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N° 2096

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à limiter l’exposition des salariés aux fortes chaleurs,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Caroline FIAT, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, JeanLuc MÉLENCHON, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Météo France observe que la fréquence et l’intensité des évènements caniculaires ont augmenté au cours des trente dernières années et vont continuer d’augmenter dans les décennies à venir.

L’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), un organisme de référence dans les domaines de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels, montre que certains travailleurs sont particulièrement exposés à des contraintes thermiques fortes : les jardiniers, les salariés du BTP, les ouvriers agricoles, les employés d’entretien et de maintenance des bâtiments…

Pour remédier aux effets de la chaleur, l’INRS recommande vivement aux employeurs d’aménager le temps de travail pour qu’il ait lieu « durant les heures les moins chaudes ».

Les effets de la chaleur sur la santé des travailleurs peuvent se manifester par des symptômes perturbant l’activité professionnelle tels que la fatigue, des sueurs abondantes, des nausées, des maux de tête, des vertiges, des crampes ; mais aussi des troubles plus importants et parfois mortels comme la déshydratation et le coup de chaleur qui peuvent survenir selon la pénibilité de la tâche et la durée de l’exposition.

L’INRS juge qu’au‑delà du seuil de 33 °C, ces risques sont avérés. En outre, l’exposition prolongée à de fortes chaleurs accroît les accidents de travail. En effet, des températures élevées provoquent une baisse de vigilance, allongent les temps de réaction et une forte transpiration peut gêner la vue et la préhension. Les travailleurs en extérieur qui manipulent des outils lourds et techniques sont particulièrement exposés à ces risques.

Le code du travail ne prévoit pas de température maximale au‑delà de laquelle le travail doit cesser. L’article L. 4121‑1 du code du travail exige des employeurs une organisation et des moyens adaptés à la sécurité et la santé des salariés. L’article L. 4131‑1 du code du travail précise que l’employeur ne peut demander aux salariés qui ont fait usage du droit de retrait de reprendre leur activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent.

Toutefois ce droit de retrait est non seulement méconnu des travailleurs mais il est en plus peu utilisé par ces derniers du fait qu’ils se trouvent bien souvent dans une situation de rapport de force défavorable vis‑à‑vis de leur employeur. Ils éprouvent notamment des difficultés à légitimer l’exercice de leur droit de retrait car les contours de la loi sont trop abstraits et peuvent être source de litiges et de contentieux quant à leur application.

À ce jour, rien n’oblige légalement les employeurs à mettre en place des aménagements d’horaires pour éviter de travailler lors des heures les plus chaudes de la journée ou encore à limiter les cadences de travail avec des plages de repos plus fréquentes.

L’instruction interministérielle du 22 mai 2018 relative au Plan national canicule 2018 se contente de conseiller les employeurs par le biais des médecins du travail quant aux précautions à prendre à l’égard des salariés et à inciter l’inspection du travail à plus de vigilance.

L’article 1er de notre proposition de loi entend donc interdire à l’employeur le fait de soumettre un salarié à une température constatée supérieure à 33 °C. Ce critère objectif offre un outil clair au salarié pour se défendre et plus de lisibilité pour l’employeur.

Des dérogations peuvent être accordées par décret dans certaines conditions particulières énoncées dans ce même article.

En effet, il nous apparaît légitime d’exclure de ce dispositif les professions soumises à de fortes température de par leur nature même (ex : verrerie, teintureries, hauts‑fourneaux…), certains territoires d’outre‑mer particulièrement exposés à la chaleur, les postes de travail indispensables à la continuité du service public. Dans ces différents cas, les salariés exposés doivent bénéficier de mesures de protection et de compensations.

L’employeur est ainsi incité à aménager les horaires de travail aux heures les moins chaudes de la journée.

À l’article 2, une disposition de l’article L. 5424‑6 du code du travail a été modifiée de manière à ce que toutes les entreprises soumises à l’article 1er de la présente proposition de loi puissent indemniser les travailleurs concernés.


proposition de loi

Article 1er

Le chapitre premier du titre II du livre II de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4221‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 42212. – I. – Le salarié ne peut pas être exposé à une température excédent 33 degrés Celsius sur son poste de travail. »

« II. – Un décret en Conseil d’État prévoit les conditions dans lesquelles peuvent déroger à cette limite :

« 1° Les établissements dont le fonctionnement continu est rendu nécessaire pour un motif d’urgence ;

« 2° Les établissements publics à caractère administratif ou à caractère industriel et commercial, lorsqu’ils assurent une mission de service public, y compris lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé ;

« 3° Les établissements situés dans les territoires d’outre‑mer soumis à des climats caractérisés par de fortes chaleur toute l’année ;

« 4° Les postes de travail pour lesquels les conditions normales de travail impliquent nécessairement l’exposition à de fortes températures.

« Il prévoit également les mesures de protection obligatoires et les compensations prévues pour les salariés exposés.

« III. – Un décret en Conseil d’État précise les règles suivant lesquelles les entreprises concernées indemnisent de manière individuelle ou collective les salariés qu’elles occupent habituellement en cas d’arrêt de travail occasionné par la chaleur constatée sur le poste de travail. »

Article 2

L’article L. 5424‑6 du code du travail est ainsi modifié :

1° Les mots : « du bâtiment et des travaux publics » sont supprimés ;

2° Il est complété par les mots : « et les températures ».