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N° 2776

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mars 2020.

PROPOSITION DE LOI

relative à la création dun « état de catastrophe sanitaire » et à lindemnisation des victimes de catastrophes sanitaires,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume PELTIER, Martial SADDIER, Laurence TRASTOURISNART, JeanPierre DOOR, Fabrice BRUN, Éric PAUGET, Bérengère POLETTI, Michel VIALAY, Patrick HETZEL, JeanClaude BOUCHET, JeanMarie SERMIER, Stéphane VIRY, Josiane CORNELOUP, Émilie BONNIVARD, Valérie LACROUTE, Emmanuelle ANTHOINE, Brigitte KUSTER, Philippe GOSSELIN, Xavier BRETON, Didier QUENTIN, Mansour KAMARDINE, Vincent ROLLAND, Éric CIOTTI, Vincent DESCOEUR, Nicolas FORISSIER, JeanLouis MASSON, Rémi DELATTE, Annie GENEVARD, Isabelle VALENTIN, Emmanuel MAQUET, JeanJacques GAULTIER, Michèle TABAROT, Patrice VERCHÈRE,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire inédite, que notre pays affronte dans l’unité, menace de se doubler d’une grave crise économique, dont chacun mesure déjà l’ampleur.

Le violent krach boursier, qui a eu lieu au mois de mars, va inéluctablement entraîner une récession dans la zone euro et en France, dès cette année. Ce péril et la suspension de nombreuses activités menacent la survie de notre tissu économique, c’est à dire de nombreuses entreprises, les PME, les TPE, de nombreux agriculteurs, travailleurs, commerçants, artisans, indépendants.

La loi n° 82‑600 du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles exclut de son champ les catastrophes sanitaires. En conséquence, en l’état actuel du droit, les victimes de la crise sanitaire actuelle n’ont droit à aucune indemnisation pour les dégâts matériels qu’elles subissent. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, a récemment lancé un cri d’alarme dans les médias : « Lorsque vous avez zéro chiffre daffaires, comment faitesvous ? Votre entreprise seffondre ». Si nous ne faisons rien, la France risque de suivre ce sort funeste.

« Gouverner, cest prévoir, et ne rien prévoir cest courir à sa perte » écrivait Émile de Girardin.

La France doit venir au secours de ses forces vives, de ses créateurs de richesses, de ses talents. Elle doit dès maintenant préparer la reprise de son économie, pour être plus forte demain. C’est la condition de sa survie et de sa prospérité future.

Enfin, nous devons adapter notre arsenal législatif, pour nous préparer à faire face à de nouvelles menaces d’épidémies ou de pandémies, à de nouvelles crises sanitaires.

La présente proposition de loi a pour objet de mettre en place un mécanisme d’indemnisation pour les victimes de catastrophes sanitaires, en s’inspirant de la proposition suivante de François Asselin : « Comme on mutualise le risque de catastrophe naturelle, peutêtre pourrionsnous, sur le secteur marchand, mutualiser le risque dépidémie ».

Par ailleurs, cette proposition de loi ne souhaite pas circonscrire les indemnisations aux « dommages matériels directs » (à l’instar de l’indemnisation des victimes de catastrophes les), mais s’étendre également aux conséquences de ces dommages (telles que les pertes d’exploitation, les annulations d’évènements, les ruptures de chaîne logistique, les défauts de livraison …).

Notre Nation fait aujourd’hui face à une nouvelle épreuve, mais la France du travail est son ressort pour rebondir. Si nous venons à son secours, alors elle sera demain au rendez‑vous du redressement national.


proposition de loi

Article 1er

Les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’État et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes sanitaires sur les biens faisant l’objet de tels contrats.

En outre, si l’assuré est couvert contre les pertes d’exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes sanitaires, dans les conditions prévues au contrat correspondant.

Sont considérés comme les effets des catastrophes sanitaires, au sens de la présente loi, les dommages matériels directs et ses conséquences (notamment les pertes d’exploitation, les annulations d’évènements, les ruptures de chaîne logistique, les défauts de livraison) ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’une épidémie, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises.

L’état de catastrophe sanitaire est constaté par arrêté interministériel.

Article 2

Les entreprises d’assurance doivent insérer dans les contrats visés à l’article 1er de la présente loi une clause étendant leur garantie aux dommages visés au troisième alinéa dudit article.

La garantie ainsi instituée ne peut excepter aucun des biens mentionnés au contrat ni opérer d’autre abattement que ceux qui sont fixés dans les clauses types prévues à l’article 3 de la présente loi.

Elle est couverte par une prime ou cotisation additionnelle, individualisée dans l’avis d’échéance au contrat visé à l’article 1er et calculée à partir d’un taux unique défini par arrêté pour chaque catégorie de contrat. Ce taux est appliqué au montant de la prime ou cotisation principale ou au montant des capitaux assurés, selon la catégorie de contrat.

Les indemnisations résultant de cette garantie doivent être attribuées aux assurés dans un délai de trois mois à compter de la date de remise de l’état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies, sans préjudice de dispositions contractuelles plus favorables ou de la date de publication, lorsque celle‑ci est postérieure, de la décision administrative constatant l’état de catastrophe sanitaire.

Article 3

Dans un délai d’un mois à compter de la date de publication de la présente loi, les contrats visés à l’article 1er sont réputés, nonobstant toute disposition contraire, contenir une telle clause.

Des clauses types réputées écrites dans ces contrats sont déterminées par arrêté avant cette date.

Article 4

La section II du chapitre Ier du titre II du livre IV du code des assurances est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :

« Paragraphe 5

« Risques épidémiques

« Art. L. 431101. – La caisse centrale de réassurance est également habilitée à pratiquer les opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes sanitaires, avec la garantie de l’État, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».

Article 5

Les salariés résidants ou habituellement employés dans une zone touchée par une catastrophe sanitaire peuvent bénéficier d’un congé maximum de vingt jours non rémunérés, pris en une ou plusieurs fois, à leur demande, pour participer aux activités d’organismes apportant une aide aux victimes de catastrophes sanitaires.

En cas d’urgence, ce congé peut être pris sous préavis de vingt‑quatre heures.

Le bénéfice du congé peut être refusé par l’employeur s’il estime qu’il aura des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise. Ce refus doit être motivé. Il ne peut intervenir qu’après consultation du comité d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, des délégués du personnel.

Article 6

Sont exclus du champ d’application de la présente loi les dommages subis par les corps des véhicules aériens, maritimes, lacustres et fluviaux ainsi que les marchandises transportées et les dommages visés à l’article L. 242‑1 du code des assurances. Les contrats d’assurance garantissant les dommages mentionnés à cet alinéa ne sont pas soumis au versement de la prime ou cotisation additionnelle.

Article 7

Celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs par plusieurs polices, pour un même intérêt, contre un même risque, doit donner immédiatement à chaque assureur connaissance des autres assureurs.

L’assuré doit, lors de cette communication, faire connaître le nom de l’assureur avec lequel une autre assurance a été contractée et indiquer la somme assurée.

Quand plusieurs assurances contre un même risque sont contractées de manière dolosive ou frauduleuse, les sanctions prévues au premier alinéa de  l’article L. 121‑3 du code des assurances sont applicables.

Quand elles sont contractées sans fraude, chacune d’elles produit ses effets dans les limites des garanties du contrat et dans le respect des dispositions de l’article L. 121‑1 du même code, quelle que soit la date à laquelle l’assurance aura été souscrite. Dans ces limites, le bénéficiaire du contrat peut obtenir l’indemnisation de ses dommages en s’adressant à l’assureur de son choix.

Dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun d’eux est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l’indemnité qu’il aurait versée s’il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s’il avait été seul.

Article 8

Ne peuvent être modifiées par convention les prescriptions des titres Ier, II et III du livre Ier du code des assurances, sauf celles qui donnent aux parties une simple faculté et qui sont contenues dans les articles L. 112‑1, L. 112‑5, L. 112‑8, L. 113‑10, L. 121‑5 à L. 121‑6, L. 121‑12, L. 121‑14, L. 122‑1, L. 122‑2, L. 122‑6, L. 124‑1, L. 124‑2, L. 132‑1, L. 132‑10, L. 132‑15 et L. 132‑19.

Article 9

Les deux derniers alinéas de l’article L. 121‑4 du code des assurances sont applicables aux contrats en cours nonobstant toute disposition contraire.

Article 10

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.