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N° 1781 rectifié

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mars 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à punir pénalement l’appropriation du bien d’autrui
sans motif légitime,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien AUBERT, Alain RAMADIER, Isabelle VALENTIN, Éric STRAUMANN, Gérard MENUEL, Patrice VERCHÈRE, Pierre CORDIER, Thibault BAZIN, Guillaume PELTIER, JeanLouis MASSON, Valérie BOYER, Marc LE FUR, Frédérique MEUNIER, Patrick HETZEL, Franck MARLIN, Julien DIVE, Emmanuelle ANTHOINE, Jacques CATTIN, Arnaud VIALA, Véronique LOUWAGIE, Olivier DASSAULT, Vincent ROLLAND, Éric CIOTTI, Valérie LACROUTE, Charles de la VERPILLIÈRE, Fabrice BRUN, MarieChristine DALLOZ, Robin REDA, Vincent DESCOEUR, Raphaël SCHELLENBERGER, Gérard CHERPION, Sébastien LECLERC, JeanFrançois PARIGI, PierreHenri DUMONT, Philippe GOSSELIN, Martial SADDIER, JeanLuc REITZER, Valérie BEAUVAIS, Valérie BAZINMALGRAS, Pierre VATIN, Éric PAUGET, Geneviève LEVY, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, JeanJacques GAULTIER, Virginie DUBYMULLER, Laurent FURST, Damien ABAD, Daniel FASQUELLE, Paul CHRISTOPHE, Maxime MINOT, JeanClaude BOUCHET, Bernard DEFLESSELLES, Annie GENEVARD, Constance LE GRIP, Dino CINIERI, JeanYves BONY, Brigitte KUSTER, JeanLouis THIÉRIOT, Bernard BROCHAND, JeanCharles TAUGOURDEAU, Michel HERBILLON, Gilles LURTON, Bernard PERRUT, Michel VIALAY, Rémi DELATTE, Nicolas FORISSIER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En mai 2015, le cas d’une dame de 83 ans, ayant lutté pendant dix‑huit mois pour récupérer un bien dont elle était propriétaire et qui avait été occupé deux ans par une quinzaine de squatteurs, avait ému les Français. Les cas de violation de domicile et d’occupation des biens immobiliers par des squatteurs, qui font un usage extrême du droit existant pour demeurer dans les lieux, sont malheureusement toujours d’actualité.

À Garges‑lès‑Gonesse, un propriétaire dont la maison a été occupée, s’est vu opposer par les squatteurs un ticket de livraison de pizzas pour établir leur présence depuis plus de 48 heures. Les squatteurs savent bien que passé ce délai, la procédure d’expulsion par la police se complexifie, même si une loi n° 2015‑714 du 24 juin 2015 est intervenue pour l’assouplir. Le 31 janvier 2018, ce sont des jeunes de la ville de Garges‑lès‑Gonesse qui se sont organisés sur les réseaux sociaux pour expulser, eux‑mêmes, les occupants de la maison. L’incapacité de notre droit à défendre concrètement le droit de propriété aboutit désormais à un recours inquiétant à la justice privée.

Au mois d’août dernier, à Montpellier, un squatteur a même été jusqu’à lancer une action contre le propriétaire du logement pour « violation de domicile » !

Ces atteintes manifestes au droit de propriété ‑ qui a pourtant une valeur constitutionnelle – sont inacceptables. Les propriétaires victimes de ces occupations illicites, qui ne font pourtant valoir que leur bon droit, se trouvent dans une situation d’impuissance à laquelle nous devons répondre.

La présente proposition de loi a donc vocation à défendre réellement le droit de propriété en luttant contre les phénomènes de squats de logements mais aussi contre les locataires indélicats qui s’installent dans le logement d’autrui et cessent de payer leurs loyers.

Un récent cas dans le Vaucluse illustre parfaitement cette situation : un propriétaire s’est retrouvé dans l’impossibilité de récupérer son logement à l’issue de la résiliation du bail de location. Malgré un jugement les condamnant à quitter les lieux, les locataires, dans l’attente d’un relogement, ont refusé de quitter les lieux. Le ménage étant déclaré prioritaire pour obtenir un relogement, le préfet n’a pas accordé le concours à la force publique pour faire exécuter le jugement.

Une telle situation ne serait pas produite avec la présente proposition de loi imposant au préfet le recours à la force publique lorsqu’une décision de justice a condamné les occupants de mauvaise foi à quitter les lieux.

Ces situations dramatiques ont ainsi mis en évidence l’existence d’un vide juridique et d’une carence de l’action administrative : si le domicile est protégé en tant qu’extension de la notion d’atteinte à la vie privée, inscrite dans le code pénal, la propriété ne l’est pas.

De plus, malgré l’existence des voies de recours pour expulser les personnes qui s’introduisent ou se maintiennent dans un bien immobilier sans droit ni titre, ces voies de recours sont lentes voire inexistantes lorsque l’administration, par souci d’éviter des troubles à l’ordre public, choisit de ne pas agir. Le recours indemnitaire auquel le propriétaire lésé a dès lors droit, ne lui permet pas pour autant de retrouver la jouissance de son bien !

La présente proposition de loi entend donc lutter contre le recours à une justice privée qui est la conséquence regrettable d’une action publique souvent impuissante face aux violations de la propriété immobilière, en renforçant la célérité des voies d’exécution et en créant un nouveau délit sanctionnant les occupants sans droit ni titre d’un immeuble. Cette proposition de loi fait donc de la défense du droit de propriété un véritable droit inaliénable et sacré, consacré par l’utilisation obligatoire du recours à la force publique pour le faire respecter.

Les deux objectifs de la proposition de loi sont donc bien de défendre le droit de propriété en créant un délit d’occupation sans droit ni titre d’un immeuble, d’accélérer les voies d’exécution forcée et de rendre obligatoire l’exécution des décisions de justice en recourant à la force publique, si nécessaire.

Il s’agit donc dans un premier temps de dissuader les violations répétées du droit de propriété par la création d’un nouveau délit sanctionnant les occupants sans droit ni titre d’un immeuble. Cette avancée nécessaire ne permet toutefois pas de débloquer la totalité des situations de squats de logement. Avec la notion de « domicile » inscrite dans le code pénal, le juge peut estimer qu’un immeuble vacant ou des bureaux n’entrent pas dans la notion de domicile.

Aussi, il appartient au législateur de faire le nécessaire afin de remédier à ce vide juridique en créant un cadre législatif autour de l’occupation sans droit ni titre de mauvaise foi d’un immeuble, au‑delà de la simple protection du « domicile », telle qu’interprétée par la jurisprudence.

Ainsi, l’article 1 introduit la notion de droit de propriété dans le code pénal en créant un chapitre distinct à l’intérieur du livre III du titre Ier du code pénal consacré aux « appropriations frauduleuses » afin que la propriété soit protégée en dehors de la notion de domicile. En complément, il crée dans ce chapitre deux nouveaux articles instituant un délit spécifique d’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier appartenant à un tiers, l’assimilant à un vol.

Cette assimilation entre occupation d’un bien immobilier et vol d’un bien mobilier rend alors l’occupation sans droit ni titre « de mauvaise foi » punissable de trois ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende, au minimum au même titre qu’un vol d’un bien mobilier.

L’article 2 aggrave la peine prévue à l’article 226‑4 du code pénal pour le délit d’ « introduction dans le domicile à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte » à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Il s’agit de doubler les peines prévues dans la loi afin de permettre une comparution immédiate devant le juge pénal et dès lors faciliter l’expulsion des personnes violant le domicile d’autrui. En effet, l’article 395 du code de procédure pénale dispose qu’à partir d’une peine minimale de deux ans d’emprisonnement, « le procureur de la République, lorsqu’il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en l’état d’être jugée, peut, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur‑le‑champ devant le tribunal ».

L’article 3 du présent texte propose de modifier l’article 38 de la loi sur le droit au logement opposable, en insérant l’occupation sans droit ni titre aux cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui. En outre, l’article 4 crée un cas d’exclusion du bénéfice des dispositions de la loi sur le droit au logement opposable pour toute personne ayant été condamnée pour occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier pendant une durée de trois ans à compter de sa condamnation.

Par ailleurs, afin de rendre obligatoire le recours à la force publique pour expulser les occupants sans droit ni titre d’un bien, l’article 5 oblige le préfet à faire appel aux forces de l’ordre dans les 48 heures après la décision d’un juge accueillant la demande du propriétaire ou du locataire lésé.

Enfin, l’article 6 prévoit d’obliger la contractualisation de conventions entre propriétaires et occupants à titre gratuit d’un bien immobilier. Ces conventions qui seront résiliables selon le même mécanisme que les baux locatifs classiques, permettront de mieux protéger les occupants et les propriétaires, les occupants à titre gratuit se soumettant aux mêmes règles que les locataires d’un bien, mais sans versement d’une compensation financière. De même, un propriétaire qui souhaiterait récupérer un bien prêté temporairement pourrait le faire sous la seule condition de donner une période de préavis d’un mois à l’occupant afin que celui‑ci puisse quitter le logement qu’il occupe à titre gratuit.


proposition de loi

Article 1er

Le titre Ier du livre III du code pénal est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« De l’occupation frauduleuse d’un immeuble

« Art. 3151. ‑ L’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un bien immobilier appartenant à un tiers est assimilée à un vol et relève donc à ce titre des articles 311‑1 et suivants.

« Art. 3152. ‑ Il incombe au tiers occupant sans droit ni titre de prouver sa bonne foi par la présentation d’un titre de propriété, d’un contrat de bail le liant au propriétaire de l’immeuble occupé, ou d’une convention d’occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien. »

Article 2

L’article 226‑4 du code pénal est ainsi modifié :

1° Après le mot : « est », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » ;

2° Après les mots : « d’autrui », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « , hors les cas où la loi le permet, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende et s’apparente à une occupation sans droit ni titre au sens de l’article 315‑1. »

Article 3

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « contrainte », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « ou d’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un bien immobilier, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte et fait la preuve que le logement est occupé de manière illicite par un officier de police judiciaire ou un huissier de justice. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase, les mots : « aux occupants et » sont remplacés par les mots : « aux tiers occupants sans droit ni titre, ainsi qu’au propriétaire ou à l’occupant légal du logement, et est » ;

b) La troisième phrase est supprimée ;

3° Après le mot : « préfet », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « recourt à la force publique afin de procéder à l’évacuation forcée du logement. » 

Article 4

Après l’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, il est inséré un article 38 bis ainsi rédigé :

« Art. 38 bis. ‑ Toute personne ayant fait l’objet d’une décision de justice la condamnant suite à une occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier, ne peut se prévaloir des dispositions prévues par la présente loi pendant une durée de trois ans à compter de la date de sa condamnation. »

Article 5

Lorsqu’un juge constate sur le fondement de l’article 315‑1 du code pénal une occupation sans droit ni titre par un tiers, le représentant de l’État dans le département où se situe l’immeuble occupé recourt, sur demande du propriétaire, dans les quarante‑huit heures à la force publique afin de déloger les tiers occupants de mauvaise foi dudit immeuble.

Article 6

À compter de la promulgation de la présente loi, toute occupation à titre gratuit d’un bien immobilier doit faire l’objet d’une convention signée entre le propriétaire et l’occupant.

Par cette convention, le tiers occupant à titre gratuit s’engage à entretenir comme il se doit l’immeuble occupé et le propriétaire à fournir un logement digne.

Sans préjudice de l’article 1240 du code civil, le tiers occupant à titre gratuit est responsable de l’entretien du bien qu’il occupe. Lorsqu’il souhaite quitter celui‑ci, il prévient par courrier avec accusé de réception le propriétaire de son départ. Il dispose alors de trente jours à compter de la date d’envoi pour quitter l’immeuble.

Le propriétaire d’un immeuble occupé par un tiers à titre gratuit récupère la jouissance pleine et entière de son bien, après avoir prévenu l’occupant à titre gratuit par courrier avec accusé de réception. Le tiers occupant à titre gratuit dispose alors de trente jours à compter de la date d’envoi du courrier pour quitter l’immeuble. Passé ce délai, le propriétaire peut faire valoir ses droits au titre de l’article 1er de la présente loi et engager une procédure au titre de l’occupation sans droit ni titre de son bien.