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N° 2875

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 avril 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire la distribution des dividendes
en période d’état d’urgence sanitaire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre DHARRÉVILLE, Fabien ROUSSEL, JeanPaul DUFRÈGNE, Huguette BELLO, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, MarieGeorge BUFFET, André CHASSAIGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARDMONDÉSIR, JeanPaul LECOQ, JeanPhilippe NILOR, Stéphane PEU, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC,

député‑e‑s.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre pays, comme l’ensemble du monde vit une situation inédite avec l’épidémie de covid‑19. Cette crise sanitaire conduit au confinement de la population pour la protéger de ce virus. Pour faire face à cette situation, une loi d’urgence a été adoptée par l’Assemblée nationale le 23 mars 2019.

Parmi ces mesures d’urgences, certaines d’entre elles concernent l’activité économique de notre pays. En effet, des entreprises quelle que soit leur taille sont à l’arrêt, soit pour répondre à l’obligation de fermeture, soit pour raison sanitaire et protéger ainsi leurs salariés du virus. Des salariés sont contraints au travail au péril de leur santé tandis que d’autres travailleurs, commerçants, artisans, professionnels libéraux, voient leurs activités et leurs revenus littéralement détruits. Parmi ces derniers, cette situation aura des conséquences économiques et sociales d’une extrême gravité, en particulier pour les TPE‑PME et leurs salariés.

En parallèle, les entreprises du CAC 40 ont prévu de verser 49,2 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires en 2019, soit 15 % de plus qu’en 2018 auxquels se sont ajoutés 11 milliards sous forme de rachats d’actions. La France a ainsi conforté sa place de meilleur rémunérateur d’actionnaires en Europe.

Dans le contexte de crise que nous vivons actuellement, le montant des dividendes apparait encore plus indécent et profondément injuste. La période actuelle est celle du début du versement des dividendes. Ces dernières semaines, des sociétés ont commencé à annoncer leur distribution.

Si en réaction, le gouvernement a annoncé que les entreprises bénéficiant des aides de l’État dans le cadre de la crise ne devaient pas verser de dividendes, cet élan de solidarité et d’appel au « sens civique » reste encore à définir plus clairement. La CGT et l’ONG Oxfam appellent à davantage de fermeté. L’État doit jouer son rôle et ce ne sont pas des invitations cordiales qui sont de mise, mais de véritables mesures d’encadrement, permettant une juste cohérence. Ainsi à titre d’exemple :

« Plusieurs grandes entreprises françaises ont déjà renoncé à verser un dividende. Parmi ces sociétés on trouve le spécialiste des affichages publicitaires JCDecaux, l’avionneur Airbus, le spécialiste des revêtements de sols Tarkett, la société de restauration d’autoroute Autogrill et le géant de la distribution Auchan Holdings. Le motoriste et équipementier aéronautique Safran a annulé ce vendredi le versement de son dividende 2019, qui devait atteindre au total un milliard d’euros.

À contrario, l’opérateur de transports Transdev, contrôlé publiquement via la Caisse des dépôts, avait indiqué le mardi 24 mars qu’il verserait un dividende de 23 millions d’euros, soit la moitié de son bénéfice 2019, mais a précisé qu’il ne le ferait qu’après la crise du coronavirus terminée. » (source LCI).

Il est nécessaire d’agir contre cette situation paradoxale avec le quotidien de la quasi‑totalité des travailleuses et travailleurs de notre pays qui voient leurs emplois, leurs salaires, leur temps de travail, leurs congés remis en cause. Cette proposition de loi vise d’une part dans son article 1er à empêcher les entreprises de verser à leurs actionnaires des dividendes, excepté pour les TPE et PME qui profitent d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés et au seul profits des dirigeants non‑salariés ou assimilés. Le but étant de favoriser la redistribution de ces sommes et la revalorisation des salaires et de l’investissement comme mesure de reprise économique dès la fin de la crise. D’autre part l’article 2 vise à garantir que ces sommes ne puissent pas non plus être utilisées aux fins de rachats d’action de ces mêmes entreprises.

 


proposition de loi

Article 1er

Après le deuxième alinéa de l’article L. 232‑12 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, en période d’état d’urgence sanitaire tel que défini à l’article L. 3131‑12 et suivants du code de la santé publique et durant les douze mois suivants la fin de cette période, la part des sommes distribuables destinée aux dividendes est nulle, à l’exception des sociétés soumises aux dispositions du b du I de l’article 219 du code général des impôts. Les dividendes sont exclusivement affectés aux dirigeants assimilé‑salariés et aux dirigeants non‑salariés. »

Article 2

Le huitième alinéa de l’article L. 225‑209‑2 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, en période d’état d’urgence sanitaire tel que défini à l’article L. 3131‑12 et suivants du code de la santé publique et durant les douze mois suivants la fin de cette période, les dispositions prévues au premier alinéa sont interdites. »