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N° 3217

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2020.

PROPOSITION DE LOI

portant attribution de la responsabilité dentretien des abords des réseaux à l’opérateur exploitant,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Olivier GAILLARD, Pierre MOREL À L’HUISSIER, Paul MOLAC, Jean Félix ACQUAVIVA, Fabrice BRUN, M’jid EL GUERRAB, François Michel LAMBERT, Denis MASSÉGLIA, Yves DANIEL, Paul André COLOMBANI, Sandrine LE FEUR, Frédérique DUMAS, Arnaud VIALA, Christophe NAEGELEN, Guy BRICOUT, Xavier BATUT, Jean Luc REITZER, Frédéric BARBIER,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’entretien des lignes aériennes du réseau téléphonique et internet est une problématique de plus en plus prégnante avec le déploiement de la fibre, en particulier dans les zones rurales de montagne.

La servitude d’utilité publique dont disposait initialement l’opérateur de réseau a été supprimée par la loi n° 96‑659 du 26 juillet 1996, puis rétablie sous une forme particulière par la loi n° 2016‑1321 du 7 octobre 2016 ‑ art. 85.

L’abrogation en 1996 de cette servitude répondait à l’enjeu de ne pas pénaliser les opérateurs concurrents de l’opérateur historique auxquels il aurait été délicat d’étendre de telles servitudes. Le but recherché était aussi d’accélérer les travaux d’enfouissement. Cette disparition de tout encadrement législatif de l’entretien des abords de lignes situées sur des propriétés privées n’a pas fait perdre aux particuliers leur responsabilité de leurs terrains. Libéré de la servitude, l’exploitant s’est davantage consacré à la fibre optique et aux zones urbaines.

La disparition de la servitude a provoqué une détérioration importante du réseau, notamment en zones rurales et de montagne. Sa réintroduction en 2016 n’a pas permis de solutionner le problème d’entretien des lignes du réseau dans ces zones. La difficulté non négligeable découle du fait que la charge d’entretien portant sur les lignes traversant les propriétés privées pèse désormais sur les propriétaires privés. En vertu de l’article L. 51 du code des postes et communications électroniques, actuellement en vigueur, le propriétaire privé a la responsabilité de l’entretien des abords des équipements du réseau dans des conditions permettant de prévenir leur endommagement ou les risques d’interruption.

Il n’est pas rare que les propriétaires privés n’assument pas cette responsabilité, non pas par mauvaise volonté, mais pour des raisons financières, et que par voie de conséquence, des usagers aient à subir les dysfonctionnements d’une ligne pour cause d’inaction de l’exploitant et du propriétaire privé. La servitude d’entretien, en vertu de laquelle les opérations sont accomplies par le propriétaire du terrain fait l’objet d’une « convention », conclue entre l’exploitant et le propriétaire concerné, aux fins de détermination des « modalités de réalisation des travaux ». Ces travaux d’entretien dont l’accomplissement incombe au propriétaire du terrain traversé par le réseau, se font aussi à ses frais. S’il n’accomplit pas lui‑même les opérations d’entretien, l’exploitant doit alors s’en charger, mais nécessairement aux frais du propriétaire. En vertu de ce même article, « le maire peut notifier le constat de carence du propriétaire aux fins qu’il procède lui‑même aux travaux », toujours aux seuls frais du propriétaire. Sont également envisagés les cas où « les coûts exposés par ces opérations sont particulièrement élevés pour ces derniers (les propriétaires) » et les cas où « la réalisation de ces opérations présente des difficultés techniques ou pratiques de nature à porter atteinte à la sécurité ou à l’intégrité des réseaux. Ces cas ne se trouvent pas précisés par des critères techniques et financiers, définissant un seuil financier, au‑delà duquel les opérations exposent à des « coûts particulièrement élevés », et des paramètres traduisant un certain niveau de complexité technique.

Il résulte des dispositions de cet article, que l’exploitant n’a aucune obligation d’intervenir à ses frais, pas même pour prendre en charge partiellement les frais des opérations. Il n’y a qu’en cas de défaillance imputable au propriétaire comme à l’exploitant pour l’accomplissement des opérations d’entretien, où le maire est autorisé à « procéder lui‑même à ces opérations aux frais de l’exploitant », après avoir notifié à ce dernier, le constat de carence du propriétaire à l’exploitant. Cette rédaction a pour conséquence, en cas de carence du propriétaire, d’inciter l’exploitant à accomplir lui‑même les opérations dans des délais brefs, afin des faire peser les frais exposés sur le propriétaire. Or en zone rurale et de montagne, des propriétaires privés peuvent avoir la responsabilité d’entretenir les abords de plusieurs kilomètres de ligne. Cela n’est aucunement pris en considération, tout comme le fait que la pose des poteaux a pu intervenir sans préalable indemnisation des propriétaires dont les parcelles se trouvent alors grevés. En zones de montagne, les propriétaires de bois ne peuvent disposer librement des terrains situés sous ces lignes.

L’état actuel du droit applicable à l’entretien des abords des lignes aériennes des réseaux téléphoniques et internet doit donc évoluer pour deux raisons. Il s’agit, premièrement, de prévenir et de répondre à la dégradation et aux dysfonctionnements des réseaux en zones rurales et de montagne. Il s’agit, deuxièmement, de rétablir une situation équitable autour de ces ouvrages qui, occasionnant déjà des restrictions et limitations à l’exercice par les propriétaires de leur droit d’occuper et d’utiliser le sol, ne doivent pas leur faire supporter en plus les coûts des travaux d’entretien et de réparation.

L’article unique de la présente proposition de loi a pour objet d’attribuer à l’opérateur la responsabilité des ouvrages dont il a la charge ainsi que leur entretien afin de prévenir et réparer l’endommagement des équipements et l’interruption du service. Il prévoit en outre la possibilité pour le propriétaire du terrain de faire constater la défaillance de l’opérateur dans sa mission par le maire de la commune concernée, et d’accomplir lui‑même les travaux aux frais dudit opérateur. Il prévoit enfin que lorsque l’entretien des abords des équipements du réseau n’est pas assuré dans des conditions permettant de prévenir leur endommagement ou les risques d’interruption du service, le maire transmet, au nom de l’État, une mise en demeure à l’exploitant du réseau ouvert au public concerné et en informe le propriétaire concerné. Si la mise en demeure de l’exploitant est infructueuse durant un délai de quinze jours, le maire dresse un constat de carence et fait procéder lui‑même aux travaux, aux frais de l’opérateur.

 

 


proposition de loi

Article unique

L’article L. 51 du code des postes et des communications électroniques est ainsi rédigé :

« Art. L. 51. – I. – L’opérateur est responsable, au sens civil et pénal, des ouvrages dont il a la charge, et des dégâts que ces derniers pourraient occasionner.

« Les opérations d’entretien des abords d’un réseau ouvert au public permettant d’assurer des services fixes de communications électroniques, telles que le débroussaillage, la coupe d’herbe, l’élagage et l’abattage, sont accomplies par l’opérateur dudit réseau, que ce dernier soit implanté sur la propriété ou non et que la propriété privée soit riveraine ou non du domaine public, afin de permettre le déploiement de réseaux, de prévenir et réparer l’endommagement des équipements et l’interruption du service.

« À cette fin, le propriétaire et le maire de la commune sur le territoire de laquelle la propriété est située, peuvent informer l’exploitant de travaux d’entretiens à réaliser mais aussi de dysfonctionnements actuels ou imminents. L’exécution des travaux d’entretien par l’exploitant doit être précédée d’une notification au propriétaire, au fermier ou à leurs représentants, ainsi qu’au maire de la commune concernée. Sur le domaine public, les modalités de réalisation des coupes sont définies par la convention prévue au premier alinéa de l’article L. 46 ou par la permission de voirie prévue au troisième alinéa de l’article L. 47.

« II. – Par dérogation au premier alinéa du présent I, le propriétaire du terrain peut faire constater une défaillance de l’exploitant par le maire de la commune concernée. Dans ce cas, les opérations sont accomplies par le propriétaire du terrain, du fermier ou de leurs représentants, aux frais de l’opérateur exploitant. L’exécution des travaux doit être précédée d’une notification à l’exploitant ainsi qu’au maire de la commune concernée. L’introduction des agents de l’exploitant en vue de procéder aux opérations d’entretien s’effectue selon les modalités prévues au huitième alinéa de l’article L. 48.

« III. – Sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 2212‑2‑2 du code général des collectivités territoriales et L. 114‑2 du code de la voirie routière et de la procédure mise en œuvre au titre de l’article L. 161‑5 du code rural et de la pêche maritime, lorsque l’entretien des abords des équipements du réseau n’est pas assuré dans des conditions permettant de prévenir leur endommagement ou les risques d’interruption du service, le maire transmet, au nom de l’État, une mise en demeure à l’exploitant du réseau ouvert au public concerné et en informe le propriétaire concerné. Si la mise en demeure de l’exploitant est infructueuse durant un délai de quinze jours, le maire dresse un constat de carence et fait procéder lui‑même aux travaux aux frais de l’opérateur exploitant du réseau.

« IV. – Lorsqu’un réseau d’initiative publique est projeté ou déployé sur des infrastructures d’accueil partagées avec un autre réseau ouvert au public, l’application des dispositions prévues aux I et II du présent article incombe à l’exploitant du premier réseau établi, sauf si les opérateurs concernés en conviennent autrement. Lorsque l’application de ces dispositions ne permet pas l’établissement d’un réseau d’initiative publique ou l’entretien des abords des équipements d’un réseau d’initiative publique dans des conditions permettant de prévenir leur endommagement ou les risques d’interruption du service, l’opérateur de ce réseau peut saisir le maire en vue de mettre en œuvre, si ce dernier le juge nécessaire, la procédure prévue au III. Si la notification à l’exploitant du premier réseau établi reste elle‑même infructueuse dans le délai de quinze jours, le maire peut autoriser l’opérateur du réseau d’initiative publique à procéder aux opérations d’entretien aux frais de cet exploitant, dans le respect des règles régissant les interventions des exploitants. »