exonérée de toutes cotisations patronales de sécurité́ sociale proportionnellement au nombre d’heures d’absence dues à ces activités. Un décret détermine les modalités d’application de l’exonération prévue par le présent alinéa. »

Article 4

Après l’article L. 1424‑37‑1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1424‑37‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1424372  Pendant toute la durée de leur engagement et, après la cessation de celui‑ci, pour une durée n’excédant pas vingt‑quatre mois, les sapeurs‑pompiers volontaires ayant acquis la formation initiale leur permettant d’exercer l’activité de secours aux personnes sont réputés détenir les qualifications nécessaires pour donner les premiers secours dans l’entreprise. »

Article 5

L’article L. 723‑5 du code de la sécurité intérieure est ainsi complété :

« Elle confère au sapeur‑pompier volontaire la qualité de collaborateur occasionnel du service public. »

Article 6

I. – Tout sapeur‑pompier professionnel ou volontaire et tout militaire de la brigade des sapeurs‑pompiers de Paris et du bataillon des marins‑pompiers de Marseille, victime dans l’exercice de ses fonctions ou du fait de ses fonctions d’une atteinte volontaire à l’intégrité de sa personne, de violence, de menace, d’injure, de diffamation ou d’outrage, peut être autorisé à ne pas être identifié par ses nom et prénom dans tous les actes de procédure des instances civiles ou pénales engagées ou nécessaires à la défense de ses droits, lorsque la révélation de son identité est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de ses missions ou de ses fonctions, des circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

II. – A. – L’autorisation est délivrée nominativement par le procureur de la République ou le juge d’instruction sur proposition du responsable hiérarchique d’un niveau suffisant, défini par décret, statuant par une décision motivée.

B. – Cette autorisation permet à l’agent qui en bénéficie d’être identifié par un numéro d’immatriculation administrative.

C. – Le bénéficiaire de l’autorisation est également autorisé à déposer ou à comparaître comme témoin au cours de l’enquête ou devant les juridictions d’instruction ou de jugement et à se constituer partie civile en utilisant ces mêmes éléments d’identification, qui sont seuls mentionnés dans les procès‑verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts. Il ne peut être fait état de ses nom et prénom au cours des audiences publiques.

III. – Le I n’est pas applicable lorsque, en raison d’un acte commis dans l’exercice de ses fonctions, le bénéficiaire de l’autorisation est entendu en application des articles 61‑1 ou 62‑2 du code de procédure pénale ou qu’il fait l’objet de poursuites pénales.

Article 7

Au deuxième alinéa de l’article 433‑5 du code pénal, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « ou membre des forces de secours ».

Article 8

Le premier alinéa de l’article 12 de la loi n° 96‑370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs‑pompiers est ainsi rédigé́ :

« Le sapeur‑pompier volontaire qui a effectué́ au moins quinze ans de service a droit à une allocation de vétérance et à une prestation de fidélisation et de reconnaissance. Toutefois, la durée de service est ramenée à dix ans pour le sapeur‑pompier volontaire dont l’incapacité́ opérationnelle est reconnue médicalement dans des conditions fixées par décret. »

Article 9

Après l’article 12 de la loi n° 96‑370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs‑pompiers, il est inséré un article 12 bis ainsi rédigé́ :

« Art. 12 bis. – Les sapeurs‑pompiers volontaires ayant effectué́ quinze ans de service se voient octroyer des bonifications de trimestres de retraites pour toute année supplémentaire ou pour toute période de réengagement de cinq années effectuées. »

Article 10

Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :

1° L’article L. 241‑5 est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Aux sapeurs‑pompiers volontaires autres que ceux mentionnés à l’article L. 241‑2. » ;

2° À l’article L. 241‑6, après la seconde occurrence du mot : « militaires » sont insérés les mots : « , aux sapeurs‑pompiers volontaires ».

Article 11

I. – La perte de recettes et la charge pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.