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N° 3208

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2020.

PROPOSITION DE LOI

relative à linterdiction de la vénerie sous terre,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bastien LACHAUD, Mathilde PANOT, Adrien QUATENNENS, Loïc PRUDHOMME, Caroline FIAT, Muriel RESSIGUIER, Michel LARIVE, Sabine RUBIN, Bénédicte TAURINE, Éric COQUEREL, Danièle OBONO, Maud PETIT, Éric STRAUMANN, Typhanie DEGOIS, Annie CHAPELIER, Yolaine de COURSON, Jennifer De TEMMERMAN, Albane GAILLOT, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Matthieu ORPHELIN, Frédérique TUFFNELL, Cédric VILLANI, Frédérique DUMAS, Dimitri HOUBRON, Vincent LEDOUX, Maina SAGE, Michel ZUMKELLER,  

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 28 mai 2020, une vidéo postée sur Twitter par l’association One Voice montrait un groupe de chasseurs déterrer des renardeaux de leur terrier à l’aide de chiens, pour ensuite les tuer à coups de barres de fer, devant deux enfants. Cette scène est choquante, de par sa nature, et par la participation d’enfants à une pratique particulièrement cruelle.

Elle a eu lieu lors d’une vénerie sous terre. Il s’agit d’une variante de la chasse à courre, dont les premières occurrences sont attestées au milieu du XVIe siècle. C’est une pratique traditionnelle barbare qui consiste à faire rentrer un ou des chiens de chasse dans les terriers d’animaux comme le blaireau ou le renard. Le but étant d’acculer la bête dans son terrier afin que les chasseurs puissent creuser et la déterrer. Elle est alors saisie avec des pinces puis frappée sauvagement à coup de pelle, pioche ou barre à mine. Le supplice dure généralement plusieurs heures, voire une journée entière, où l’animal est traqué, acculé, soumis à un stress épouvantable, avant d’être battu à mort par les chasseurs ou saigné.

Depuis avril 2019, il est en théorie interdit que les chiens capturent eux‑mêmes les animaux et les mordent jusqu’à la mort : « Il est interdit dexposer un animal pris aux abois ou à la morsure des chiens avant sa mise à mort  ». Mais dans les faits, cette interdiction n’est pas toujours respectée et des animaux sont encore déchiquetés à mort, car il n’est pas possible de maîtriser ce que fait un chien une fois entré dans le terrier. Il est illusoire de penser que les animaux ne se battront pas entre eux, et que les animaux chassés ne seront pas mordus par les chiens qu’on introduit dans leurs terriers afin de les y prendre. C’est la pratique en elle‑même qui est cruelle et doit être interdite.

Il est clair que la vénerie sous terre va à l’encontre de la reconnaissance de la sensibilité des animaux, pourtant inscrite dans la loi. En Europe, de nombreux pays l’ont interdite, comme le Royaume‑Uni, l’Espagne, les Pays‑Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse ou encore le Portugal.

En France, cette pratique de divertissement cruelle concerne une infime minorité des chasseurs. Il existe environ 1 500 équipages regroupés au sein de l’Association française des équipages de vénerie sous terre (AFEVST). Cette chasse est pratiquée par près de 40 000 pratiquants regroupés au sein de l’Association des déterreurs (ADD) qui utilisent environ 70 000 chiens de terrier, plus ou moins bien traités. Une enquête Ipsos de 2018 pour One Voice montrait que 73 % des Français sondés n’imaginaient pas que cette activité était encore pratiquée. Aussi, 83 % des personnes interrogées se sont prononcées en faveur de son interdiction.

Les espèces traquées dans ce genre de chasses sont pourtant vulnérables et précieuses pour l’équilibre des écosystèmes.

Le blaireau d’Eurasie (Meles meles) est une espèce protégée en Belgique, Angleterre, Irlande, Pays‑Bas, Danemark, Portugal, Espagne, Italie et en Grèce. Il est également totalement protégé dans notre pays dans le département du Bas‑Rhin depuis 2004. La France, en application de la Convention de Berne, doit surveiller les populations de blaireaux afin de leur assurer un état de conservation favorable, ce qu’elle ne fait pas. Bien qu’il ne fasse plus partie de la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts depuis 1988, le blaireau peut faire l’objet de mesures administratives de régulation à l’initiative des préfets.

On estime que 12 000 blaireaux par an sont tués lors de parties de chasse pour une population totale allant de 150 000 à 350 000 individus selon les estimations. À cela il faut rajouter les morts par collision et évidemment les morts naturelles. Sachant que les blaireaux ont un taux de natalité faible (seulement 2,7 blaireautins/an/femelle) la pérennité de l’espèce est donc en danger.

Le blaireau pourtant évite la propagation de maladies par l’élimination des cadavres d’animaux sauvages, il évite aussi la prolifération des larves de hannetons, nids de guêpes, limaces et autres campagnols, compensant largement les déprédations de cultures.

Pour ce qui concerne la période complémentaire d’ouverture de la chasse, dépendant des départements, la vénerie sous terre peut concerner des petits dépendants de leur mère. Or cela est interdit par l’article L. 424‑10 du code de l’environnement. Il indique qu’il « est interdit de détruire, d’enlever, de vendre, d’acheter et de transporter les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or le blaireau a ses petits de la mi‑janvier à la mi‑mars. « Des captures et destructions de jeunes de l’année sont possibles lors d’actions de vénerie sous terre », précise l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), dans une étude sur le blaireau, ce qui est pourtant interdit.

Enfin, la vénerie sous terre peut favoriser la dispersion de la tuberculose bovine, par zoonose, c’est‑à‑dire passage d’un virus d’une espèce à l’autre. L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) précise qu’en « Grande‑Bretagne où la tuberculose bovine est un agent de mortalité important pour l’espèce, le blaireau est réservoir de l’infection dans certaines régions ». Dans les zones à risque, un arrêté ministériel du 7 décembre 2016 interdit « la pratique de la vénerie sous terre pour toutes les espèces dont la chasse est autorisée en raison du risque de contamination pour les équipages de chiens ». En effet, les blaireaux s’avèrent être des hôtes de liaison, susceptibles de transmettre l’infection aux bovins. Le risque sanitaire lié à de telles zoonoses est important.

Une autre espèce est régulièrement victime de la vénerie sous terre, le renard. Il est toujours considéré comme susceptible d’occasionner des dégâts. C’est un véritable acharnement contre cet animal, qui participe pourtant à la régulation des oiseaux et des lièvres, et de petits mammifères, et donc aide à la préservation des champs. Il peut aussi, en chassant de nombreux rongeurs véhiculant la tique, limiter la propagation de la maladie de Lyme, extrêmement dangereuse pour l’homme, qui est en pleine expansion atteignant aujourd’hui environ 27 000 cas par an.

L’article L. 110‑1 du code de l’environnement précise plusieurs principes se rattachant à un intérêt général de protection de la faune sauvage. Le principe d’action préventive et de correction « implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ». Pourtant, la vénerie sous terre est une atteinte à la biodiversité, parce qu’elle dérange profondément tout l’environnement où elle se déroule. Des espèces chassables comme non‑chassables peuvent se trouver dans les terriers, et le chasseur ne peut évidemment pas contrôler à quelle espèce précisément ses chiens s’en prennent lorsqu’ils sont introduits.

L’interdiction de la vénerie sous terre est donc nécessaire. Elle permet de mettre fin à une pratique de mise à mort cruelle pour l’animal et dégradante pour le chasseur. Son interdiction réduirait les nuisances faites à la biodiversité, et contribuerait à la pérennité d’espèces utiles à l’équilibre de l’écosystème. Enfin sa prohibition répond à une question de santé publique en limitant la propagation de maladies dangereuses pour l’homme.

 


proposition de loi

Article 1er

I. — L’article L. 424‑4 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « cri », les mots : « , à l’exception de la vénerie sous terre, relative à la chasse sous terre » sont insérés.

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er août 2020, il n’est plus délivré aucune attestation de meute destinée à l’exercice de la chasse sous terre. »

II. — Le 1° du I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2021 date à partir de laquelle la pratique de la chasse sous terre est interdite sur l’ensemble du territoire français.

Article 2

À partir de la date mentionnée au II de l’article 1er, la pratique de la vénerie sous terre est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.