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N° 1968

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2019.

PROPOSITION DE LOI

portant suppression de la prise en compte
des revenus du conjoint dans la base de calcul
de lallocation aux adultes handicapés,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Véronique LOUWAGIE, JeanClaude BOUCHET, Bernard PERRUT, Patrick HETZEL, Thibault BAZIN, Claude de GANAY, Jérôme NURY, Nathalie BASSIRE, Jacques CATTIN, JeanFrançois PARIGI, Geneviève LEVY, Julien DIVE, Gilles LURTON, Marc LE FUR, Éric PAUGET, MarieChristine DALLOZ, Mansour KAMARDINE, Fabrice BRUN, Constance LE GRIP, JeanCarles GRELIER, Émilie BONNIVARD, Rémi DELATTE, Brigitte KUSTER, Éric WOERTH, Vincent ROLLAND, Pierre VATIN, JeanLouis THIÉRIOT, Robin REDA, Valérie LACROUTE, Arnaud VIALA, Bernard DEFLESSELLES, JeanPierre DOOR,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« La dignité de tout homme dépend de son degré dautonomie, et lautonomie suppose des ressources suffisantes ».

C’est par ces mots que René Lenoir, secrétaire d’État auprès de la ministre de la santé Simone Veil, sous la présidence de M. Valéry Giscard d’Estaing, défendait en 1974 devant l’Assemblée nationale la mise en place de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) par la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées.

L’allocation aux adultes handicapés (AAH) est une garantie de ressources pour les adultes frappés d’un certain degré d’incapacité en raison du handicap ou de la maladie chronique dont ils sont victimes. Le montant maximum de cette allocation s’élève actuellement à 860 euros pour un bénéficiaire sans ressources depuis le 1er novembre 2018, date de sa dernière augmentation. Une nouvelle élévation à 900 euros est prévue pour au 1er novembre 2019.

L’attribution de cette allocation fait l’objet d’un encadrement strict. Le bénéficiaire se voit ainsi imposer des critères d’incapacité, d’âge, de résidence ainsi que de ressources. Tandis que le respect des conditions médicales fait l’objet d’un examen par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, le respect des conditions administratives est quant à lui vérifié par les organismes en charge du versement de l’allocation, c’est‑à‑dire la caisse d’allocation familiale (CAF) et la mutualité sociale agricole (MSA). Son montant intervient en complément des autres ressources de la personne en situation de handicap.

Véritable porte‑voix d’une revendication partagée par l’ensemble des associations de défense des droits des personnes handicapées, cette proposition de loi s’inscrit en réaction contre l’indexation actuellement en vigueur du montant de l’AAH perçue par le bénéficiaire sur le revenu de sa conjointe ou de son conjoint. En effet, si l’allocataire est marié ou vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité, les ressources du conjoint sont prises en compte dans le calcul de l’AAH. Concrètement, le versement de l’AAH devient dégressif à partir de 1 126 euros de revenus pour le conjoint du bénéficiaire jusqu’à son arrêt si le partenaire du bénéficiaire possède des revenus supérieurs à 2 200 euros par mois. Aussi, ce texte entend‑t‑il permettre l’individualisation de l’AAH afin d’inscrire cette dernière en cohérence avec sa vocation première : la garantie d’une véritable autonomie financière pour la personne en situation de handicap.

En effet, la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH pose de nombreux problèmes, tant sur le plan financier que sur le plan moral. Fixer le plafond de versement de l’AAH en fonction des revenus du partenaire, c’est instaurer une relation de dépendance financière et psychologique entre la personne en situation de handicap et sa conjointe ou son conjoint. Pourtant, le fait de vivre en couple ne devrait jamais sonner le glas de l’autonomie financière de quiconque. Il convient de rappeler que si le calcul du revenu de solidarité active tient quant à lui compte du revenu du conjoint, l’AAH n’est pas un minimum social comme un autre : cette allocation a pour objectif de venir au secours d’une personne qui du fait de son invalidité se trouve dans la stricte impossibilité de disposer de ressources suffisantes liées au travail.

Il est inconcevable que des couples formés par une personne en situation de handicap et une personne valide puissent se trouver fragilisés en raison d’une législation défavorable sur le plan financier. Surtout, il est impensable que des personnes atteintes d’un handicap renoncent à se marier afin de pouvoir conserver le bénéfice de leur allocation, seule garante de leur autonomie.

Il s’agit là d’une nouvelle discrimination venant s’ajouter à la liste déjà longue des facteurs d’exclusion dont sont victimes les personnes handicapées.

Cette proposition de loi permettrait non seulement aux 250 000 bénéficiaires de l’AAH qui vivent en couple de recouvrer leur autonomie financière mais aussi de bénéficier pleinement de l’augmentation de l’AAH qui atteindra 900 euros au 1er janvier 2020.

Or, dans l’état actuel du droit, les allocataires de l’AAH vivant en couple ne bénéficieront pas forcément de cette augmentation. Le coefficient de prise en compte des revenus du conjoint est actuellement de 2 fois le montant de l’AAH. Or, si une première augmentation de l’AAH de 50 euros est entrée en vigueur le premier novembre 2018, cette dernière s’est accompagnée d’une baisse parallèle du coefficient de calcul du plafond de l’AAH à 1,9 puis à 1,8 au 1er janvier 2020 lorsque l’AAH sera porté à 900 euros par mois.

Concrètement, le plafond de ressources donnant droit à l’AAH pour une personne handicapée est actuellement de 860 euros, soit 1 634 euros une fois multiplié par 1,9. Concrètement, cela représente un gain minime de 14 euros par rapport à l’ancien coefficient. En revanche, lorsque l’on multiplie le montant de 900 euros par le coefficient multiplicateur de 1,8 prévu à partir du 1er novembre 2018, on obtient 1 620 euros, soit la même limite que celle fixée avant l’entrée en vigueur de la première augmentation d’avril 2018.

Ainsi, si l’on s’en tient au cadre actuel, le plafond de ressources restera identique et de nombreux allocataires vivant en couple seront privés de l’augmentation.

Par cette proposition de loi, nous entendons épargner aux personnes en situation de handicap vivant en couple de subir une nouvelle discrimination. Nous voulons non seulement leur permettre d’acquérir une autonomie financière et morale, véritable enjeu de l’AAH, mais aussi les autoriser à bénéficier pleinement de son augmentation.

Ainsi, l’article 1 vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le versement de l’AAH quand celle‑ci est versée en complément des autres ressources du bénéficiaire.

L’article 2 vise à mettre un terme à la prise en compte des revenus du conjoint dans le plafonnement de l’AAH.

L’article 3 demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport relatif à la situation sociale et financière des bénéficiaires de l’AAH afin d’identifier les difficultés auxquelles ils sont exposés ainsi que les moyens d’améliorer leur autonomie.

L’article 4 prévoit la compensation de la charge nouvellement créée pour les organismes de sécurité sociale à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 


proposition de loi

Article 1er

À la première phase du dernier alinéa de l’article L. 821‑1 du code de la sécurité sociale, les mots : « est marié ou vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité et » sont supprimés.

Article 2

Après le mot : « intéressé », la fin du premier alinéa de l’article L. 821‑3 du code de la sécurité sociale est supprimée.

Article 3

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation sociale et financière des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés.

Article 4

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.