Description : LOGO

N° 1929

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mai 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger de manière plus efficace les victimes directes
et indirectes des accidents de la circulation,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Laurence TRASTOURISNART, JeanClaude BOUCHET, Charles de la VERPILLIÈRE, Virginie DUBYMULLER, JeanCarles GRELIER, Gilles LURTON, JeanLouis MASSON, Éric PAUGET, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Nadia RAMASSAMY, Robin REDA, JeanLuc REITZER, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année en France, 3 500 personnes meurent dans un accident de la route.

Ce chiffre est tout simplement inacceptable. Les routes de France ne peuvent pas être un cimetière. Derrière ce nombre, il y a des existences fauchées, des destins fracassés. Chacune de ces personnes décédées est l’enfant, le père, la mère, le frère, la sœur, l’ami de quelqu’un.

Il y a les morts mais il y a aussi tous les blessés, toutes les personnes qui se retrouvent traumatisées et qui sont parfois gravement handicapées. Ces trois dernières années, sont à déplorer 81 456 victimes directes de blessures dues à un accident de la route et 244 368 victimes indirectes.

Pourtant, les principaux facteurs des accidents les plus graves sont connus de tous et restent les mêmes. Tous les ans, les experts de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière les rappellent :

– un accident mortel sur trois est causé par une vitesse excessive ou inadaptée : c’est le premier facteur daccident ;

– un accident mortel sur quatre est causé par une alcoolémie positive du conducteur ;

– les stupéfiants multiplient par deux le risque d’être responsable d’un accident mortel et par 15 lorsque la drogue est mélangée avec de l’alcool.

Ces facteurs demeurent très prégnants, malgré de nombreuses campagnes publicitaires de prévention et la mise en place d’un contrôle de connaissance théorique de sécurité routière dans l’enseignement scolaire, permettant la délivrance des attestations scolaires de sécurité routière (ASSR).

Bien que la loi n° 85‑677 du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation ait constitué une avancée majeure pour l’indemnisation de ces victimes, notamment grâce au principe de réparation intégrale des préjudices et au succès de la procédure amiable, un vide juridique subsiste concernant d’autres aspects des accidents de la circulation.

La prévention s’essouffle.

La répression et la peur de la sanction semblent devenir aujourd’hui l’unique moyen de faire prendre conscience des risques routiers.

C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi se donne pour objectif de diminuer le nombre de décès et de blessés sur les routes, mais aussi d’améliorer la protection les victimes directes et indirectes des accidents de la circulation.

Il convient donc d’agir sur plusieurs volets. Le premier renforce la prévention auprès de la population, aussi bien juvénile qu’adulte, sur les effets et les conséquences du non‑respect des règles en matière de circulation. Un second volet concerne la responsabilité pénale des auteurs d’infractions. Enfin un dernier volet a pour but d’améliorer la prise en charge et l’accompagnement des victimes et de leur famille à la suite d’un accident de la circulation.

L’article 1er prévoit, pour tout jeune ayant atteint l’âge de 14 ans, une demi‑journée de prévention dans un centre de rééducation, afin d’échanger avec des victimes d’accident de la circulation, sur la base du volontariat. 14 ans est l’âge légal pour passer le brevet de sécurité routière (BSR) et permet une réelle prise de conscience des dangers de la route. De plus, c’est l’âge précédant la possibilité de débuter la conduite accompagnée depuis la réforme du 30 mars 2016. Certes, la prévention commence dès le plus jeune âge, notamment avec les ASSR de niveau 1 et 2. Mais, malgré tout, les formations restent seulement théoriques et les mesures actuelles de prévention insuffisantes. Ainsi, il convient d’organiser des rencontres directes avec des accidentés de la route pour captiver et interpeller plus fortement les jeunes grâce au récit de ces douloureuses expériences. Comme dans tout domaine éducatif, l’apprentissage dès le plus jeune âge permet d’acquérir de meilleurs automatismes.

L’article 2 propose la création d’une infraction autonome : l’homicide routier. Les contours de ce délit se fondent sur le modèle de l’homicide involontaire de l’article 221‑6 du code pénal. En effet, actuellement, le responsable d’un accident de la route ayant causé un décès est condamné pour homicide involontaire, c’est‑à‑dire l’infraction par laquelle un auteur cause la mort d’autrui sans avoir l’intention de tuer, par sa simple faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi.

Or, dans certains cas, c’est de manière délibérée qu’une personne prend le volant après avoir consommé de l’alcool ou des stupéfiants, avec la conscience d’être un danger pour autrui. Il serait donc impératif de créer une infraction répondant à cette situation particulière mais fréquente.

L’article 3 modifie l’alinéa 3 de l’article 221‑6‑1 du code pénal, pour allonger la durée de la peine de prison ferme ou avec sursis de 10 à 15 ans en cas d’homicide involontaire avec trois ou plusieurs circonstances aggravantes, lorsque celui‑ci a été commis dans le cadre d’un accident de la circulation. En effet, le quantum actuel est insatisfaisant au vu de l’atteinte morale et du choc post‑traumatique subis par les victimes et leur famille suite à l’accident. En outre, l’accroissement de la durée de la peine vise à responsabiliser davantage les usagers de VTM, et à diminuer le nombre de récidives des infractions du code de la route. De surcroit, cet article vise à ce que le dépassement de la vitesse maximale égal ou supérieur à 25 km/h constitue une circonstance aggravante à la place du dépassement de 50 km/h tel que prévu en l’état actuel du droit.

L’article 4 propose d’inclure les médicaments de classe 3 au dépistage de l’alcool et de stupéfiants effectué par les autorités de l’article L. 235‑2 du code de la route ; et de les ériger au rang de circonstances aggravantes de l’homicide involontaire. Environ 5 % des traitements sont de niveau 3 et sont identifiables par un pictogramme sur fond rouge avec la mention « Ne pas conduire ». Leur absorption rend la conduite du véhicule terrestre à moteur systématiquement dangereuse. Or, malgré cette indication, de nombreux accidents sont encore dus à la prise de ces substances qui affectent les réflexes du conducteur. Ainsi, les personnes étant préalablement informées par les notices et prévenues par leur médecin, l’intégration de ces médicaments comme circonstances aggravantes est justifiée.

L’article 5 reprend la même idée que celle de l’article 4 mais permet une modification de l’article L. 235‑2 du code de la route concernant le dépistage des médicaments de classe 3.

L’article 6 permet aux compagnies d’assurances d’exercer un recours contre leur assuré reconnu pénalement responsable d’un homicide routier. Actuellement, ce recours n’est possible qu’en cas d’exclusion ou de déchéance de garantie prévue aux articles R. 211‑10 et R. 211‑11 du code des assurances. 

Dans ce cas, seul le fonds de garantie a la possibilité d’exercer un recours à l’encontre du responsable pour recouvrir les indemnisations versées.

En permettant aux compagnies d’assurances dites « classiques » d’exercer un tel recours, nous responsabiliserons les assurés.

L’article 7 prévoit une assistance des victimes des accidents de la circulation par des associations spécialisées. Trop souvent, les victimes sont démunies face aux démarches à suivre alors que le responsable présumé d’un accident routier bénéficie de l’assistance d’un avocat commis d’office. L’objectif est donc aussi bien de les soutenir dans leurs démarches administratives et médicales que les informer des procédures à suivre en vue de leur indemnisation.

L’article 8 permet aux parties civiles de prendre la parole lors de l’audience devant la cour d’appel. Actuellement seul le prévenu et les éventuels témoins prennent la parole si la cour a ordonné leur audition.

L’article 9 rend obligatoire la garantie du conducteur dans tous les contrats d’assurances de véhicule terrestre à moteur. Il impose un montant minimum de garantie, sans franchise et soumis à conditions d’application. Dès lors, la question de la double indemnisation ne pourra être opposée à la victime par l’assureur.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 211‑6 du code de la route, il est inséré un article L. 211‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 21161. – En complément de la formation à la sécurité routière dispensée dans le cadre de l’enseignement scolaire, est organisée pour tout jeune ayant atteint son quatorzième anniversaire une demi‑journée dans un centre de rééducation.

« À l’issue de cette formation, il est délivré un certificat individuel de participation. »

Article 2

Après l’article 221‑7 du code pénal, il est inséré un article 221‑7‑1 ainsi rédigé :

« Art. 22171. – Le fait pour un conducteur de causer la mort d’autrui, après avoir pris délibérément le volant de son véhicule terrestre à moteur, sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants et en ayant conscience d’être un danger pour autrui, constitue un homicide routier puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

« En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. »

Article 3

L’article 221‑6‑1 du code pénal est ainsi modifié : 

1° Au premier alinéa, le mot : « involontaire » est remplacé par le mot : « routier » ;

2° Au 5°, le nombre : « 50 » est remplacé par le nombre : « 25 » ;

3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque l’homicide routier a été commis avec deux des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article. »

4° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à quinze ans d’emprisonnement et à 300 000 euros d’amende lorsque l’homicide routier a été commis avec trois ou plus des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article. »

Article 4

Après le 6° de l’article 221‑6‑1 du code pénal, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Il résulte d’une analyse sanguine que le conducteur avait fait usage de médicament de catégorie 3, inclus dans la liste des médicaments présentant des risques pour la conduite d’un véhicule, conformément à l’arrêté du 13 mars 2017 modifiant l’arrêté du 8 août 2008 pris pour l’application de l’article R. 5121‑139 du code de la santé publique et relatif à l’apposition d’un pictogramme sur le conditionnement extérieur de certains médicaments et produits. »

Article 5

Aux premier, deuxième, cinquième et sixième alinéas de l’article L. 235‑2 du code de la route, après le mot : « usage », sont insérés les mots : « de médicaments de niveau 3, ».

Article 6

L’article L. 211‑1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le contrat d’assurance peut, sans qu’il soit contrevenu aux dispositions du présent article, comporter des clauses prévoyant une exclusion de garantie lorsque le conducteur est reconnu pénalement responsable d’un homicide routier. »

Article 7

Après l’article 48 de la loi n° 85‑677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, il est inséré un article 48 bis ainsi rédigé :

« Art. 48 bis.  Les victimes d’un accident de la circulation pourront se faire assister par une association spécialisée pour les démarches administratives et médicales. »

Article 8

L’article 513 du code de procédure pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sur demande expressément formulée la cour entend le conseil des parties civiles dans ses observations. »

Article 9

Après l’article L. 211‑1du code des assurances, il est inséré un article L. 211‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 21111. – En complément de l’article L. 211‑1, tout véhicule terrestre à moteur doit être couvert par une garantie du conducteur.

« Les contrats d’assurances prévoient une garantie minimum de 1 000 000 € sans franchise applicable.

« Les conditions générales d’application du contrat prévoient une indemnisation de droit commun sans limiter le montant minimum de garantie.

« La double indemnisation ne peut être opposée aux victimes ou aux ayants droits. »