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N° 2775

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mars 2020.

PROPOSITION DE LOI

durgence,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Éric WOERTH, Damien ABAD et Christian JACOB,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il est désormais certain que la France, comme l’Europe, sera touchée de plein fouet par une crise économique majeure, qui viendra s’ajouter à la crise sanitaire que nous connaissons. À la pandémie sanitaire vient s’ajouter le risque d’une pandémie économique.

Il faudra tirer, plus tard, toutes les conséquences de cet épisode pour repenser le fonctionnement de notre système économique. Cela signifie notamment le rendre plus résilient et moins dépendant aux longues chaînes de production, issues de la mondialisation. Il faudra engager un effort important de relocalisation de l’activité de nos entreprises, en gagnant en attractivité par des mesures ayant trait à la fiscalité, à notre système social et d’emploi, à la formation, etc. La crise de 2008 avait ainsi engendré des changements profonds de notre système financier et au‑delà.

À moyen terme, le retour de la croissance et de l’investissement devra être soutenu dans le cadre d’un grand plan de relance européen.

Pour l’heure, l’urgence est de préserver l’emploi, d’éviter les faillites d’entreprises et de sauvegarder le tissu économique secteur par secteur, partout en France : c’est une priorité absolue pour la puissance publique.

Agir de façon décisive, c’est aussi préserver nos finances publiques : il s’agit aussi de sauver aujourd’hui ceux qui financeront demain nos services publics. Entre 2008 et 2009, les recettes fiscales de l’État avaient chuté de 50 milliards d’euros !

La présente proposition de loi, d’appel, vise à formuler très rapidement une réponse forte aux difficultés des entreprises.

Elle s’articule autour de deux piliers :

– prévenir les difficultés de trésorerie des entreprises (article 1er) ;

– compenser les pertes d’exploitations, notamment dans certains secteurs très affectés (articles 2 à 4).

La première urgence est de prévenir les faillites d’entreprises dues au manque de trésorerie, du fait des conséquences de l’épidémie. 

Les banques, grands financeurs de l’économie française, sont en première ligne du soutien financier aux entreprises. Elles ont pris des engagements qu’il faut saluer. Elles doivent cependant faire face à des règles contraignantes, et doivent être aidées dans leurs efforts.

En cas de faillite inévitable d’une entreprise aidée, c’est l’État, « banquier de dernier ressort », qui doit supporter l’essentiel de la perte financière.

Comme en 2008, le dispositif le plus efficace – car il maximise « l’effet de levier » – est celui de la garantie des crédits réalisés par les banques.

La création d’une nouvelle garantie de l’État ou l’extension d’une garantie existante ne pouvant être décidées qu’en loi de finances, il est proposé de demander au Gouvernement la remise d’un rapport afin d’envisager la création d’un fonds public de garantie, abondé en fonction des besoins (article 1er de la proposition de loi). Un tels fonds pourrait garantir jusqu’à 90 % les crédits de trésorerie apportés par les banques aux entreprises en difficultés du fait du COVID‑19 ; faire jouer cette garantie jusqu’à des montants importants, au‑delà de 1,5 million d’euros, pour permettre aux grandes PME et aux ETI de bénéficier du dispositif ; prendre en charge tout ou partie des intérêts de crédits accordés aux entreprises en difficulté afin de leur offrir des facilités à un taux proche de zéro.

L’article 1er prévoit également que BPI France puisse prendre en compte dans son action les risques sanitaires majeurs et leurs conséquences.

Nombre d’entreprises vont également voir leur chiffre d’affaires chuter, sans que leurs charges ne suivent, et donc réaliser des pertes qui vont mettre leur survie en danger, mais aussi leurs investissements.

Les entreprises ont donc besoin que soient couverts les pertes d’exploitations, les annulations d’événements, les ruptures de chaîne logistique, les défauts de livraisons, etc.

Il est donc proposé de créer immédiatement un régime d’indemnisation COVID‑19, financé par le budget de l’État, agissant de façon rétroactive, pour couvrir les conséquences économiques de l’épidémie (article 2 de la proposition de loi).

Il est également proposé de construire un régime d’assurance des risques liés à des menaces sanitaires graves, sur le modèle de l’assurance des risques de catastrophes naturelles, pour assurer le monde économique contre les épidémies de demain (articles 3 et 4 de la proposition de loi). Il serait financé par une cotisation additionnelle, sur le modèle de ce qui est prévu pour l’assurance des risques de catastrophes naturelles.

Dans les deux cas, afin que la charge financière reste supportable pour l’État en ce qui concerne le régime d’indemnisation COVID 19, et que le risque futur reste assurable pour le régime d’assurance, ces dispositifs seraient construits en retenant le cadre d’activation suivant : un évènement exceptionnel de grande ampleur aux conséquences graves : c’est le cas du COVID19 ; une couverture des conséquences de décisions de puissance publique : interdictions de rassemblement, de séminaires, restrictions de circulation, etc. ; des secteurs donnés, jugés particulièrement touchés (hôtellerie – restauration, transport, etc.) ; dans des zones déterminées (« clusters » par exemple) ou éventuellement sur tout le territoire.


proposition de loi

Chapitre Ier

Création d’un fonds public de garantie

Article 1er

I. – Au premier alinéa de l’article 7‑1 de l’ordonnance n° 2005‑722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, après le mot : « compte », sont insérés les mots : « les risques sanitaires majeurs et leurs conséquences, ».

II. – Avant le dépôt du plus prochain projet de loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la création d’un fonds public de garantie destiné à soutenir les entreprises en difficulté en raison des mesures prises pour contenir l’épidémie de COVID‑19. Ce rapport envisage que le fonds garantisse jusqu’à 90 % des crédits de trésorerie apportés par les banques aux entreprises en difficultés du fait du COVID‑19, puisse garantir des crédits d’un montant supérieur à 1,5 million d’euros et prenne en charge tout ou partie des intérêts de crédits accordés à ces entreprises.

Chapitre II

Indemnisation des pertes d’exploitation liées aux mesures prises pour contenir l’épidémie de COVID‑19

Article 2

I. – Les pertes d’exploitation ayant eu pour cause déterminante les restrictions ou interdictions de déplacements et de réunions ou les fermetures ou restrictions d’ouvertures d’établissements édictées afin de prévenir et de limiter les conséquences de l’épidémie de COVID‑19 sur la santé de la population sont indemnisées par l’État.

L’État est subrogé, à due concurrence du montant des indemnisations qu’il verse, aux droits et actions des bénéficiaires de l’indemnisation à l’égard de toute personne publique ou privée tenue de rembourser ou de couvrir tout ou partie des pertes d’exploitations visées au premier alinéa du présent I.

Un décret en Conseil d’État détermine les zones et périodes pour lesquelles les dispositions du même premier alinéa sont applicables ainsi que la nature des dommages et les secteurs d’activité couverts par cette indemnisation. Ce décret détermine également les modalités d’attribution de l’indemnisation.

II. – La charge résultant pour l’État de l’application du I du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Chapitre III

Création d’une assurance des risques liés à des menaces sanitaires graves

Article 3

I. – Après le chapitre V du titre II du livre Ier du code des assurances, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :

« Chapitre V bis

« L’assurance des risques liés à des menaces sanitaires graves

« Art. L. 1257. – Les contrats d’assurance souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’État et garantissant les pertes d’exploitation ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des menaces sanitaires graves.

« Sont considérées comme les effets des menaces sanitaires graves, au sens du présent chapitre, les pertes d’exploitation ayant eu pour cause déterminante les restrictions ou interdictions de déplacements et de réunions ou les fermetures ou restrictions d’ouvertures d’établissements édictées afin de prévenir et de limiter les conséquences de ces menaces sanitaires sur la santé de la population.

« L’état de menace sanitaire grave est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où la menace sanitaire grave a conduit à prescrire des mesures mentionnées au deuxième alinéa du présent article ainsi que la nature des dommages résultant de cette menace sanitaire et les secteurs d’activité couverts par la garantie visée au premier alinéa.

« Art. L. 1258. – Les entreprises d’assurance doivent insérer dans les contrats mentionnés à l’article L. 125‑7 une clause étendant leur garantie aux pertes d’exploitation visées au deuxième alinéa du même article L. 125‑7.

« La garantie ainsi instituée ne peut excepter aucune des pertes d’exploitation mentionnées au contrat ni opérer d’autre abattement que ceux qui seront fixés dans les clauses types prévues à l’article L. 125‑10.

« La garantie est couverte par une prime ou cotisation additionnelle, individualisée dans l’avis d’échéance du contrat visé à l’article L. 125‑7 et calculée à partir d’un taux unique défini par arrêté pour chaque catégorie de contrat. Ce taux est appliqué au montant de la prime ou cotisation principale ou au montant des capitaux assurés, selon la catégorie du contrat.

« Les indemnisations résultant de cette garantie doivent être attribuées aux assurés dans un délai de trois mois à compter de la date de remise de l’état estimatif des pertes subies, sans préjudice de dispositions contractuelles plus favorables. Les indemnisations résultant de cette garantie ne peuvent faire l’objet d’aucune franchise non prévue explicitement par le contrat d’assurance. Les franchises éventuelles doivent également être mentionnées dans chaque document fourni par l’assureur et décrivant les conditions d’indemnisation. Ces conditions doivent être rappelées chaque année à l’assuré.

« En tout état de cause, une provision sur les indemnités dues au titre de cette garantie doit être versée à l’assuré dans les deux mois qui suivent la date de remise de l’état estimatif des pertes subies.

« Art. L. 1259. – Il est institué un prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre les risques liés à des menaces sanitaires graves.

« Le taux de ce prélèvement est fixé par arrêté, dans la limite de 12 %. Le prélèvement est recouvré suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et les mêmes sanctions que la taxe sur les conventions d’assurance prévue aux articles 991 et suivants du code général des impôts.

« Le produit de ce prélèvement est affecté à la section mentionnée au III de l’article L. 561‑3 du code de l’environnement. 

« Art. L. 12510. – Les contrats mentionnés à l’article L. 125‑7 sont réputés, nonobstant toute disposition contraire, contenir une telle clause.

« Des clauses types réputées écrites dans ces contrats sont déterminées par arrêté. »

II. – Le I est applicable aux contrats d’assurance souscrits ou renouvelés à compter du lendemain de la publication de la présente loi.

Article 4

L’article L. 561‑3 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Avant le I, il est inséré un I A ainsi rédigé :

« I A. – Les recettes et les dépenses du fonds de prévention des risques naturels majeurs sont réparties entre deux sections, définies aux I à III. » ;

2° Le I est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, les mots : « Le fonds de prévention des risques naturels majeurs est chargé » sont remplacés par les mots : « La première section du fonds de prévention des risques naturels majeurs est chargée » ;

b) Au même premier alinéa et aux deuxième et troisième alinéas, le mot : « il » est remplacé par le mot : « elle » ;

c) Au dix‑septième alinéa, par deux fois, et aux dix‑huitième et dix‑neuvième alinéas, les mots : « le fonds » sont remplacés par les mots : « la première section du fonds » ;

3° Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :

« II. – La première section de ce fonds est alimentée… (le reste sans changement). » ;

4° Après le vingt‑deuxième alinéa, il est inséré un III ainsi rédigé :

« III. – La seconde section du fonds de prévention des risques naturels majeurs est chargée de financer, dans la limite de ses ressources, les indemnités allouées en vertu du I de l’article 2 de la loi n°      du       d’urgence. » ;

5° Le vingt‑troisième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est insérée la mention : « IV. – » ;

b) À la première phrase, les mots : « un compte distinct » sont remplacés par les mots : « deux comptes distincts » ;

c) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les deux comptes mentionnés à la première phrase du présent alinéa retracent respectivement : »

6° Après le vingt‑troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Pour la première section, le produit du prélèvement mentionné à la première phrase du II, les avances de l’État mentionnées au second alinéa du même II et les dépenses afférentes au financement des mesures prévues au I ;

« 2° Pour la seconde section, le produit du prélèvement mentionné à l’article L. 125‑9 du code des assurances et les dépenses afférentes au financement des mesures prévues au III du présent article. » ;

7° Au début du vingt‑quatrième alinéa, la mention : « III. – » est remplacée par la mention : « V. – ».