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N° 3214

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à prévoir au sein du code électoral la possibilité dun report du second tour afin de tenir compte de circonstances exceptionnelles,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Emmanuelle ANTHOINE, JeanPierre VIGIER, Thibault BAZIN, Laurence TRASTOURISNART, JeanLouis MASSON, Robin REDA, Éric PAUGET, Ian BOUCARD, Bernard PERRUT, JeanLuc REITZER, Philippe GOSSELIN,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les municipales 2020 resteront longtemps dans les mémoires du fait des circonstances historiques dans lesquelles elles se sont tenues.

La crise épidémique dans laquelle la France s’est retrouvée a placé ces élections dans un contexte inédit.

Du fait de la crise sanitaire, le premier tour a été marqué par une abstention record de 55,34 % des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Pour la première fois de l’histoire de la République, le second tour d’une élection a été reporté à une date ultérieure pour l’ensemble du territoire.

Un tel report n’a effectivement connu qu’un seul précédent, localement, pour les élections législatives de 1973 sur l’île de la Réunion. Un cyclone avait alors empêché la tenue du second tour.

Aucune disposition au sein du code électoral ne prévoit l’éventualité d’un report de la date du second tour pour tenir compte de circonstances exceptionnelles.

L’article L. 56 du code électoral se borne à affirmer que : « En cas de deuxième tour de scrutin, il y est procédé le dimanche suivant le premier tour. »

Ce silence de la loi a suscité d’intenses débats parmi les juristes et est à l’origine d’un véritable imbroglio juridique quant à la validité des élections municipales à la lumière du report du second tour.

Recours administratifs, référés suspension contre le décret convoquant les électeurs pour le second tour, questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 19 de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19 qui prévoit le report du second tour, se sont multipliés témoignant des nombreuses interrogations autour de la validités des élections municipales.

C’est pour que de telles interrogations et doutes sur la validité d’un scrutin au sein de notre démocratie ne puissent plus avoir lieu d’être que cette proposition de loi prévoit de compléter le code électoral.

L’article unique de cette proposition de loi prévoit ainsi la création d’un article additionnel au sein du code électoral, lequel prévoit la possibilité d’un report du second tour afin de tenir compte de circonstances exceptionnelles.

Sa rédaction vise à répondre aux difficultés soulevées par les deux précédents de report d’un second tour.

Pour le premier antécédent, le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 73‑603/741 AN du 27 juin 1973 a validé le report du second tour des élections législatives sur l’île de la Réunion pour tenir compte « de circonstances exceptionnelles de la nature ».

Les considérants n° 14 et n° 15 de cette décision sont particulièrement éloquents :

« Sur le grief relatif à l’irrégularité dit report du deuxième tour de scrutin :

14. Considérant que par arrêté en date du 10 mars 1973, le préfet de la Réunion a reporté à une date ultérieure « la plus rapprochée possible » le scrutin du deuxième tour des élections législatives qui devait se dérouler le lendemain, dans la deuxième circonscription de la Réunion, aux motifs qu’en raison des pluies diluviennes qui s’abattaient sur le département et de l’interdiction générale de circuler qu’il avait édictée, la sécurité des personnes se rendant dans les bureaux de vote était gravement menacée que, par décret en date du 12 mars 1973, le Gouvernement a fixé au 18 mars 1973 la date de convocation du collège électoral ;

15. Considérant. d’une part, que la circonstance qu’un cyclone ait atteint l’île de la Réunion rendait inévitable qu’intervînt exceptionnellement une mesure de report du second tour ; qu’il est certes regrettable que la loi n’ait pas prévu l’autorité compétente pour tirer les conséquences de circonstances exceptionnelles de la nature de celles qui sont survenues à la Réunion les 10 et 11 mars 1973 ; que, dans ce silence de la loi, si le préfet de la Réunion n’était pas normalement compétent pour ordonner le report du second tour, cette irrégularité n’a pu altérer les résultats du scrutin alors surtout qu’aucune manœuvre frauduleuse n’est établie ; ».

Remarquons d’abord que le juge constitutionnel déplore à plusieurs reprises le « silence de la loi » sur ce sujet renforçant la conviction qu’une précision soit apportée au sein du code électoral.

Surtout, c’est parce que « la sécurité des personnes se rendant dans les bureaux de vote était gravement menacée » que le report du second tour était justifié selon le Conseil constitutionnel.

De même, c’est le risque de diffusion de l’épidémie et les mesures de restrictions de circulation des citoyens décidées avec le confinement et prises dans le cadre de la lutte contre le covid‑19 qui ont conduit au report du second tour des municipales de 2020.

Le maintien du deuxième tour de scrutin exposait effectivement les citoyens à un risque de contamination par un virus mortel.

Au regard des enjeux essentiels pour la démocratie de la tenue régulière des élections et de l’exercice du droit de suffrage, il est nécessaire d’encadrer strictement la possibilité de reporter le deuxième tour d’un scrutin.

C’est ainsi que cette proposition de loi vise à ne permettre le report du deuxième tour de scrutin qu’en raison de circonstances exceptionnelles mettant en péril la vie des électeurs.

Dans sa décision de 1973, le Conseil constitutionnel souligne que le report du second tour l’était à une date « la plus rapprochée possible ».

Afin de ne pas risquer de compromettre la sincérité du scrutin, il est effectivement nécessaire de limiter l’intervalle de temps entre les deux tours de scrutin.

Le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid‑19 précisait ainsi que « si la crise persiste à cette échéance […] et rend impossible lorganisation du deuxième tour avant lété, il appartiendra aux pouvoirs publics de reprendre lensemble des opérations électorales dans les communes où les conseils municipaux sont incomplets ».

L’article unique prévoit ainsi que le report du second tour en cas de circonstances exceptionnelles ne soit possible que dans les trois mois suivant le premier tour.

L’exemple de la Réunion montre par ailleurs que la survenue d’une catastrophe peut empêcher la tenue du scrutin localement.

Pour les élections pour lesquelles le territoire national ne représente pas une circonscription unique, le report du second tour doit être possible pour une partie seulement des régions, assemblées territoriales, circonscriptions, communes ou cantons en jeu.

Il n’est pas nécessaire, effectivement, de reporter le scrutin pour l’ensemble du pays alors qu’une partie seulement du territoire est affecté par une catastrophe. Le report du second tour s’accompagne de nombreuses conséquences qu’il convient d’éviter aux circonscriptions qui ne sont pas affectées par la catastrophe.

C’est en ce sens que le dispositif proposé prévoit que pour des scrutins locaux, ce report peut être décidé pour une partie du territoire afin de tenir compte d’une catastrophe naturelle locale empêchant la tenue du scrutin.

Tel est l’objet de la proposition de loi que nous soumettons à votre approbation.

 

 


proposition de loi

Article unique

Après l’article L. 56 du code électoral, il est inséré un article L. 56‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 561. – Par dérogation à l’article L. 56, le deuxième tour de scrutin peut être reporté à une date ultérieure, dans les trois mois suivant le premier tour, en raison de circonstances exceptionnelles mettant en péril la vie des électeurs.

« Pour les élections mentionnées aux livres Ier, IV et VI bis du présent code, ce report peut être décidé pour une partie des circonscriptions concernées par le deuxième tour de scrutin, afin de tenir compte d’une catastrophe naturelle locale empêchant la tenue du scrutin. »