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N° 2580

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 janvier 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à soutenir les conditions de vie des agriculteurs,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Emmanuelle MÉNARD, Jacques CATTIN, Agnès THILL, Franck MARLIN, Isabelle VALENTIN, Laurent FURST, MarieFrance LORHO, Xavier BRETON, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 27 novembre 2019, les agriculteurs ont manifesté à Paris. Le message était clair : « Il est temps que largent revienne aux agriculteurs » a alors clamé le secrétaire général de la FNSEA, Jérôme Despey. Un cri du cœur qui ne laisse pas indifférent quand on sait que, malgré les annonces du Gouvernement, un tiers des agriculteurs vit toujours avec moins de 350 euros par mois.

Le malaise du secteur agricole est croissant. Entre l’agribashing et des revenus trop faibles pour vivre, l’agriculture est au bord de l’asphyxie. Une enquête récente de la mutuelle sociale agricole (MSA) donne le vertige : tous les jours en 2019, entre un et deux agriculteurs se suicident. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité dans la profession, après le cancer.

Le 1er novembre 2018, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (EGalim) a été promulguée. Selon les agriculteurs, cette loi est non seulement inopérante mais, en plus, elle est incomplète. Hommes, femmes, jeunes, retraités, pour tous, le constat est le même et sans appel : l’agriculture française se meurt et les mesures pour la sauver ne sont pas au rendez‑vous.

Cette proposition de loi répond donc à trois inquiétudes majeures des agriculteurs : la concurrence déloyale, les pensions de retraite et l’aide aux jeunes agriculteurs.

Les article 1er et 2 ont pour objectif de lutter activement contre la concurrence déloyale. En effet, selon les syndicats agricoles, les accords de libre‑échange entre l’Union Européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) et avec le Canada (CETA) sont clairement défavorables à l’agriculture française. « Au lieu de nous soutenir, lÉtat met en place des distorsions, qui engendrent toujours plus de charges et qui plombent notre compétitivité, nos revenus et nos filières », déplore Jérôme Despey. Les deux premiers articles proposés ici visent donc à donner aux agriculteurs et à la justice française les moyens de lutter activement contre la concurrence déloyale qui permet d’importer des produits de moindre qualité à un coût inférieur.

L’article 3 quant à lui est un signal fort envoyé au retraités de la profession agricole. Le montant de la pension de retraite des agriculteurs est dérisoire. La retraite d’un chef d’exploitation ne dépasse pas 760 euros par mois alors que la retraite moyenne des Français atteint 1 380 euros par mois. Emmanuel Macron a assuré la fin des retraites à moins de 1 000 euros par mois. La mise en place devrait se faire en 2025. Mais ce délai est trop long. Il y a urgence. Les retraites des agriculteurs doivent être augmentées dans les plus brefs délais. C’est pourquoi cet article propose que les pensions de retraite des agriculteurs ne puissent être inférieures à 85 % du SMIC tout en suivant le cours de l’inflation.

Les articles 4, 5 et 6 permettent de soutenir les jeunes agriculteurs qui veulent s’installer. Concrètement, il s’agit d’assurer non seulement la prise en charge des formations des jeunes agriculteurs mais aussi d’instaurer des mesures fiscales favorables à leur établissement.


proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 413‑8 du code de la consommation est remplacé par un sept alinéas ainsi rédigés :

« Sont considérés comme étant de concurrence déloyale en matière agricole ou viticole : 

« 1° Toute imitation visant à utiliser les signes distinctifs d’un concurrent afin de profiter de sa renommée et ainsi capter sa clientèle. Le risque de confusion créé doit être avéré pour un client moyennement attentif ;

« 2° La commercialisation, sous des noms et des codes marketing français, de vin étranger dans les rayons de produits locaux ;

« 3° Toute action visant à se greffer sur la notoriété du concurrent sans pour autant rechercher à imiter la marque ;

« 4° Tout acte qui vise à jeter publiquement le discrédit sur un concurrent en répandant à son propos, ou au sujet de ses produits ou services, des informations malveillantes ;

« 5° Tout débauchage de salariés, détournement de clientèle par d’anciens salariés ou détournement d’un fichier clients ;

« 6° Toute importation de produits n’obéissant pas aux normes phytosanitaires en vigueur en France. »

Article 2

Après l’article 1240 du code civil, il est inséré un article 1240‑1 ainsi rédigé :

« Art. 12401. – En cas de concurrence déloyale en matière agricole, le juge :

« 1° Apprécie au cas par cas la situation dont il est saisi et détermine le montant des dommages et intérêts en fonction de la durée et de la fréquence des agissements déloyaux ;

« 2° Peut imposer la cessation des agissements déloyaux sous astreintes ;

« 3° Peut ordonner la confiscation ou la destruction du matériel qui a servi aux agissements fautifs. »

Article 3

Pour les agriculteurs, la pension de retraite minimale, indexée sur l’inflation, est égale à 85 % du salaire minimum de croissance.

Article 4

La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 330‑1 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots : « prise en charge par l’État ».

Article 5

L’installation des jeunes agriculteurs est encouragée par trois années fiscales blanches.

Les agriculteurs font ensuite l’objet d’une exonération fiscale dégressive de :

 60 % pour les bénéfices réalisés pour les trois années suivantes ;

 40 % pour les bénéfices réalisés les quatrième et cinquième années suivantes ;

 20 % pour les bénéfices réalisés au cours de la sixième et septième années.

Article 6

Les jeunes agriculteurs éligibles à la dotation d’installation peuvent, en cas de refus, renouveler leur demande pendant trois ans.

Article 7

I. – La charge et la perte de recettes pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.