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N° 1809

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2019.

PROPOSITION DE LOI

pour une interdiction effective de la pêche électrique,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Erwan BALANANT, Paul CHRISTOPHE, Géraldine BANNIER, JeanNoël BARROT, Justine BENIN, Philippe BERTA, Philippe BOLO, JeanLouis BOURLANGES, Vincent BRU, JeanPierre CUBERTAFON, Marguerite DEPREZAUDEBERT, Bruno DUVERGÉ, Sarah EL HAÏRY, Nathalie ELIMAS, Nadia ESSAYAN, Michel FANGET, Stéphane BAUDU, Isabelle FLORENNES, Bruno FUCHS, Patricia GALLERNEAU, Laurent GARCIA, Brahim HAMMOUCHE, Cyrille ISAACSIBILLE, Élodie JACQUIERLAFORGE, JeanLuc LAGLEIZE, Fabien LAINÉ, Mohamed LAQHILA, Philippe LATOMBE, Aude LUQUET, Max MATHIASIN, JeanPaul MATTEI, Sophie METTE, Philippe MICHELKLEISBAUER, Patrick MIGNOLA, Bruno MILLIENNE, Jimmy PAHUN, Maud PETIT, Frédéric PETIT, Josy POUEYTO, Richard RAMOS, Marielle de SARNEZ, Nicolas TURQUOIS, Michèle de VAUCOULEURS, Laurence VICHNIEVSKY, Agnès THILL, Anissa KHEDHER, Annaïg LE MEUR, Anne BLANC, Anne BRUGNERA, Annie CHAPELIER, Anthony CELLIER, Antoine HERTH, Barbara BESSOT BALLOT, Barbara POMPILI, Bertrand BOUYX, Bertrand PANCHER, Bertrand SORRE, Brigitte LISO, Béatrice DESCAMPS, Béatrice PIRON, Carole BUREAUBONNARD, Christine CLOAREC, Christophe BLANCHET, Christophe NAEGELEN, Cédric VILLANI, Danielle BRULEBOIS, Danièle HÉRIN, Denis MASSÉGLIA, Didier MARTIN, Didier QUENTIN, Dominique POTIER, Francis VERCAMER, François RUFFIN, Frédérique DUMAS, Frédérique TUFFNELL, Guillaume CHICHE, Guy BRICOUT, Hervé BERVILLE, JeanCharles LARSONNEUR, JeanChristophe LAGARDE, JeanLouis TOURAINE, JeanLuc REITZER, JeanLuc WARSMANN, JeanPierre PONT, Joël GIRAUD, Laure de LA RAUDIÈRE, Laurence VANCEUNEBROCKMIALON, Laëtitia ROMEIRO DIAS, Liliana TANGUY, Lise MAGNIER, Loïc DOMBREVAL, Marion LENNE, Matthieu ORPHELIN, Maina SAGE, Meyer HABIB, Moetai BROTHERSON, Natalia POUZYREFF, Nathalie BASSIRE, Nicole TRISSE, Olivia GREGOIRE, Olivier GAILLARD, Patricia LEMOINE, Paul MOLAC, Pierre MORELÀL’HUISSIER, PierreHenri DUMONT, Sandrine JOSSO, Sandrine LE FEUR, Sira SYLLA, Sonia KRIMI, Sophie AUCONIE, Sophie BEAUDOUINHUBIÈRE, Stéphane BUCHOU, Stéphane TESTÉ, Stéphanie KERBARH, Sylvain MAILLARD, Sébastien JUMEL, Sébastien NADOT, Thierry BENOIT, Typhanie DEGOIS, Vincent LEDOUX, Véronique HAMMERER, Vincent THIÉBAUT, Yannick KERLOGOT, Yves DANIEL, Émilie CARIOU, Éric COQUEREL, Claire PITOLLAT, Florence PROVENDIER, Delphine BAGARRY, JeanBernard SEMPASTOUS, Jennifer De TEMMERMAN, Cécile RILHAC, Agnès FIRMIN LE BODO, Élisabeth TOUTUTPICARD, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Fabienne COLBOC,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Des évolutions majeures relatives à l’encadrement de la pêche électrique se profilent actuellement au niveau de l’Union européenne et rendent nécessaire l’intervention du législateur français.

La méthode dite de la « pêche électrique » telle que pratiquée actuellement désigne la pratique combinée de la pêche à impulsion électrique associée à un chalut. Elle consiste à envoyer un courant électrique bipolaire afin de faciliter la capture de poissons et de crustacés. La diffusion de ce courant électrique dans le fond n’est pas sans incidence car la pratique est néfaste. En effet, la charge envoyée affecte les organismes marins et détériore la biodiversité et l’écosystème, raison pour laquelle la méthode est décriée par les associations environnementales, ainsi que par de nombreuses études. De surcroît, cette technique est peu sélective : pour 100 kg pêchés, 50 à 70 kg sont rejetés en mer. En comparaison, les fileyeurs ne rejettent eux que 6 kg de poissons pour 100 kg pêchés.

Au‑delà du caractère dangereux pour l’écosystème marin de la pêche à impulsion électrique, la pêche électrique participe à la surpêche.

Aujourd’hui, 33,1 % des stocks de poissons exploités à l’échelle mondiale le sont au‑delà de la limite de durabilité biologique, soit trois fois plus qu’en 1974. Selon un rapport de l’IFREMER en date de février 2019, seuls 48 % des stocks de poissons ont été exploités durablement en France métropolitaine en 2018 et 27 % des stocks sont surpêchés. Il apparaît ainsi urgent d’adopter une gestion durable et écosystémique de nos océans et de nous détourner de la surexploitation actuelle qui détruit les écosystèmes et ceux qui en dépendent. Les États membres se sont engagés lors de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre 2015 à « mettre un terme à la surpêche » et « aux pratiques de pêche destructrices » d’ici 2020, « l’objectif étant de rétablir les stocks de poissons le plus rapidement possible » (ODD 14.4).

L’effondrement croissant des stocks de poissons au niveau mondial a et continuera à avoir un impact notoire sur nos sociétés, il est urgent d’agir en conséquence.

Face à ces constatations, les institutions européennes ont adopté le règlement (CE) n° 850/98 du Conseil du 30 mars 1998 visant à la conservation des ressources de pêche par le biais de mesures techniques de protection des juvéniles d’organismes marins, lequel, par son article 31, prohibe différents modes de pêches destructrices au sein de l’Union européenne, notamment la pêche électrique.

Cette interdiction a toutefois été nuancée dès l’entrée en vigueur du règlement (CE) n° 41/2007 du Conseil du 21 décembre 2006 établissant, pour 2007, les possibilités de pêche et les conditions associées pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux communautaires et, pour les navires communautaires, dans les eaux soumises à des limitations de capture. Aux termes de ce dernier, une dérogation a, en effet, été introduite en vue de permettre, à titre transitoire, l’usage du courant électrique dans la partie sud de la Mer du Nord.

En 2013, ladite dérogation a été reprise, de manière permanente, dans l’article 31 bis du règlement de 1998. Depuis lors, sous certaines conditions, les États membres peuvent équiper d’électrodes jusqu’à 5 % de leur flotte de chaluts à perche pour opérer dans le sud de la Mer du Nord.

Malgré la dangerosité de cette mesure et ses impacts profondément destructeurs sur nos écosystèmes, en 2016, la Commission européenne a proposé une nouvelle extension de cette dérogation. Elle envisageait alors de supprimer le plafond de 5 % et d’intégrer cette mesure dérogatoire en tant que pratique « innovante » dans la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (n° COM/2016/0134) relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques modifiant d’autres règlements.

Cette proposition allant dans le sens d’une généralisation de la pêche électrique a éveillé de vives réactions. Au sein de la société civile, notamment certaines associations telles que l’ONG Bloom, se sont mobilisées et lancées dans une campagne en faveur d’une interdiction totale de cette méthode de pêche.

L’Assemblée nationale a très rapidement répondu à l’appel des acteurs de la pêche artisanale et des associations. Ainsi, le 10 janvier 2018, une tribune signée par 249 députés de tous les bords politiques déclarait la volonté de la représentation nationale d’interdire rapidement cette pratique. Cette tribune a été suivie d’une proposition de résolution européenne votée le 6 mars 2018 à l’unanimité.

Cette prise de position s’inscrit dans un dialogue constructif avec le Parlement européen puisque, le 16 janvier 2018, ce dernier a rejeté l’extension de la dérogation proposée par la Commission, avec une large majorité (402 voix pour, 232 contre).

Les négociations du trilogue se sont ensuite poursuivies, avant d’aboutir, le 13 février 2019, à un accord, repris dans le projet de règlement du Parlement et du Conseil relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques, lequel porte interdiction totale de la pêche électrique à partir du 1er juillet 2021. Cette date doit permettre de « garantir une période de retrait progressif pour permettre au secteur de s’adapter », selon le Commissaire européen en charge de la pêche, Karmenu Vella.

Le règlement précise que, pendant la période de transition, la recherche scientifique fera l’objet d’un encadrement plus strict et aucune nouvelle dérogation ne sera octroyée. En revanche, les chalutiers ayant déjà obtenu une dérogation dans le cadre du régime actuel pourront continuer à utiliser la pêche électrique.

Sur ce point, l’accord contient toutefois une disposition cruciale : il offre aux États membres la possibilité de restreindre ou d’interdire de manière non discriminatoire le chalutage par impulsions électriques, pendant la période transitoire. L’adoption de telles mesures pourra ainsi intervenir dès l’entrée en vigueur du règlement reprenant l’accord et pour la période antérieure au 1er juillet 2021. Ces mesures seraient alors susceptibles de s’appliquer dans les 12 milles marins de l’État membre concerné, ce qui correspond à la limite de leur mer territoriale, conformément aux dispositions de la Convention internationale sur le droit de la mer du 10 décembre 1982.

Nous devons saisir cette possibilité d’interdiction, dès l’entrée en vigueur du règlement. En effet, le régime de la dérogation actuelle n’a fait l’objet que de peu de contrôles et donne lieu à de nombreux abus. Par exemple, selon le registre des flottes européennes, 28 % de la flotte néerlandaise serait équipée en chaluts électriques au lieu des 5 % autorisés.

À l’heure de l’urgence écologique, de l’impérative nécessité de préserver la biodiversité marine et d’aboutir à une gestion durable des ressources halieutiques, la France doit assumer un rôle de référence. Édicter une interdiction totale de la pêche électrique permettrait d’aider nos pêcheurs à développer leur activité, dans le respect de la préservation de la ressource halieutique et des écosystèmes marins. Nous constatons par ailleurs que certains États ont déjà interdit totalement la pêche électrique, notamment la Chine, le Brésil ou les États‑Unis.

L’article unique de la présente proposition de loi vise ainsi à interdire la pêche électrique jusqu’à la limite de la mer territoriale française, dès l’entrée en vigueur du projet de règlement du Parlement et du Conseil relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques et avant le 1er juillet 2021, date à laquelle l’interdiction totale édictée par ce dernier deviendra effective dans toutes les eaux de l’Union européenne.

Enfin, l’introduction de cette interdiction en droit français permettra de sanctionner les pratiques relevant de la pêche électrique ainsi que toute autre pratique de pêche interdite susceptible de les accompagner, conformément aux dispositions du titre IV, du livre IX du code rural et de la pêche maritime. En particulier, seront soumis à une amende d’un montant de 22 500 euros, conformément aux paragraphes 8° et 9° de l’article L. 945‑4, d’une part, les pêcheurs contrevenants et, d’autre part, les fabricants, détenteurs ou commerçants de matériel interdit.


proposition de loi

Article unique

Après l’article L. 922‑3 du code rural et maritime, il est inséré un article L. 922‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 9224. – La pêche au chalut associée au courant électrique impulsionnel est interdite jusqu’à la limite de la mer territoriale. »