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N° 3102

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juin 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger la filière française du livre,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien AUBERT, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Fabrice BRUN, Émilie BONNIVARD, JeanYves BONY, Valérie BOYER, Bernard BROCHAND, Gérard CHERPION, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Olivier DASSAULT, Bernard DEFLESSELLES, Vincent DESCOEUR, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Constance LE GRIP, Véronique LOUWAGIE, Gilles LURTON, Olivier MARLEIX, Alain RAMADIER, Nadia RAMASSAMY, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Robin REDA, Frédéric REISS, Bernard REYNÈS, JeanLouis THIÉRIOT, Pierre VATIN, Michel VIALAY, JeanPierre VIGIER, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La période durant laquelle la France a été confinée du mois de mars au mois de mai, dans le but d’endiguer l’épidémie de la covid‑19, a généré des dégâts importants à de nombreux secteurs de notre économie. À ce titre, la situation de la filière du livre est très préoccupante.

En effet, si le confinement a été pour nombre de nos compatriotes un temps plus propice à la lecture, le paradoxe est que celui‑ci n’a pourtant pas soutenu particulièrement l’activité de vente de livres. Les principaux points de distribution étant fermés, la vente ne pouvait ainsi pas être assurée par les libraires français, sauf par la mise en place de solutions adaptées telle que la vente en ligne associée à des points de collecte ou la livraison à domicile.

La perturbation de l’activité des libraires, l’annulation de salons visant à médiatiser des sorties de livre de cette année, ont également affecté les éditeurs qui, pour un certain nombre, ont déclaré devoir être dans l’obligation de reporter ou d’annuler certaines sorties de livres.

L’augmentation de ventes de livres numériques et la légère progression des ventes de livres audios ne devrait par ailleurs pas être en mesure de compenser les pertes enregistrées entre mars et mai par les éditeurs. Ceux‑ci s’attendent ainsi à un repli du chiffre d’affaires de l’ordre de 40 % pour l’année 2020.

Certains opérateurs de vente en ligne ont tenté durant cette période de poursuivre la distribution de livres, profitant de la fermeture des librairies. Le tribunal de Nanterre a toutefois mis fin à de telles pratiques sommant un géant de la distribution en ligne, par un jugement du 14 avril, de se limiter « aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et dexpédition des commandes de produits alimentaires, de produits dhygiène et de produits médicaux, sous astreinte, dun million deuros par jour de retard et par infraction constatée. », jugement confirmé par la décision de la cour d’appel de Versailles du 24 avril.

Cette affaire a toutefois révélé une fois de plus la fragilité des librairies indépendantes par rapport à des géants de la vente en ligne. Cette fragilité n’a été que renforcée par la crise que nous traversons actuellement.

Nous nous trouvons ainsi face à une nécessité impérieuse de légiférer. La filière française du livre se trouve en danger et l’occasion doit être saisie, non seulement de venir à son secours pour faire face à la crise actuelle, mais aussi de poser les bases pour organiser sa pérennité à moyen et à long‑terme face à des géants qui tentent de s’imposer par le biais de modèles économiques insoutenables pour nos libraires indépendants.

Telle est la double ambition de la présente proposition de loi.

L’article premier vise ainsi à ajouter une cinquième mission de service public et d’intérêt général au groupe La Poste, concernant la distribution de livres. Cette nouvelle mission doit permettre la mise en place d’un tarif spécial pour l’acheminement des livres. Les libraires souffrent en effet aujourd’hui de la concurrence par les grands groupes de vente en ligne qui fixent des frais de port très modestes, parfois d’un centime seulement. À côté de cela, les libraires doivent passer par des canaux de distribution qui ne leur permettent pas d’offrir des tarifs aussi avantageux à leurs clients pour les activités de vente en ligne. L’assignation à La Poste de cette nouvelle mission de service public permettrait de rétablir le tarif spécial livres qui existait auparavant et contribuerait à rééquilibrer la concurrence dans le secteur de la vente en ligne.

L’article 2 prévoit une annulation de l’exigibilité de la TVA collectée par les librairies et les maisons d’édition durant le mois suivant la période de confinement et qu’elles doivent reverser au Trésor public. Il s’agit, en supprimant l’exigibilité de cette TVA, de redonner du souffle à leurs trésoreries, mises à mal par la crise actuelle. Cet article renvoie à un décret devant préciser ses conditions d’application.

L’article 3 est un gage financier pour la présente proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

I. – Le I de l’article 2 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Le transport et la distribution de livres entre :

« a) Les établissements spécialisés dans l’édition de livres ou la distribution de livres et les établissements spécialisés dans la vente au détail de livres, dans le cadre de contrats commerciaux passés entre eux ;

« b) Les établissements spécialisés dans la vente au détail de livres et des particuliers, dans le cadre d’opérations de vente en ligne de livres. »

Article 2

I. – Par dérogation au 2 de l’article 269 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des opérations réalisées durant le mois suivant la période de restriction des libertés individuelles fondée sur la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19, n’est pas exigible pour :

1° Les établissements spécialisés dans la vente au détail de livres ;

2° Les établissements spécialisés dans l’édition de livres.

II. – Les conditions d’application du I sont précisées par décret. 

Article 3

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.