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N° 2095

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à préserver les moulins hydrauliques de la destruction
et à favoriser leur réhabilitation pour produire de lélectricité verte,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Valérie LACROUTE, Éric STRAUMANN, Véronique LOUWAGIE, Sébastien LECLERC, JeanYves BONY, Nathalie BASSIRE, Valérie BOYER, Julien DIVE, JeanLouis MASSON, MarieChristine DALLOZ, Patrice VERCHÈRE, Nadia RAMASSAMY, Isabelle VALENTIN, Arnaud VIALA, Valérie BAZINMALGRAS, JeanClaude BOUCHET, JeanLouis THIÉRIOT, Bernard DEFLESSELLES, Frédéric REISS, Nicolas FORISSIER, Vincent DESCOEUR, Valérie BEAUVAIS, Charles de la VERPILLIÈRE, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Rémi DELATTE, Robin REDA, Marianne DUBOIS, Guillaume PELTIER, Daniel FASQUELLE, Gérard CHERPION, Laure de LA RAUDIÈRE, JeanPierre VIGIER, Marc LE FUR, Olivier MARLEIX, Emmanuelle ANTHOINE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les moulins hydrauliques, troisième patrimoine français, font partie intégrante des paysages qu’ils ont contribué à créer depuis le Xe siècle. Qu’ils soient équipés de meules en pierre pour moudre le grain ou de dispositifs adaptés à d’autres utilisations, ils ont traversé toutes les crises, guerres et révolutions. Et aujourd’hui, il est techniquement possible de les réhabiliter et de les équiper pour produire de l’électricité verte.

À l’heure de la transition écologique et énergétique, les quelques dizaines de milliers de moulins que compte notre pays représentent ainsi, avec leur système hydraulique, un potentiel existant d’énergie propre et renouvelable.

En outre, les moulins hydrauliques présentent sept atouts majeurs :

– lors d’inondations : ils brisent le flux hydraulique et multiplient les opportunités d’étalement de la crue tout en canalisant le débit de la rivière ;

– lors d’une sécheresse : les chaussées de moulin restent les seuls ouvrages à retenir l’eau et à la conserver temporairement ;

– contre les incendies : certaines retenues servent de réservoir ;

– pour l’irrigation : ils contribuent aussi bien à l’arrosage des prairies des parcelles riveraines qu’à l’alimentation de réseaux desservant des communes entières dans les régions viticoles, arboricoles ou maraîchères ;

– pour l’alimentation en eau potable : de par leurs retenues, ils contribuent à la recharge des nappes phréatiques ;

– contre l’érosion : les chaussées, en tempérant la violence des crues, limitent l’érosion des berges ;

– récréatif et ludique : les populations profitent des retenues pour la baignade, la pêche, le canotage.

Forts de ces atouts, les moulins demeurent vitaux pour notre pays.

Pourtant, la législation actuelle met en péril à la fois leur existence et leur potentielle réhabilitation pour produire de l’électricité.

En effet, la loi sur l’eau (LEMA) du 30 décembre 2006 (issue de la surtransposition en droit français de la directive‑cadre européenne du 23 octobre 2000) a créé au sein du code de l’environnement, un article L. 214‑17, qui au nom de la « continuité écologique » impose des obligations disproportionnées et non justifiées aux propriétaires des seuils.

Cette mise en œuvre conceptuelle de la « continuité écologique » privilégie exclusivement la circulation des poissons et le transit sédimentaire sans tenir compte des spécificités locales et territoriales des cours d’eau.

Cela a pour conséquence de contraindre les propriétaires de moulins, soit à détruire les seuils de prise d’eau avec l’aide de subventions publiques, soit à les aménager selon des études et des travaux complexes et dans des conditions financières insupportables et exorbitantes.

Sensée obtenir le très bon état des eaux au sens de la directive cadre sur l’eau (DCE 2000), la continuité écologique telle que mise en œuvre actuellement, est dans une impasse, à tel point que seulement 600 ouvrages tout au plus, sont traités annuellement sur les 16 000 recensés en liste 2 du L. 214‑17.

En résumé, l’application actuelle de la loi conduit aujourd’hui à la destruction quasi systématique des seuils de moulins souvent centenaires sans pour autant améliorer la continuité écologique qui est pourtant l’objectif poursuivi.

La présente proposition de loi entend donc remettre de la cohérence dans le dispositif législatif en instaurant une approche permettant d’établir au cas par cas la solution adaptée à chaque seuil. Les objectifs de continuité écologique et de préservation de notre patrimoine hydraulique sont conciliables à condition de sortir d’une logique dogmatique.

En outre, les moulins ont également vocation à participer directement à la préservation de l’environnement en contribuant à la production d’énergie renouvelable.

Avec la création d’un article L. 214‑18‑1 au sein du code de l’environnement qui exonère les moulins pouvant produire de l’électricité des contraintes découlant du classement de certains cours d’eau, la loi n° 2017‑227 du 24 février 2017 allait dans le bon sens.

Mais une « note » reçue en avril 2017 par tous les services déconcentrés de l’État, notamment les directions départementales des territoires a privé cette innovation des effets attendu.

C’est pourquoi la présente proposition de loi entend apporter les précisions nécessaires afin que l’apport de l’article L. 214‑18‑1 ne soit pas contourné. Il y va du développement de la part de la production d’énergie hydroélectrique dans le mix énergétique français.

Objet de larticle 1er

Actuellement, les cours d’eau peuvent être classés, conformément aux dispositions de l’article L. 214‑17 du code de l’environnement, selon deux listes.

Doivent figurer sur la première liste les cours d’eau « qui sont en très bon état écologique ou identifiés (…) comme jouant le rôle de réservoir biologique ».

Des règles strictes y sont attachées :

– aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique ;

– le renouvellement de la concession ou de l’autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d’eau est subordonné à des prescriptions de l’autorité administrative ;

– doivent figurer sur la seconde liste les cours d’eau « dans lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs ».

L’autorité administrative définit les règles applicables à l’ouvrage installé sur un tel cours d’eau en concertation avec le propriétaire.

Moins strictes que celles auxquelles sont assujettis les ouvrages installés sur les cours d’eau classés en liste 1, elles n’en demeurent pas moins contraignantes.

Dans la pratique, faute de temps et de moyens, les cours d’eau sont abusivement classés en liste 1 par l’autorité administrative sans diagnostic préalable.

La majorité des cours d’eau classés en liste 1 qui regroupe ceux « en très bon état écologique » présentent en réalité un état chimique des eaux déplorable. Les seuils des moulins sont donc détruits alors qu’à l’évidence nul poisson n’y circule ou ne s’y reproduit.

Afin de remédier à cette situation, l’article 1 de la présente proposition prévoit que le classement du cours d’eau en liste 1 devra désormais être précédé de la réalisation d’un diagnostic établi en fonction de critères précis et objectifs. Il est ainsi imposé à l’autorité administrative compétente d’avoir établi à la date du 31 décembre 2019 une nouvelle liste révisée selon ces nouvelles conditions. À cette même date, doivent avoir fait l’objet d’un retrait de cette liste les cours d’eau ne présentant pas un bon état chimique des eaux.

L’article impose également une révision de la liste 2. Cette disposition a pour objet d’imposer à l’administration la réalisation d’un travail sérieux.

L’intérêt d’un tel classement est de satisfaire l’objectif de continuité écologique visé au 7° de l’article L. 211‑1 du code de l’environnement. En effet, le classement du cours d’eau en liste 1 permet le maintien du respect de la continuité écologique ; tandis que le classement en liste 2 doit permettre d’atteindre la continuité écologique dans les cours d’eau où elle est jugée nécessaire.

Le fait pour un cours d’eau de n’être classé, ni en liste 1, ni en liste 2, signifie donc que l’autorité administrative n’a pas jugé que la continuité écologique devait être préservée ou recherchée.

Par conséquent, il est nécessaire de mettre fin à la pratique autorisée par le Conseil d’État (CE, 22 février 2017, n° 398212) consistant à permettre à l’autorité administrative d’imposer de nouvelles prescriptions sur le fondement de l’objectif de la continuité écologique aux ouvrages qui ne sont pas installés sur des cours d’eau classés.

L’article 1 a ainsi pour objet de mettre fin à une pratique décisionnaire arbitraire conduisant à la destruction de notre patrimoine hydraulique sans raison écologique valable.

Objet de larticle 2

L’article L. 214‑18‑1 du code de l’environnement exonère les moulins à eau équipés pour produire de l’électricité et régulièrement installés sur des cours d’eau de l’application des règles imposées par l’administrative aux ouvrages classés en liste 2.

L’article a pour objet d’étendre le champ d’application de l’article L. 214‑18‑1 au patrimoine hydraulique protégé, soit au titre des monuments historiques, soit au titre des éléments paysagers participant à la qualité du cadre de vie.

Cet ajout a pour effet d’empêcher la destruction des seuils des moulins remarquables qui font la richesse de notre patrimoine et la beauté de nos paysages.

Objet de larticle 3

L’article L. 511‑4 du code de l’énergie exonère les usines de production hydraulique ayant une existence légale d’un certain nombre de sujétions. La définition de cette existence légale pose difficulté en pratique car l’administration a plusieurs façons de calculer la puissance qui détermine la consistance légale de l’installation hydraulique. Cette ambiguïté génère un coût financier et des délais.

L’article 3 de la présente proposition tend ainsi à simplifier la procédure en renvoyant à une méthode de calcul unique déterminée à l’article L. 511‑5.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 214‑17 du code de l’environnement est ainsi modifié :

I. – Après le premier alinéa du 1° du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Un cours d’eau, une partie de cours d’eau ou un canal ne peut être défini comme jouant le rôle de réservoir biologique que si sont précisément identifiés les zones de reproduction ou d’habitat des espèces et les besoins desdites zones, et si la libre circulation des espèces entre ces zones est effective.

« La liste établie en application des dispositions du présent 1° dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de la présente loi est révisée avant le 31 décembre 2019. À défaut, ladite liste est caduque à compter du 1er janvier 2020. »

II. – Le 2° du I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La liste mentionnée au 2° du I du présent article est révisée dans chaque bassin hydrographique avant le 31 décembre 2019, selon des critères permettant de définir un ordre de priorité parmi les cours d’eau, parties de cours d’eau et canaux, qui sont précisés par décret en cohérence avec les critères énoncés au 1° du I du présent article. À défaut de révision, la liste mentionnée au 2° du I du présent article est caduque à compter du 1er janvier 2020. »

III. – Après le premier alinéa du III, il est inséré un alinéa rédigé :

« Les cours d’eau, parties de cours d’eau et canaux mentionnés au premier alinéa du 1° du I du présent article ne présentant pas un bon état chimique des eaux à la date du 31 décembre 2019 font l’objet d’un retrait de la liste mentionnée audit 1°, prononcé par l’autorité administrative. »

IV. – Il est ajouté un V ainsi rédigé :

« V. – Il ne peut être imposé de prescriptions supplémentaires fondées sur l’objectif de continuité écologique visé au 7° du I de l’article L. 211‑1 aux ouvrages régulièrement installés sur des cours d’eau qui ne font l’objet d’aucun classement au sens du I du présent article.

« Pour l’application du présent article, l’installation de l’ouvrage est présumée avoir été régulièrement autorisée ; il appartient à l’autorité administrative, le cas échéant, de démontrer la non‑conformité de l’installation de l’ouvrage aux normes en vigueur à la date de sa réalisation. »

Article 2

L’article L. 214‑18‑1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

I. – À la première phrase, après le mot : « électricité, » sont insérés les mots :

« et les ouvrages mentionnés au III de l’article L. 211‑1 du présent code, dont l’installation a été régulièrement autorisée ».

II. – Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application du présent article, l’installation de l’ouvrage est présumée avoir été régulièrement autorisée ; il appartient à l’autorité administrative, le cas échéant, de démontrer la non‑conformité de l’installation de l’ouvrage aux normes en vigueur à la date de sa réalisation. »

Article 3

Le 1° de l’article L. 511‑4 du code de l’énergie est complété par les mots :

« dans la limite de la consistance du droit fondé en titre déterminée conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article L. 511‑5 ».

Article 4

La charge pour l’État est compensé à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La charge pour les collectivités territoriales est compensé à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.