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N° 2785

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mars 2020.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à moderniser le fonctionnement du Parlement en cas durgence,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution dune commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Arnaud VIALA, Philippe GOSSELIN, Bérengère POLETTI, Éric STRAUMANN, Bernard DEFLESSELLES, Véronique LOUWAGIE, JeanPierre VIGIER, Ian BOUCARD, Brigitte KUSTER, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Fabrice BRUN, Patrick HETZEL, Marc LE FUR, Frédérique DUMAS, Thibault BAZIN, Isabelle VALENTIN, Gilles LURTON, Maina SAGE, Julien AUBERT, JeanLouis MASSON, JeanMarie SERMIER, Nicolas FORISSIER, Éric PAUGET, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Christophe NAEGELEN, Emmanuel MAQUET, Annie GENEVARD, Emmanuelle ANTHOINE, Frédéric REISS, Pierre VATIN, Guy BRICOUT, JeanLuc WARSMANN, Jérôme NURY, Jeanine DUBIÉ, JeanClaude BOUCHET, Laurence TRASTOURISNART, Vincent ROLLAND, Stéphane VIRY, Bernard PERRUT, Francis VERCAMER, Vincent DESCOEUR, Alain RAMADIER, Nathalie BASSIRE, Marine BRENIER, Claude de GANAY,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire a contraint les Français à changer leurs habitudes pour lutter contre la propagation du virus covid‑19. Cette situation exceptionnelle a également des conséquences très importantes sur la vie et le fonctionnement démocratique de notre pays. Elle a ainsi contraint à interrompre un scrutin engagé, sur le plan national, dont l’enjeu est d’élire les élus municipaux et donc les maires de nos communes ; cette situation à elle seule est totalement inédite dans l’histoire de notre pays.

Le chef de l’État et le Gouvernement – quant à eux – sont soumis chaque jour à l’exigence d’un exercice singulier de leurs responsabilités, alternant prises de parole régulières visant à tenir la population informée de la situation et décisions très lourdes, sur les plans sanitaire, économique, mais aussi social et sécuritaire. La crise que nous traversons est à tous égards sans commune mesure avec des épisodes présents dans la mémoire collective de notre nation, si l’on excepte sans doute les guerres mondiales du vingtième siècle.

Par voie de conséquence, l’exécutif a été amené à décréter un état d’urgence d’une nature nouvelle, dit « sanitaire »et à solliciter du Parlement l’octroi – temporaire – de nombreux pouvoirs exorbitants du droit commun afin – précisément – d’être en mesure d’être réactif et efficace dans le processus d’arbitrage et de décision. Le Parlement a d’ailleurs voté ces mesures en un temps record, dans un esprit de responsabilité et d’unité nationales.

Il n’en demeure pas moins que des questions subsistent : l’atteinte de l’Assemblée nationale par l’épidémie dès ses premières manifestations a conduit d’abord à la limitation de son activité, puis à sa fermeture totale pendant plusieurs jours, sans qu’aucun élu de la nation ne puisse y accéder. Lorsqu’est arrivé le moment de procéder au débat et au vote sur les mesures d’urgence, le principe de précaution additionné au confinement généralisé imposé aux Français a engendré un mode de fonctionnement pour le moins « dégradé », à savoir seulement vingt députés, et à peine plus de sénateurs, présents physiquement dans des assemblées vides, dépourvues de la majeure partie de leurs services, qui ont débattu, amendé et finalement voté au nom de tous les parlementaires de notre pays des mesures d’une portée et d’une envergure historiquement considérables.

Nul ne peut raisonnablement se satisfaire d’un tel mode de fonctionnement. Les limites de notre système démocratique sont manifestes. Que se passerait‑il si aucun parlementaire ne pouvait accéder physiquement aux locaux des assemblées ?

Aujourd’hui encore, la question est sur la table : tout le long des débats, le Gouvernement et les rares parlementaires présents ont insisté sur la nécessité d’un contrôle parlementaire régulier sur l’exécution des mesures exceptionnelles. Qui le fera ? Dans quelles conditions ? Sous quel format ? Les parlementaires qui vont siéger le font‑ils en toute sécurité pour eux‑mêmes, les fonctionnaires des assemblées dont la présence est du coup requise, leurs familles ? Comment se rendront‑ils demain à Paris dans un contexte où la quasi‑totalité des transports est gelée ? La démocratie française ne se grandit pas lorsqu’elle réduit la liberté de parole et de contribution des représentants de la Nation.

La Vème République a traversé des décennies, a résisté à de nombreuses crises et elle a su s’adapter à de nombreux défis qui se présentait face à elle. Aujourd’hui, notre Constitution doit apprendre de cette expérience, notre démocratie doit se moderniser et entrer dans le 21ème siècle. Nous devons être capables de maintenir le débat démocratique et poursuivre nos travaux à distance en cas de conditions extrêmes.

Le titre IV de la Constitution détermine l’organisation du Parlement. La présente proposition de loi vise à introduire un nouvel article permettant dans des cas d’urgence (crise sanitaire, guerre ou catastrophe naturelle) d’organiser la continuité du pouvoir législatif lorsque les parlementaires ne peuvent siéger physiquement à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les nouvelles technologies doivent être forces d’innovations démocratiques et accompagner les parlementaires dans leur mandat.

Le travail parlementaire en commission et en séance doit pouvoir, dans des cas très précis, se poursuivre à distance. Les débats et prises de parole doivent être possibles par vidéo et les votes par voie électronique, avec des processus adéquats de contrôle des accès, des identifications, et de sécurisation. Cette disposition viendrait donc combler un vide constitutionnel pour des situations d’exception de la même manière que lorsque l’article 16 a été introduit pour répondre à des contextes difficiles nécessitant une réactivité forte du pouvoir.

Cette proposition de loi constitutionnelle est l’étape initiale du processus de mise en place de la possibilité d’un recours au « Parlement 2.0 » lorsque des circonstances, très encadrées, le rendent nécessaire. Elle facilitera l’expression des représentants de la Nation, de toutes les sensibilités et du territoire français dans sa grande diversité. La modernisation du Parlement n’est possible qu’à condition de la mise en place d’une plateforme digitale sécurisée permettant la bonne tenue des débats et des scrutins.

Le père de la Constitution de 1958, Charles de Gaulle, n’a eu de cesse de porter le pragmatisme comme valeur majeure de l’action politique. Il convient donc aujourd’hui d’en faire preuve.


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Après l’article 28 de la Constitution, il est inséré un article 28‑1 ainsi rédigé :

« Art. 281. ‑ Lorsqu’une situation exceptionnelle empêche les parlementaires de se réunir, le Parlement peut exercer ses pouvoirs à distance.

« Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »