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N° 3215

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à mieux protéger et représenter les résidents des établissements dhébergement pour personnes âgées dépendantes,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric DIARD, Dino CINIERI, JeanYves BONY, Marc LE FUR, Arnaud VIALA, Pierre VATIN, Julien DIVE, Geneviève LEVY, Brigitte KUSTER, Constance LE GRIP, JeanCarles GRELIER, Sébastien LECLERC, JeanPierre DOOR, PierreHenri DUMONT, Pierre CORDIER, Jacques CATTIN, JeanLouis MASSON, Alain RAMADIER, Olivier DASSAULT, JeanClaude BOUCHET, Bernard DEFLESSELLES, Bernard REYNÈS, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Didier QUENTIN, Bernard PERRUT, Nadia RAMASSAMY, MarieChristine DALLOZ, Josiane CORNELOUP, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, JeanMarie SERMIER, Sandrine BOËLLE, Maxime MINOT, Meyer HABIB, Marianne DUBOIS, Pascal BRINDEAU, Olivier MARLEIX, Michel VIALAY, Agnès THILL, Bérengère POLETTI, Véronique LOUWAGIE, Maina SAGE, Guy BRICOUT, Mjid EL GUERRAB, Gérard CHERPION, Philippe GOSSELIN, JeanLuc REITZER, Bernard BROCHAND, Virginie DUBYMULLER, Isabelle VALENTIN, Christophe NAEGELEN, Robin REDA, Nicolas FORISSIER,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’année 2020 aura marqué la France par l’une des plus graves crises de son histoire moderne. Cette crise sanitaire a été le révélateur de nombreuses choses au sujet de notre pays : sa capacité de résilience, d’adaptation, la solidarité entre ses citoyens mais, aussi, sur ses faiblesses et les points qu’il convient d’améliorer afin de mieux se préparer à l’avenir.

Un point qui a particulièrement été mis en lumière au cours de l’épidémie de covid‑19 est la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), où le nombre de décès liés au coronavirus est le plus important étant donné la fragilité naturelle de ce groupe de population.

Certes, les personnes résidant dans des EHPAD sont particulièrement vulnérables et susceptibles d’être les premières victimes en cas de crise sanitaire. Loin de justifier ces chiffres, ce constat doit nous alarmer sur la situation des EHPAD et doit motiver des actions concrètes afin de protéger ceux qui y résident.

Nul ne se réjouit de la perspective de voir un proche, un parent, se rendre dans un EHPAD qui sera, dans l’immense majorité des cas, son dernier lieu de résidence. Si ces structures ont été faites pour accueillir des personnes âgées dans les meilleures conditions possibles, le placement est bien souvent le dernier des recours pour des familles ne pouvant faire face à la situation de dépendance de leurs aînés.

La grave crise sanitaire que nous venons d’affronter a aussi permis de souligner la vulnérabilité des personnes ainsi que l’atteinte de leurs droits par certaines structures qui, outrepassant leurs pouvoirs déjà étendus, se sont autorisé de prendre des décisions unilatérales, sans la moindre information ni concertation, ayant des conséquences sur la fin de vie de certains résidents.

L’actualité nous a révélé que de nombreux Français ont appris la mort de leur parent en EHPAD des jours après que le décès soit survenu, par un simple SMS de la part des pompes funèbres pour les prévenir qu’elles allaient procéder à la crémation seulement quelques heures après l’envoi de ce message. Aujourd’hui que le pic de la crise est derrière nous, les maisons de retraite recommencent à autoriser les visites, uniquement derrière un parloir en plexiglass et sans que les résidents ne puissent suivre leurs enfants venus les chercher pour les ramener dans un cadre familial.

La crise sanitaire qu’ont connu les EHPAD ne doit pas éclipser la crise sociale sous‑jacente qui a cours dans certains d’entre eux depuis des années. Parce que les personnes âgées s’y installent en raison de leur vulnérabilité, elles sont, plus que quiconque, susceptible d’être pieds et poings liés à un pouvoir bureaucratique qui, au prétexte de leur fragilité vient leur imposer des décisions unilatérales et qui argue de la liberté individuelle des résidents devant leurs proches, pour empêcher ces derniers de trop se pencher sur leurs affaires.

Pourtant, ces affaires sont, en premier lieu, celles des résidents qui versent bien souvent l’immense part de leur retraite aux EHPAD pour payer leur séjour, et celles de leurs proches qui désirent continuer à prendre soin de leur famille. On se retrouve alors dans un système qui se veut vertueux mais qui enferme les résidents, comme prisonniers de leur fragilité, sans que leurs familles ne puissent leur venir en aide.

Il est de notre devoir de protéger la génération de nos parents, ceux qui nous ont élevé, ceux qui, pour certains, ont connu la guerre, et non de les abandonner aux mains d’établissements pour qui la recherche du profit passe avant la mission de prendre soin des personnes vulnérables.

Le rôle des EHPAD est essentiel à notre société et il ne s’agit pas de généraliser un sentiment de suspicion à leur égard. Cependant, il est nécessaire d’apporter de la transparence et de renforcer la démocratie interne dans leur gestion, au moins pour les résidents et leurs familles.

Le principe de respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité, de la sécurité et du droit d’aller et venir librement des personnes âgées est clairement énoncé par le code de l’action sociale et des familles. Afin que ces droits fondamentaux soient garantis et qu’ils ne soient pas qu’une déclaration d’intention, il est nécessaire de permettre aux résidents et à leurs proches de veiller à leur respect et à leur bonne application.

La meilleure façon de permettre ce contrôle est qu’il soit directement effectué par les personnes directement concernées, à savoir les résidents et leurs proches. Il n’est pas concevable que les copropriétaires puissent contrôler leur syndic, que les élèves bénéficient de la représentation de leurs parents auprès de la direction des établissements scolaires, et que les personnes âgées n’aient personne pour les défendre au sein des organes de direction des EHPAD.

L’article Ier de cette proposition de loi complète l’article L. 113‑3 du code de l’action sociale et des familles en inscrivant le droit à l’information des personnes âgées et de leurs proches sur la mise en œuvre des conditions d’accueil des résidents.

L’article 2 propose également de compléter l’article L. 311‑3 de ce même code en inscrivant le droit des résidents des établissements d’accueil de personnes âgées à recevoir librement de la visite, afin de limiter les refus arbitraires qui peuvent être opposés par les directions de certains établissements.

L’article 3 constitue le cœur de cette proposition de loi puisqu’il met en œuvre les deux principes qui viennent d’être énoncés en permettant aux résidents d’EHPAD et à leurs proches d’être représentés au sein de l’organe délibérant de l’établissement.

Ces représentants, élus par les résidents et leurs proches, seront les garants du respect de l’intérêt des personnes vulnérables par les structures d’accueil. Ils disposeront des mêmes droits de vote, de décision et de regard sur les affaires de la structure que les autres membres de l’organe délibérant. Ils permettent ainsi de constituer un lien permanent entre la direction, les résidents et leurs familles, une source d’information essentielle et un relais afin de rééquilibrer les relations entre les usagers et la structure d’accueil.

Il est anormal que les EHPAD ne rendent de comptes qu’aux ARS sans se soucier des attentes de leurs occupants, qui doivent pourtant être au centre de leurs préoccupations. La présence de personnes extérieures et de résidents mandatés pour faire valoir les intérêts de ces derniers constitue une étape essentielle dans le contrôle de l’action sociale des structures d’accueil pour personnes âges.

Enfin, l’article 4 apporte une garantie supplémentaire de protection des résidents en EHPAD en créant un état d’incapacité de fait, compte tenu de leur particulière vulnérabilité en raison de leur âge ou de leurs pathologies, mais qui ne nécessite toutefois pas de les placer sous le régime de la tutelle ou de la curatelle. Cet état d’incapacité de fait permettra seulement au tiers de confiance que chaque résident aura préalablement nommé de faire valoir ses droits devant l’administration de l’établissement, notamment en ce qui concerne les décisions relatives à l’hébergement, à la vie quotidienne ou aux décisions médicales concernant le résident.

Afin de prévenir tout abus, l’état d’incapacité de fait est déclaré conjointement par deux médecins : l’un est le médecin exerçant régulièrement au sein de l’EHPAD, l’autre est un médecin choisi par le tiers de confiance désigné par le résident. Ainsi, tout est mis en œuvre pour assurer la protection des droits et du bien‑être des résidents malgré leur vulnérabilité.

La protection de nos aînés est un impératif moral pour toute société, reconnaissante de ce qu’ils ont fait pour nous et protectrice des plus fragiles. Elle passe par différents biais, parmi lesquels figure la nécessité de plus de représentativité et de transparence des organes directeurs des structures d’accueil pour personnes vulnérables. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 113‑3 du code de l’action sociale et des familles est complété par un III ainsi rédigé :

« III. ‑ Les personnes âgées et vulnérables accueillies au sein d’établissements de santé ou d’institutions spécifiques ainsi que leurs familles bénéficient d’un droit à l’information et de regard sur les modalités d’accueil mises en œuvre. Ce droit à l’information doit notamment s’appliquer pour toutes décisions médicales, proposées au résident, avant sa mise en œuvre, sauf en cas d’urgence vitale. Il doit aussi rendre exigible de la part de la direction, la présentation d’un bilan régulier et documenté de l’état sanitaire global de l’institution, surtout en situation de crise aigüe de santé publique. Le consentement libre et éclairé du sujet âgé ou de son représentant légal en cas d’atteinte majeure des capacités cognitives, doit être obtenu avant toute décision médicale conséquente à une atteinte grave et profonde du pronostic vital. Les personnes âgées ou leurs représentants sont associés aux réunions et aux décisions de leurs organes délibérants suivant les modalités précisées au présent code. »

Article 2

Le 7° de l’article L. 311‑3 du code de l’action sociale et des familles est complété par les mots :

« de sa sécurité, de son droit à aller et venir et à recevoir ses proches librement. »

Article 3

Après l’article L. 342‑6 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 342‑7 ainsi rédigé :

« Art. L. 3427.  I. – L’organe délibérant de la personne morale de droit privé gestionnaire accueille en son sein les représentants des usagers ainsi que de leurs proches au nombre de deux par catégories.

« Ils disposent des mêmes droits de vote, d’information et de regard sur les décisions de l’organe délibérant que les autres personnes le composant.

« Les représentants des proches des usagers ont le droit de se présenter à tout moment au sein de l’établissement pour mener à bien leurs fonctions représentatives, de contrôle et d’information.

« II. – Le mandat des représentants est de deux ans renouvelables par moitié chaque année.

« Les modalités d’élection des représentants sont fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé. »

Article 4

Après l’article L. 342‑6 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 342‑8 ainsi rédigé :

« Art. L. 3428.  I. – Les résidents nomment, à leur arrivée au sein de l’établissement d’hébergement, un tiers de confiance qui doit être consulté préalablement chaque fois que l’établissement prend une décision les concernant.

« À défaut, ces fonctions de tiers de confiance sont exercées conjointement par les représentants des résidents et des proches, jusqu’à ce que les résidents concernés aient nommé leur tiers de confiance.

« Les résidents peuvent changer de tiers de confiance à tout moment.

« II. – Sur la demande d’un résident ou de son tiers de confiance, l’état d’incapacité de fait est déclaré conventionnellement par le médecin de l’établissement d’accueil et un médecin mandaté par le résident ou son tiers de confiance.

« L’incapacité de fait donne au tiers de confiance du résident la possibilité de prendre à sa place les décisions relatives au séjour du résident au sein de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

« III. – Sans préjudice des dispositions relatives au secret médical, les représentants des résidents et de leurs proches peuvent assister les tiers de confiance et s’assurent de la protection des intérêts des résidents. »