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N° 2975

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir à lensemble des Français un égal accès aux soins médicaux, durgence, de réanimation et dobstétrique,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Fabien DI FILIPPO, Valérie BEAUVAIS, Ian BOUCARD, JeanClaude BOUCHET, JeanYves BONY, Marine BRENIER, Guy BRICOUT, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, PierreHenri DUMONT, Philippe GOSSELIN, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Mansour KAMARDINE, Marc LE FUR, Olivier MARLEIX, JeanLouis MASSON, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Robin REDA, Frédéric REISS, JeanMarie SERMIER, Éric STRAUMANN,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire sans précédent que nous traversons doit nous amener à repenser en profondeur l’organisation notre système de santé.

Aujourd’hui plus que jamais, les Français manifestent leur reconnaissance envers le personnel soignant qui se donne sans compter pour sauver les vies de nos concitoyens touchés par l’épidémie du covid‑19. Aujourd’hui plus que jamais, chacun réalise combien il est important que l’accès aux soins vitaux soit garanti pour tous.

La « tension hospitalière » dont il est actuellement question dans de nombreux départements est bien entendu le reflet de l’afflux quotidien et inhabituel de patients nécessitant une prise en charge particulière, voire un accueil en service de réanimation en raison de la pandémie qui nous touche, mais elle est également révélatrice des nombreuses décisions et choix budgétaires effectués depuis plusieurs années au détriment de notre système de santé.

Ces décisions et choix ont entrainé des fermetures de lits, d’hôpitaux et de maternités et des regroupements de service d'aide médicale urgente (SMUR).

Dans le panorama sur les établissements de santé qu’elle a effectué en 2017, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) fait état de la suppression de 60 000 lits d’hospitalisation à temps complet en douze ans, toutes disciplines et tous secteurs confondus. 

De plus, la mise en place depuis juillet 2016 des Groupements Hospitaliers Territoriaux, qui concentrent l’activité hospitalière dans certaines grosses structures, a conduit à fermer des hôpitaux et à réduire et assécher l’offre des soins de proximité. C’est le constat qui a été établi par la commission d’enquête sur l’égal accès aux soins en 2018.

Ces multiples transformations ont aggravé les fractures territoriales dans l’accès aux soins et se sont effectuées au détriment de la possibilité pour l’ensemble des Français d’avoir recours dans un délai raisonnable à des services auxquels il leur est pourtant parfois vital d’accéder rapidement.

Dans le contexte actuel, il apparait opportun et nécessaire de repenser l’organisation de notre système de soins en terme d’accessibilité de l’ensemble des Français à ces services.

Maternités :

Alors que le nombre de naissances annuel est resté relativement stable depuis 20 ans, soit environ 800 000, le nombre de maternités françaises a drastiquement baissé, passant de 1 369 en 1996 à 498 maternités en 2016. 

Selon une étude publiée par la DRESS en janvier 2019, 167 000 femmes en âge d’accoucher vivent aujourd’hui dans un « désert obstétrique », c’est‑à‑dire qu’elles doivent faire un trajet de 45 minutes au moins pour consulter une sage‑femme ou se rendre à la maternité la plus proche. De plus, près de 1,6 million de femmes âgées de 15 à 49 ans  », dites «  en âge de procréer  », vivent dans des communes qualifiées de « sous‑denses » en sages‑femmes.

La DREES souligne que ce cumul d’une faible accessibilité aux sages‑femmes et d’un éloignement par rapport aux maternités peut entraîner « de vraies difficultés dans le suivi de grossesse. »

Dans ces zones, il arrive parfois que les femmes accouchent sur le bord de la route, avant de pouvoir arriver à la maternité, ce qui représente un danger pour elle et pour leur bébé

Dans un récent reportage de l’émission Envoyé spécial sur France 2 Mme Evelyne Combier, pédiatre et chercheuse en santé publique, soulignait que plus le trajet vers la maternité dure longtemps, plus le bébé est en danger, et que « pour un temps supérieur à 45 minutes, le taux de mortalité passe de 0,46 % des grossesses à 0,86 %. Cest deux fois plus. »

SU et SMUR :

Selon un dossier du service de statistiques du ministère de la Santé sur les déserts médicaux, 3,9 millions de Français résident à plus de 30 minutes « d’un service d’urgence (SU) ou de services mobiles d’urgences et de réanimation ».

Cela représente 6  % de la population française. Le chiffre grimperait même à 46  % dans les zones rurales éloignées « de linfluence des pôles urbains ». Mais 13 % des habitants des couronnes des petits pôles urbains, et 5 % des couronnes des grands pôles urbains, sont concernés aussi.

Les zones pour lesquelles les soins urgents sont les moins accessibles sont souvent situées en moyenne montagne ou dans un environnement où les déplacements sont difficiles.

Un bon maillage des urgences est pourtant vital pour les populations. De nombreuses personnes décèdent de ne pas avoir été prises en charge assez rapidement.

Médecins généralistes :

Les résultats d’une étude consacrée à la désertification médicale conduite par cette même Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques et publiée le 14 février 2020, montrent que l’accès aux consultations chez un médecin généraliste s’est globalement dégradé partout en France. Le nombre de médecins généralistes est passé de 97 012 en 2007 à 88 137 en 2017.

En cause, les départs à la retraite des générations de médecins issues des numerus clausus élevés des années 1970 et 1980. Cette baisse de l’offre est couplée à une hausse des besoins de soins pour la population, puisque la croissance démographique française moyenne a atteint 1,2 % entre 2015 et 2018.

En 2018, les Français ont eu accès en moyenne à 3,93 consultations par an et par habitant, contre 4,06 consultations en 2015. L’accessibilité aux médecins généralistes ‑ situés à moins de 20 minutes de voiture du lieu de résidence des patients ‑ a donc diminué de 3,3 % entre 2015 et 2018. Au total, la France compte 244 territoires sous‑dotés en médecins généralistes, 1 618 moyennement dotés et 961 bien dotés. Selon la Drees, la part de la population française vivant en zone « sous‑dense » est passée, en quatre ans, de 3,8 % à 5,7 %. Dans ces zones, le nombre de consultations accessibles chaque année pour chaque habitant est inférieur à 2,5.

Des territoires se retrouvent donc aujourd’hui à la fois sans médecin généraliste et de plus en plus éloignés de l’offre publique de soins.

Il est essentiel et urgent que l’État prenne des engagements forts et rapides concernant légal accès de tous les Français aux soins durgence et aux maternités.

 


proposition de loi

Article 1er

I. – L’article L. 6112‑1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le principe d’égalité d’accès mentionné au premier alinéa comprend la mise en œuvre d’une série de mesures permettant de garantir, d’ici le 1er juillet 2030, l’accès pour tous à un établissement de santé exerçant une activité de médecine, de réanimation et d’obstétrique, situé à moins de trente minutes en transport motorisé. »

II. ‑ L’application du présent I ne peut avoir pour effet de réduire le nombre d’établissements publics de santé existants à la date de promulgation de la présente loi.

Article 2

I. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.