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N° 2388

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 novembre 2019.

PROPOSITION DE LOI

relative au développement et à la mise en valeur
de la production locale dans les collectivités
relevant de l’article 73 de la Constitution,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

David LORION, Lénaïck ADAM, Ericka BAREIGTS, Nathalie BASSIRE, Huguette BELLO, Moetai BROTHERSON, Claire GUION‑FIRMIN, Mansour KAMARDINE, JeanChristophe LAGARDE, Max MATHIASIN, JeanLuc POUDROUX, Didier QUENTIN, Nadia RAMASSAMY, Nicole SANQUER, Olivier SERVA,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les grands distributeurs s’affrontent, dans les départements‑régions d’outre‑mer comme dans l’hexagone, dans un contexte de concurrence exacerbée. La production locale y est souvent considérée comme une variable d’ajustement.

Or, dans les DROM et particulièrement à La Réunion, la production locale, animale comme végétale, fait l’objet d’une prise en compte particulière et d’une structuration importante.

Pour autant, son développement est limité par son coût de revient, la taille restreinte du marché local, les aléas climatiques, et le comportement de certains importateurs.

C’est pourquoi, cette proposition de loi est consacrée au développement des filières locales de production, ainsi qu’aux contraintes à apporter pour renchérir les importations de produits équivalents.

A l’appui d’une démarche d’état des lieux de la production locale qui devra être effectuée par les Observatoires de prix, des marges et des revenus (OPMR) de chacun des territoires concernés, (article 1er), plusieurs mesures semblent essentielles pour que les éleveurs et producteurs puissent développer leur production sur des territoires restreints et des marchés limités.

La loi n° 2012‑1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre‑mer prévoyait à son article 4 le principe, pour la grande distribution en outre‑mer, d’une obligation de surface dédiée aux productions régionales. Cette disposition n’a jamais été suivie d’effet. C’est pourquoi, il apparait important que ces éléments, portés par nombre de parlementaires lors de la discussion de la loi de 2012, trouvent enfin un écho législatif. Le pourcentage « significatif » de 30 % dédié aux production locales et ou régionales s’entend de la surface totale du magasin. L’article 2 vise donc à faire diminuer la sous‑exposition chronique de la production locale dans le commerce et la distribution dans les DROM.

L’article L. 442‑5 du code de commerce interdit la revente d’un produit en l’état, autrement dit n’ayant subi aucune transformation, à un prix inférieur à son prix d’achat effectif, c’est‑à‑dire au prix « triple net ». Ce seuil de revente à perte a été instauré en 1996.

Les discussions et le travail collectif des états généraux de l’alimentation ont abouti à la conclusion que le seuil actuel de revente à perte ne permettait pas de couvrir les coûts incontournables pour le distributeur (logistique, personnel, casse, transport). Par conséquent, relever ce seuil constitue un levier pertinent, pour stopper la destruction de valeur, et en assurer une équitable répartition entre les divers maillons de la chaîne alimentaire.

Cette disposition, adoptée dans le cadre de la loi dite EGALIM, avait écarté les DROM de son application au prétexte d’y voir augmenter les prix des denrées alimentaires.

Or, créant un fort écart entre le marché hexagonal et celui des territoires d’outre‑mer, l’article concerné a, au contraire, facilité l’import de denrées alimentaires à moindre coût vers les DROM. Afin que la grande distribution tienne compte, dans son prix minimal de vente des produits importés, de l’ensemble de ses coûts de revient, et notamment des coûts logistiques internes, il est important que le relèvement du seuil de revente à perte de 1,1% soit appliqué aux produits alimentaires importés. Une telle disposition permettra notamment de lutter contre le développement de l’import de produits de dégagement (article 3).

Ce relèvement du seuil de revente à perte pour les produits alimentaires importés sur les territoires des DROM devrait permettre au distributeur de rééquilibrer ses marges et de redonner du prix aux productions agricoles importées ; ce faisant il redonnera de l’oxygène aux filières locales et leur permettra d’améliorer leur offre en s’assurant d’une revalorisation de la concurrence. Ce rééquilibrage des marges devrait se faire sans modifier substantiellement le prix global du panier du consommateur. C’était là l’engagement de la distribution pendant les états généraux de l’alimentation.

À l’article 4, il s’agit de faire appliquer en outre‑mer l’expérimentation nationale qui interdit dans l’hexagone un taux de promotion supérieur à 34 % du prix de vente au consommateur (interdisant le un gratuit pour le un acheté mais autorisant toujours le un offert pour deux achetés selon la règle 1/3), et ce pour la production locale comme pour les produits importés. Cette mesure vise à limiter la destruction de valeur de la production locale. Ces promotions trop importantes en valeur sont destructrices de valeur en ce qu’elles ne rendent pas compte de la valeur ajoutée par chaque acteur (producteur, transformateur, logisticien, distributeur, etc.). Elles provoquent aussi une perte de repère chez les consommateurs vis‑à‑vis du juste prix des produits agricoles. En revanche, dans les DROM, la non‑application de l’encadrement des promotions en volume permet à la production locale de continuer à figurer sur les catalogues de vente ce qui est indispensable à sa visibilité. Par ailleurs, l’encadrement en volume pourrait créer des distorsions de concurrence et contribuer à fragiliser des fournisseurs en difficulté, notamment ceux de produits agricoles ou de produits de première transformation, qui utilisent actuellement beaucoup les promotions.

L’article 5 vise à mettre en place, à titre expérimental pour un an à La Réunion, la contractualisation de volumes produits localement sous le label « Produit Péi de La Réunion ». Des quotas de production maximum seront définis entre les producteurs locaux de produits frais et le Préfet, puis répartis entre enseignes du commerce et de la distribution sous l’égide d’un accord interprofessionnel avec obligation de point d’étape. L’objectif est d’impliquer autour d’une production de qualité, sur un territoire et un marché restreints tous les acteurs : producteurs, distribution et État. Dès lors, les producteurs pourront augmenter leur production en valorisant au mieux les volumes supplémentaires et développer de nouveaux segments.

Les auteurs de cette proposition de loi rappellent que cette mise en avant de la production locale dans les territoires relevant de l’article 73 de la Constitution doit être parallèlement favorisée par une augmentation des aides nationales de soutien à la production afin de tenir compte de l’étroitesse des marchés locaux et des surcoûts des intrants pour ces territoires éloignés de l’hexagone.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 910‑1 A du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cet observatoire des prix, des marges et des revenus analyse la présence et la mise en valeur de la production locale au sein des enseignes du commerce et de la distribution. Il fournit aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution »

Article 2

L’article L. 141‑1 du code de la consommation est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, les entreprises de la grande distribution de plus de 1 000 mètres carrés ont l’obligation de réserver une surface de vente de 30 % dédiée aux productions locales. »

Article 3

Le I de l’article L. 442‑5 du code de commerce est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans les territoires relevant de l’article 73 de la Constitution, le prix d’achat effectif des produits alimentaires revendus en l’état au consommateur et qui n’auront pas été produits ou transformés localement est affecté d’un coefficient de 1,10.

« Le calcul du seuil de revente à perte devra comprendre tous les frais logistiques. »

Article 4

L’encadrement en valeur des avantages promotionnels prévu au II de l’article 3 de l’ordonnance n° 2018‑1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires est applicable dans les départements et territoires d’outre‑mer.

Article 5

Après l’article L. 441‑3 du code de commerce, il est inséré un article L. 441‑3‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 44131. – Sur le territoire de La Réunion, et à titre expérimental pour un an, un volume contractuel annuel est décidé par accord entre les producteurs locaux de produits frais et le représentant de l’État dans le département.

« Cette contractualisation se fait à double volume et à double prix :

« – un volume A attribué aux producteurs sur la base de tout ou partie d’un quota historique et payé au prix de valorisation en produits frais commercialisés sur le marché réunionnais. Cette référence annuelle est contraignante pour les producteurs qui subiront des pénalités ou des refus de distribution au‑delà de ce seuil ;

« – un volume B, additionnel et facultatif, accordé aux producteurs à un prix « spot » qui correspond à la valorisation en produits transformés.

« Bénéficiant du label « produit péi de La Réunion », ces volumes sont répartis entre enseignes du commerce et de la distribution sous l’égide d’un accord interprofessionnel avec obligation de point d’étape.

« L’Observatoire des prix, des marges et des revenus procède à l’évaluation de ce dispositif, en lien avec les pouvoirs publics, afin d’en favoriser la transparence et de statuer sur une pérennisation du dispositif.

« La contractualisation porte sur la durée de l’engagement, la définition des caractéristiques de la production, les conditions de collecte, les modalités de facturation et de paiement, le volume contractuel.

« Les contrats ne doivent pas mentionner de prix sur la période considérée mais des clauses de sauvegarde en cas de crise grave ».

Article 6

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.