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N° 2645

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 février 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à sécuriser les propriétairesbailleurs
et à faciliter laccès au logement des locataires,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Mickaël NOGAL, Damien ADAM, Patrice ANATO, PieyreAlexandre ANGLADE, Delphine BAGARRY, Hervé BERVILLE, Grégory BESSONMOREAU, Barbara BESSOT BALLOT, Anne BLANC, Pascal BOIS, Pascale BOYER, Anne BRUGNERA, Danielle BRULEBOIS, Carole BUREAUBONNARD, Céline CALVEZ, Annie CHAPELIER, Sylvie CHARRIÈRE, Guillaume CHICHE, Fabienne COLBOC, Olivier DAMAISIN, Yves DANIEL, Dominique DAVID, Stéphanie DO, Loïc DOMBREVAL, Valéria FAUREMUNTIAN, JeanMichel FAUVERGUE, JeanMarie FIÉVET, Emmanuelle FONTAINEDOMEIZEL, Pascale FONTENELPERSONNE, Alexandre FRESCHI, Joël GIRAUD, Valérie GOMEZBASSAC, Fabien GOUTTEFARDE, Émilie GUEREL, Christine HENNION, Danièle HÉRIN, Sacha HOULIÉ, Philippe HUPPÉ, JeanMichel JACQUES, Caroline JANVIER, Pascal LAVERGNE, Richard LIOGER, Laurence MAILLARTMÉHAIGNERIE, Jacques MARILOSSIAN, Sandra MARSAUD, Fabien MATRAS, Sereine MAUBORGNE, Stéphane MAZARS, Graziella MELCHIOR, Marjolaine MEYNIERMILLEFERT, Adrien MORENAS, Naïma MOUTCHOU, Alain PEREA, Patrice PERROT, Pierre PERSON, AnneLaurence PETEL, Éric POULLIAT, Natalia POUZYREFF, Rémy REBEYROTTE, Cécile RILHAC, MariePierre RIXAIN, Mireille ROBERT, Cédric ROUSSEL, Benoit SIMIAN, Bertrand SORRE, Stéphane TESTÉ, Vincent THIÉBAUT, Alexandra VALETTA ARDISSON, Corinne VIGNON, Guillaume VUILLETET, JeanMarc ZULESI,

députés.

 

 

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement et la majorité mènent une politique du logement en faveur d’un choc de l’offre de logements, notamment dans les zones de fortes tensions en lien avec les bassins d’emplois. La stratégie pour le logement, présentée le 20 septembre 2017, et la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) ont créé un cadre dynamique de la mobilisation du foncier pour la construction neuve.

Alors qu’il compte 6,7 millions de logements, le parc locatif privé constitue un levier essentiel pour apporter des solutions plus rapides de logement aux Français, en particulier dans les zones de fortes tensions. 96 % de ce parc est détenu par des bailleurs privés et 4 % par des investisseurs institutionnels. Il a augmenté de près de 27 % ces trente dernières années et logent des millions de Français au quotidien.

Le propriétaire a la faculté de mettre son bien en location par l’intermédiaire d’un professionnel de l’immobilier titulaire d’une carte de gestion ou de conserver la gestion de la location. Ainsi, seulement un propriétaire sur trois fait appel aux services des professionnels de l’immobilier pour gérer leur location, tandis que deux propriétaires sur trois gèrent leur location de particulier à particulier.

Pour lever les freins à la mise en location des logements privés, le Premier ministre Édouard Philippe a confié le 10 décembre 2018 au député Mickael Nogal, la mission d’analyser et de proposer des solutions pour favoriser la mise en location de logements et améliorer les relations entre locataires et propriétaires.

Après six mois de mission, associant toutes les parties prenantes du secteur parmi lesquelles, les associations représentantes des locataires et des propriétaires, les syndicats des professionnels de l’immobilier, les acteurs économiques ou encore les administrations et organismes en charge du secteur du logement, le député a remis au Premier ministre son rapport « Louer en confiance » le 18 juin 2019.

Le rapport dresse un état‑des‑lieux des pratiques sur le marché du parc locatif privé et identifie les principaux freins à la mise en location. Alors que les impayés de loyers représentent seulement 1 % à 2 % du marché, les craintes des impayés de loyers, mais aussi des dégradations locatives, dominent le marché. Elles ont pour conséquence la demande de garanties disproportionnées aux locataires, rendant plus difficile leur accès au logement. En effet, il n’est plus rare de voir des propriétaires demander plusieurs cautions personnes physiques à leurs locataires. L’exigence constante de garanties, non corrélée à la solvabilité objective des locataires (bulletins de paie, relevés d’imposition, etc.), engendre des phénomènes de discriminations de toute nature sur le marché et d’anti‑sélection.

En réponse à cette exigence de garanties croissante, les acteurs du marché observent un phénomène de falsification de pièces justificatives de dossiers de candidature à la location. Le marché souffre alors d’une défiance généralisée qui alimente la première pratique de demandes de garanties toujours plus nombreuses. En complément de ce cercle vicieux, des pratiques d’autoprotection se développent du côté des locataires comme le non‑paiement du dernier mois de loyer par crainte de ne pas se voir restituer le dépôt de garantie, fragilisant par la même les propriétaires qui se retrouvent sans garanties.

Face à ce constat, le rapport formule 37 propositions de nature législative et réglementaire pour réconcilier les locataires et les propriétaires. La présente proposition de loi s’appuie sur ce rapport et sur un an de concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur du logement pour proposer trois mesures visant à sécuriser les propriétaires et favoriser l’accès au logement des locataires.

La première mesure vise à rétablir la confiance autour de la restitution du dépôt de garantie.

Selon les statistiques du ministère de la Justice, 65 % des actions en justice engagées par les locataires portent sur la non restitution du dépôt de garantie. Par crainte de se voir priver de cette somme à la sortie de la location, les locataires négligent de plus en plus fréquemment de payer le dernier mois de loyer, privant dans les faits les propriétaires de toute garantie.

Pour mettre fin à cette méfiance réciproque, la proposition de loi prévoit que l’ensemble des locataires devront confier aux professionnels de l’immobilier les dépôts de garantie, qui consigneront ces fonds et les restitueront, à la fin du bail, sur la base d’un accord entre locataire et propriétaire. Selon une étude SeLoger parue en décembre 2019, 60 % des locataires se disent favorables à la consignation du dépôt de garantie.

Tel est l’objet de l’article 1er qui modifie l’article 22 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986.

La deuxième mesure poursuit l’objectif de mettre fin aux abus dans la sélection des locataires en autorisant le recours à un seul garant et en interdisant le cumul des garanties.

L’accès au logement est devenu un parcours du combattant pour de nombreux locataires, notamment en raison des garanties, parfois disproportionnées, demandées par les propriétaires. Parmi elles, la caution personne physique (garant personnel) est le moyen le plus répandu pour les propriétaires de se garantir contre les risques d’impayés de loyers. Or il n’est plus rare de voir des propriétaires demander non pas une mais deux, voire trois ou quatre garants à des locataires, malgré leur solvabilité prouvée par les documents demandés à savoir les bulletins de paie, relevés d’imposition, etc.

Pour mettre fin à ces abus, les propriétaires ne pourront plus demander plus d’un garant personnel à leurs locataires et ne pourront plus cumuler la caution avec d’autres garanties comme les assurances de loyers impayés, la garantie VISALE ou le nouveau mandat de “garantie totale” créé par la présente proposition de loi.

Comme le député l’écrivait dans son rapport « Louer en confiance » publié en juin 2019, la caution personne physique est le système de garantie le moins fiable juridiquement et le plus injuste socialement. Cette mesure vise donc à limiter son utilisation au profit de nouvelles solutions, plus justes et plus fiables pour les locataires comme les propriétaires.

Tel est l’objet de larticle 2 qui modifie l’article 22‑1 de la même loi.

La troisième mesure vise à sécuriser les propriétaires contre d’éventuels impayés ou dégradations et faciliter l’accès au logement des locataires.

Le marché de la location souffre d’une méfiance réciproque, entre les locataires et les propriétaires. Quand les propriétaires craignent les impayés de loyer ou les dégradations, les seconds rencontrent de plus en plus d’obstacles dans l’accès au logement. La crainte de l’impayé engendre d’ailleurs des comportements parfois irrationnels voire illégaux de la part de propriétaires. Les craintes ou les mauvaises expériences passées alimentent ce rapport de méfiance.

Par ailleurs, deux propriétaires sur trois préfèrent gérer leur location de particulier à particulier plutôt que de recourir aux services des professionnels. Les services proposés aujourd’hui ne répondent pas pleinement aux attentes des propriétaires et des locataires. Sécuriser totalement les propriétaires c’est également rendre l’investissement locatif plus sûr et plus attractif, au‑delà des dispositifs fiscaux existants. C’est par la même encourager le retour sur le marché de logements vacants et non loués par des propriétaires craintifs ou ayant vécu de mauvaises expériences. Enfin, il s’agit par la sécurisation totale de s’attaquer aux phénomènes d’anti‑sélection et de discriminations à leurs racines, à savoir les craintes des impayés et des dégradations locatives. Sécuriser totalement les propriétaires, c’est favoriser l’accès au logement des locataires.

Pour apaiser les relations et mieux répondre aux besoins de chacun, la proposition de loi prévoit que les propriétaires auront l’assurance de percevoir leur loyer tous les mois quoiqu’il arrive du côté du locataire. Cette sécurisation totale sera rendue possible grâce à la création d’un nouveau mandat de gestion qui sera proposé par les agents immobiliers.

Il intègrera également la prise en charge d’éventuelles dégradations ou des frais de procédure. Les professionnels de l’immobilier apporteront ainsi une véritable valeur ajoutée aux locataires et aux propriétaires. Selon une étude SeLoger parue en décembre 2019, 70 % des propriétaires qui gèrent de particulier à particulier, seraient prêts à passer par un agent immobilier pour gérer leur location.

L’article 3 de la présente proposition de loi insère un article 22‑1‑2 dans la même loi qui emporte la création du contrat de location en « garantie totale ».

L’article 4 de la présente proposition de loi modifie le titre Ier de la loi n° 70‑9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce. Il prévoit l’insertion d’un article 3‑2 permettant la souscription d’une assurance par les professionnels de l’immobilier contre les pertes qu’ils pourraient subir au titre des activités de garantie contre les éventuels impayés et dégradations.

Le présent article prévoit également l’insertion d’un titre I bis après le I de l’article 6. Il a pour objet de préciser les modalités d’exécution de la « garantie totale » au titre des éventuels impayés et dégradations.

L’article 5 de la présente proposition modifie l’article L. 511‑6 du code monétaire et financier en insérant un article 6 ter. Il a pour objet d’autoriser les gestionnaires de biens de mener des opérations de crédits au seul titre de la nouvelle « garantie totale » contre les éventuels impayés et dégradations.

La présente proposition de loi vise à sécuriser les propriétaires contre les éventuels impayés et dégradations et à faciliter l’accès au logement des locataires. Elle permettra de fluidifier le marché du parc locatif privé. Son adoption par le Parlement démontrera la détermination sans faille des pouvoirs publics à mobiliser et dynamiser une offre de logements dans le parc locatif privé, en particulier dans les zones de fortes tensions, pour permettre l’accès au logement des Français dans les meilleures conditions.

 


proposition de loi

Article 1er

I. – L’article 22 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :

1° Après le mot : « versé », la fin de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « directement par le locataire ou par l’intermédiaire d’un tiers à une personne mentionnée aux 1° ou 6° de l’article 1er de la loi n° 70‑9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, qui procède à la consignation de cette somme. Les conditions de versement, de consignation et de restitution du dépôt de garantie sont définies par décret en Conseil d’État. » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « restitué », sont insérés les mots : «, sur accord conjoint du bailleur et du locataire, » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés, », sont remplacés par les mots « à la personne mentionnée au premier alinéa » ;

3° Au quatrième alinéa, après le mot : « restitué », sont insérés les mots : «, sur accord conjoint du bailleur et du locataire, » ;

4° À la première phrase du cinquième alinéa, après le mot : « justifiée, » sont insérés les mots : « demander à la personne mentionnée au premier alinéa de » ;

5° Le septième alinéa est supprimé ;

6° Après le mot : « incombe », la fin de la première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « à la personne mentionnée au premier alinéa, dans les conditions prévues au présent article ».

II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2021.

Article 2

I. – L’article 22‑1 de la même loi est ainsi modifié :

1° Après le mot : « locataire », la fin de la première phrase du premier alinéa est supprimée ;

2° Au début du dernier aliéna est insérée une phrase ainsi rédigée : « Sous peine de nullité, le cautionnement d’un contrat de location ne peut être porté par plus d’une personne physique. »

II. – Le I est applicable aux contrats de location souscrits à compter du 1er janvier 2021.

Article 3

La même loi est ainsi modifiée :

1° Après l’article 22‑1‑1, il est inséré un article 22‑1‑2 ainsi rédigé :

« Art. 2212. – Les personnes mentionnées aux 1° ou 6° de l’article 1er de la loi n° 70‑9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce peuvent proposer un contrat de location dit « contrat en garantie totale ».

« Par ce contrat, ces personnes garantissent au bailleur le versement de l’équivalent du loyer et des charges dus par le locataire ainsi que la prise en charge des éventuelles dépenses de remise en état du bien pour les dégradations commises du fait du locataire.

« La conclusion d’un contrat mentionné au premier alinéa est exclusive de la souscription par le bailleur d’un contrat d’assurance contre le risque de loyers impayés. » ;

2° Au deuxième alinéa de l’article 25‑3, après la référence : « 22‑1, », est insérée la référence : « 22‑1‑2, ».

Article 4

Le titre Ier de la loi n° 70‑9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce est ainsi modifié :

1° Après l’article 3‑1, il est inséré un article 3‑2 ainsi rédigé :

« Art. 32. – Les personnes mentionnées aux 1° ou 6° de l’article 1er de la présente loi peuvent souscrire une assurance destinée à les garantir contre l’ensemble des pertes qu’elles pourraient subir au titre des activités mentionnées à l’article 22‑1‑2 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986. La proportion des pertes prises en charge est définie par décret. » ;

2° Après le I de l’article 6, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Les conventions conclues avec les personnes mentionnées aux 1° ou 6° de l’article 1er qui sont relatives aux opérations de location précisent :

« 1° Les modalités de versement au bailleur par le gestionnaire de l’équivalent du loyer et des charges dus par le locataire ;

« 2° Les modalités de prise en charge par le gestionnaire des éventuelles dépenses de remise en état du bien pour les dégradations commises du fait du locataire ;

« 3° Les modalités de versement au gestionnaire par le locataire du loyer et des charges ainsi que des éventuelles sommes correspondant aux dépenses de remise en état du bien pour les dégradations commises du fait du locataire. »

Article 5

Après le 6 bis de l’article L. 511‑6 du code monétaire et financier, il est inséré un 6 ter ainsi rédigé :

« 6 ter Aux personnes mentionnées aux 1° ou 6° de l’article 1er de la loi n° 70‑9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce pour les seules activités mentionnées à l’article 22‑1‑2 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986 ; ».