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N° 2510

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 décembre 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à prévenir les événements climatiques extrêmes,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric CIOTTI, Valérie BEAUVAIS, Éric DIARD, Laurent FURST, Bérengère POLETTI, Robin REDA, Guillaume PELTIER, Isabelle VALENTIN, Michel VIALAY, Michel HERBILLON, Bernard REYNÈS, Raphaël SCHELLENBERGER, Olivier MARLEIX, Valérie LACROUTE, Brigitte KUSTER, Michèle TABAROT, Valérie BOYER, Bernard BROCHAND, Nadia RAMASSAMY, Marc LE FUR, Julien AUBERT, JeanLouis THIÉRIOT, Didier QUENTIN, Patrick HETZEL, Bernard PERRUT, Vincent ROLLAND, Alain RAMADIER, Pierre VATIN, Éric PAUGET, Sébastien LECLERC, Arnaud VIALA, JeanClaude BOUCHET, Bernard DEFLESSELLES, JeanMarie SERMIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La multiplication d’événements climatiques extrêmes particulièrement violents affectant nos territoires a généré des conséquences  humaines et matérielles dramatiques dans notre pays. 

En janvier et février 1990, 81 personnes ont été tuées lors d’une série de tempêtes et de pluies diluviennes dans le nord et l’ouest de la France ; les 26 et 27 décembre 1999, la « tempête du siècle » faisait 92 morts ; les 8 et 9 septembre 2002 les inondations dans le Gard causaient la mort de 22 personnes ; en janvier 2009 la tempête Klaus faisait 12 victimes en France ; le 28 février 2010, 47 personnes ont été emportées par la tempête Xynthia ; le 15 juin 2010 des pluies torrentielles ont fait 27 victimes ; en novembre 2011 le Var déplorait 6 victimes à la suite d’un phénomène d’inondation ; en novembre 2014 à nouveau 6 victimes liées à des phénomènes d’inondations étaient à déplorer ; le 3 octobre 2015, dans le département des Alpes‑Maritimes 20 personnes sont décédées ; les épisodes des 28 mai au 6 juin 2016 ont causé la mort de 4 personnes ; les inondations des 15 et 16 octobre 2018 ont fait 15 victimes dans l’Aude.

Plus récemment, les 23‑24 novembre et le 1er décembre, les départements du Sud de la France et plus particulièrement le Var et les Alpes‑Maritimes ont de nouveau été violemment frappés. Le bilan humain, avec 2 disparus et 12 personnes décédées, (parmi lesquelles trois sauveteurs de la sécurité civile, victimes d’un accident d’hélicoptère alors qu’ils se rendaient sur les lieux des inondations) est dramatique. Le bilan matériel est également très lourd.

Certains scientifiques estiment que ces événements pourraient devenir de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses. Il est du devoir du législateur d’en tirer tous les enseignements afin de définir les mesures nécessaires pour en limiter les conséquences et en anticipant mieux l’existence de ces risques.

La protection des populations doit être placée au‑dessus de tout autre enjeu. Son renforcement dépend de la mise en place de plans de prévention des risques inondations (PPRI) assortis de travaux adéquats. Or trop souvent la réalisation des études et des travaux nécessaires est ralentie, voire entravée par des contraintes environnementales qui se sont peu à peu agrégées jusqu’à rendre illisibles et impraticables les procédures qu’elles édictent. Cette situation peut aller jusqu’à des blocages préoccupants.

Dans les Alpes maritimes, il a été créé un Syndicat mixte inondations, aménagement et gestion de l’Eau Maralpin (SMIAGE) ayant reçu le statut d’Établissement public territorial de bassin (EPTB) et d’importants moyens budgétaires associant État, collectivités locales et EPCI ont été engagés. Pourtant, malgré ces initiatives, beaucoup de travaux dont l’utilité n’est nullement contestée n’ont pas été engagés, ou ont été retardés, notamment en raison de procédures administratives kafkaïennes et contradictoires.

Des agences déconcentrées des services de l’État au niveau régional, notamment la DREAL, se trouvent très souvent en conflit avec les préfets de département, beaucoup mieux au fait de la prise en compte des risques et menaces. Dans ce contexte, il apparait que la protection des populations est parfois reléguée au second rang, face à certaines exigences de protection d’espèces animales ou végétales. Afin d’éviter ces conflits, il est important que le préfet ait une autorité hiérarchique sur l’ensemble des services de l’État et soit le seul à même d’engager une procédure d’urgence au travers d’une demande de protection des populations.

Il apparait ainsi nécessaire d’adapter le cadre légal afin de concilier les préoccupations environnementales et les impératifs de sécurité. Lorsque des vies sont en jeu, il ne doit plus y avoir de conflit de procédures entre la protection de la faune et de la flore d’une part et la sécurité des habitants d’autre part.

Le code de l’environnement prévoit que les travaux destinés à prévenir un danger grave et présentant un caractère d’urgence peuvent être entrepris sans que soient présentées les demandes d’autorisation ou les déclarations auxquelles ils sont soumis, à condition que le préfet en soit immédiatement informé.

La référence à « un danger grave et présentant un caractère durgence » apparait trop restrictive et ne permet pas d’englober l’ensemble des aménagements destinés à accroitre la sécurité des habitants. Ceux‑ci restent soumis, lorsqu’ils sont étudiés puis mis en œuvre, à des procédures environnementales très contraignantes qui ralentissent tant la phase de mise à l’étude que la phase de construction. Aussi, l’article 1er propose‑t‑il d’élargir le champ de cette procédure d’urgence en prévoyant que celle‑ci puisse être mise en œuvre lorsque les travaux engagés ont pour objet la protection des personnes.

Parallèlement, les conséquences des inondations ont été amplifiées par l’aménagement du territoire. Dès 2011 la Cour des comptes (Les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique et dans le Var – Rapport public thématique de la Cour des comptes – Juillet 2012) notait que « la pression démographique sexerce fortement sur les zones littorales et dans la partie la plus méridionale du pays » et que « Certaines constructions dans les zones à risques peuvent être lourdes de conséquences ».

Il est indispensable de mettre en œuvre un dispositif efficace visant à réduire l’imperméabilisation des sols et donc les obligations de construction dans les communes touchées par des phénomènes d’inondation fréquents.

Le code de la construction et de l’habitation prévoit certes la possibilité d’appliquer des dérogations aux obligations nées de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, en particulier s’agissant de l’obligation de construction de logements locatifs sociaux pour les communes « dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité (…) de bâtiment à usage d’habitation résultant de l’application du règlement d’un plan de prévention des risques technologiques ou d’un plan de prévention des risques naturels ».

Cependant la mise en œuvre de ce dispositif est rendu quasiment inapplicable en raison notamment de la difficulté de définir la notion de « territoire urbanisé » et ne répond pas aux réalités du terrain.

Aussi, l’article 2 de la proposition de loi propose, sur la base d’un critère indiscutable et simple à mettre en œuvre, que les communes présentant des risques d’inondation ayant fait l’objet deux procédures de classement en catastrophe naturelle au cours d’un période de 20 ans soient dispensées de certaines contraintes et obligations nées de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain. L’objectif de cette disposition est de limiter l’urbanisation excessive de ces zones et ainsi de limiter les conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes.

proposition de loi

Article 1er

L’article L. 211‑1 du code de l’environnement est complété par un IV ainsi rédigé :

« Dans les zones géographiques à enjeux pour la sécurité humaine et faisant face à des risques majeurs, sous réserve que ces zones soient délimitées par des procédures administratives au titre d’un plan d’action et de prévention des inondations, d’un plan de gestion et de restauration des cours d’eau, d’un plan de prévention contre les risques naturels, d’un plan de prévention contre les risques technologiques ou de toute autre procédure ayant permis la délimitation d’une zone dangereuse, les travaux effectués par les personnes publiques en qualité de maitre d’ouvrage destinés à assurer la protection des personnes peuvent être entrepris sans que soient présentées les demandes d’autorisation ou les déclarations auxquelles ils sont soumis. La personne publique qui a la maîtrise d’ouvrage des travaux en informe préalablement le représentant de l’État dans le département, qui prend, dans un délai maximal d’un trimestre, un arrêté constatant que les travaux correspondent bien à un impératif de sécurité des populations dans une zone identifiée à risque.

Cette procédure est également applicable aux études préalables à la réalisation des travaux effectués par une personne publique. »

Article 2

La seconde phrase du III de l’article 302‑5 du code de la construction et de l’habitation est complétée par les mots : « ou sur des communes ayant fait l’objet d’au moins deux procédures de classement en catastrophe naturelle au cours d’une période de 20 ans ».