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N° 3105

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juin 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à définir des droits supplémentaires permettant de convertir les périodes de congé et les rémunérations reversées sur le compte épargnetemps en trimestres,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien DIVE, Maxime MINOT, PierreHenri DUMONT, Éric STRAUMANN, Emmanuelle ANTHOINE, JeanLouis MASSON, Dino CINIERI, Émilie BONNIVARD, Patrick HETZEL, JeanPierre DOOR, Fabien DI FILIPPO, Pierre CORDIER, Marine BRENIER, JeanClaude BOUCHET, Robin REDA, Gilles LURTON, Michel VIALAY, Constance LE GRIP, Laurence TRASTOURISNART, Éric CIOTTI, Véronique LOUWAGIE, Josiane CORNELOUP, Patrice VERCHÈRE, Valérie BEAUVAIS, Éric PAUGET, Brigitte KUSTER, Guy TEISSIER, Nicolas FORISSIER, Valérie LACROUTE, Stéphane VIRY, Ian BOUCARD, JeanPierre VIGIER, Arnaud VIALA, Isabelle VALENTIN, Guillaume PELTIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France connaît l’une des crises sanitaires les plus importantes depuis un siècle, face à cette guerre menée contre le covid‑19, plusieurs professionnels sont en première ligne pour lutter.

Le personnel soignant, qui chaque jour, depuis des mois, se mobilise sans relâche pour sauver des vies, tout comme les pompiers, nos policiers qui sont là pour s’assurer du respect des règles du confinement pour permettre de ralentir la propagation du virus, les caissières qui permettent aux Français d’acheter les produits de premières nécessités, les femmes de ménage qui se chargent de l’entretien des hôpitaux qu’il faut régulièrement désinfecter, les agriculteurs sans lesquels il ne serait pas possible de nourrir la population, les livreurs qui sont là pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer ou qui permettent de renflouer les stocks de nos magasins. Il y a aussi ceux que l’on appelle les aidants, depuis le début de cette crise ils vont au chevet des personnes les plus fragiles ou dépendantes, mais aussi les ambulanciers qui transportent les patients et donnent les premiers soins, sans oublier l’ensemble des assistants familiaux, maternels qui sont là pour veiller sur nos enfants.

Tous, sans exception et sans attendre, ont accepté de mettre leur vie en danger, certes à des degrés différents, mais avec la même volonté de contribuer et d’aider l’ensemble les Français.

Bien que des mesures communales, régionales ou encore des initiatives citoyennes et solidaires ont été prises pour les soutenir ou les récompenser, celles‑ci doivent être plus massives et importantes.

Pour faire face à cette période si particulière, le gouvernement par le biais des ordonnances résultant de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19 a demandé un effort supplémentaire à la nation en dérogeant temporairement sur la durée du temps de travail et sur d’autres droits. Face à cette situation exceptionnelle, la question de la récompense des efforts fournis au travail se pose de nouveau, comme lors de ces derniers mois avec le sujet des retraites.

En effet, le débat sur la réforme du système de retraite a montré les profondes inquiétudes des Français sur leur avenir et celui de leur retraite. Ces appréhensions légitimes sont diverses : des pensions trop basses qui ne permettent pas de vivre dignement, la peur de ne pas avoir une retraite satisfaisante malgré une vie professionnelle dense et un taux de cotisation élevé ou encore le fait de ne pas prendre suffisamment en compte pour la retraite la pénibilité d’une carrière professionnelle.

Pour 65 % des Français (enquête IPSOS en octobre 2018) la retraite a une connotation positive, elle symbolise « une nouvelle vie »  et pourtant plus des deux tiers des Français se disent inquiets lorsqu’ils pensent à leur retraite (68 % des Français selon une autre enquête BVA/Orange en septembre 2019).

Une société plus juste doit permettre de prendre en compte les efforts consentis par les travailleurs tout au long de leur vie professionnelle, à l’image par exemple de ces professionnels mobilisés aujourd’hui pour faire face à cette pandémie : le personnel soignant, les caissières, les livreurs, les policiers, les pompiers, les femmes de ménage etc.

Il faut impérativement aider nos classes populaires et moyennes à vivre décemment des fruits de leur travail, lorsqu’ils partiront à la retraite. C’est la raison pour laquelle toutes les solutions permettant de valoriser l’effort et le travail doivent être envisagées.

C’est l’objet de cette proposition de loi qui ouvre aux salariés et aux fonctionnaires la possibilité de convertir les périodes de congé et les rémunérations reversées sur un compte épargne‑temps en trimestres.

Le compte épargne‑temps (CET) permet à un salarié ou un fonctionnaire d’accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu’il a pu basculer sur son CET. Il permet d’une certaine façon « d’épargner » des droits, qui seront utilisés ultérieurement.

Il a été institué dans les entreprises par la loi n° 94‑640 du 25 juillet 1994 relative à l’amélioration de la participation des salariés dans l’entreprise. Dans la fonction publique c’est le décret n° 2002‑634 du 29 avril 2002 qui a permis aux fonctionnaires de bénéficier du CET.

Le CET représente un avantage pour salariés ou les fonctionnaires, mais aussi pour les employeurs, que ce soit dans la gestion prévisionnelle du temps de travail dans l’entreprise ou dans la gestion des départs anticipés des salariés en fin de carrière.

Cadre juridique et contexte

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2016‑1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, les dispositions légales relatives au compte épargne‑temps, prévues par le titre V du livre I de la troisième partie du code du travail, distinguent les dispositions d’ordre public (articles L. 3151‑1 à L. 3151‑4 du code de précité), les dispositions définissant le champ de la négociation collective (article L. 3152‑1 à L. 3152‑4) et les dispositions supplétives, applicables en l’absence d’accord collectif (articles L. 3153‑1 à L. 3153‑2).

a) Dans l’entreprise :

La mise en place d’un CET dans une entreprise n’est pas une obligation. La mise en place de ce dispositif est fixée par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement. Il n’y a aucune obligation pour le salarié de l’utiliser, il est libre de choisir.

Ainsi, lorsqu’un employeur décide de mettre en place dans son entreprise le compte épargne‑temps, il doit négocier les règles encadrant ce compte. L’employeur doit ainsi négocier les conditions d’alimentation du compte épargne‑temps, les modalités de gestion du compte et les conditions d’utilisation du compte.

Le salarié peut affecter sur son CET :

– la cinquième semaine de congés annuels ;

– des congés supplémentaires ;

– des périodes de repos non pris (RTT) ;

– diverses rémunérations : prime d’ancienneté, 13ème mois.

Le salarié, s’il le souhaite, peut utiliser son CET soit pour compléter sa rémunération ou pour cesser de manière progressive son activité.

b) Dans la fonction publique :

Aujourd’hui les fonctionnaires titulaires ou les agents contractuels peuvent demander l’ouverture d’un CET, néanmoins ils doivent remplir plusieurs conditions :

– ils doivent être employés de manière continue ;

– avoir accompli au moins un an de service ;

– ne pas être soumis à des obligations de service fixées par le statut particulier de leur corps ou par un décret commun à plusieurs corps.

Le CET peut être alimenté dans une limite de soixante jours par :

– des jours de congés annuels (le fonctionnaire ou l’agent doit néanmoins prendre au moins vingt jours de congés par an, cependant les jours de congés bonifiés ne peuvent pas être épargnés) ;

– des jours de repos accordés pour compenser des astreintes ou des heures supplémentaires dans des conditions fixées au sein de chaque administration par arrêté ;

– des jours de réduction du temps de travail (RTT).

Le CET comporte un plafond : lorsque celui‑ci atteint quinze jours, le fonctionnaire ou l’agent peut épargner au maximum dix jours chaque année.

Aujourd’hui le CET peut être utilisé pour la retraite de différentes manières :

– soit en l’utilisant pour des congés rémunérés, ce qui permet à certains de pouvoir cesser leur activité quelques mois avant leur retraite ;

– soit (pour les salariés) en récupérant ses droits sous forme de rémunération et les verser sur un plan épargne d’entreprise (PEE) ou sur un plan épargne retraite d’entreprise (Perco ou PER Entreprise).

Que ce soit pour un fonctionnaire ou un salarié il est impossible d’utiliser son CET pour convertir ses droits en trimestres.

Pourtant, certains salariés ou fonctionnaires accumulent plusieurs jours de congé ou diverses rémunérations sur leur CET et souhaitent pouvoir les utiliser autrement, notamment pour préparer leur retraite.

Proposition

Cette proposition de loi vise à répondre à cette attente, en ajoutant au dispositif actuel la possibilité de convertir les périodes de congé et les rémunérations reversées sur le CET en trimestres, en s’inspirant du modèle existant pour les fonctionnaires à travers le modèle de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP).

Ce nouveau dispositif permettrait de récompenser (post‑carrière) les efforts consentis par les travailleurs tout au long de leur vie professionnelle, notamment pour les carrières longues, pénibles ou les métiers à risque (personnel soignant, policiers...).

Dans une période où plusieurs Français luttent face à une crise sanitaire difficile en donnant de leur temps et en risquant leur vie, mais ou aussi ils se demandent si le travail et les efforts sont réellement récompensés, une telle mesure permettrait de mieux valoriser le travail et de contribuer à une meilleure retraite pour ces travailleurs.

Ainsi, celui qui déciderait de travailler plus et de ne pas utiliser ses périodes de congés ou profiter de ses rémunérations supplémentaires pourrait bénéficier de ses droits pour préparer au mieux sa retraite. Ouvrir une nouvelle possibilité d’utiliser librement son CET qui permettrait d’épargner pour sa retraite, valoriser la valeur travail et les efforts d’un travailleur pour qu’il puisse organiser sa future retraite, tel est l’objectif et le sens de cette proposition de loi.

L’article 1er de cette proposition de loi permet aux salariés et aux fonctionnaires de valider un trimestre supplémentaire lorsqu’ils auront accumulé soixante‑cinq jours sur leur CET.

 


proposition de loi

Article 1er

La sous‑section 1 de la section 2 du chapitre 1er du titre 5 du livre 3 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 351‑6‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 35162. – Les assurés titulaires d’un compte épargne‑temps prévu à l’article L. 3151‑2 du code du travail, à l’article 1er du décret n° 2002‑634 du 29 avril 2002  portant création du compte épargne‑temps dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature , à l’article 1er du décret n° 2004‑878 du 26 août 2004 relatif au compte épargne‑temps dans la fonction publique territoriale , et à l’article 1er du décret n° 2002‑788 du 3 mai 2002 relatif au compte épargne‑temps dans la fonction publique hospitalière  bénéficient d’une majoration de durée d’assurance égale à un trimestre lorsqu’ils ont accumulé 65 jours ou leur équivalent converti en unité monétaires dans des conditions fixées par décret.

« Cette majoration est accordée par le régime général de sécurité sociale.

« La majoration est utilisée pour la détermination du taux défini au deuxième alinéa de l’article L. 351‑1 du présent code.

« Les trimestres acquis au titre de cette majoration sont réputés avoir donné lieu à cotisation pour le bénéfice de l’article L. 351‑1‑1 du même code, du II des articles L. 643‑3 et L. 723‑10‑1 dudit code, de l’article L. 732‑18‑1 du code rural et de la pêche maritime et de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite. »

Article 2

La charge  pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.