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N° 3271

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juillet 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire la gestation pour autrui
et sa reconnaissance en France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Emmanuelle MÉNARD,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le contrat de gestation pour autrui (GPA) vise à utiliser le corps d’une femme en vue de se faire remettre un enfant, le plus souvent contre rémunération. Concrètement, « la gestatrice » ne touchera sa rémunération qu’après ou concomitamment à la remise de l’enfant. Dès lors, c’est bien l’enfant qui fait l’objet de la rémunération et non « la gestation » comme certains peuvent le laisser croire. La GPA n’est donc ni plus ni moins qu’un acte d’acquisition d’un enfant.

Cette acquisition est problématique car elle vient remettre en question l’un des principes fondamentaux de notre civilisation : celui selon lequel un être humain ne s’achète pas. Penser le contraire revient à dire qu’un être humain peut être monnayé et peut donc être la propriété d’un autre. Accepter et légaliser cela serait évidemment un bon en arrière considérable pour tous les défenseurs de la liberté et de la dignité de la personne.

En 2018, des associations ont lancé une coalition internationale pour alerter sur les dangers de la GPA. Très inquiètes, elles disent observer « depuis 2010 la montée d’un mouvement en faveur de la GPA, qui est pour nous intolérable » puisqu’il conduit mécaniquement à la marchandisation et à l’exploitation du corps des femmes.

La Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution (CIAMS), menée par l’association CQFD Lesbiennes féministes, n’hésite d’ailleurs pas à monter au créneau et fustige la GPA en ces termes « La GPA est une exploitation marchande du corps de la femme, comme la prostitution ou la domesticité. On nous dit que les femmes sont consentantes. Or toutes les études sur le sujet montrent que leurs motivations pour “prêter” leur corps sont liées à des pressions familiales, pour l’argent notamment. »

Un discours de banalisation de la GPA est pourtant bien à l’œuvre et les digues, légitimement érigées pour empêcher la chosification du corps, sont en train de céder.

En décembre 2019, en France, la Cour de cassation a envoyé un signal inquiétant en entérinant la retranscription intégrale à l’état civil des actes de naissance de deux enfants issus d’une GPA à l’étranger. La Cour a en effet considéré qu’ « une GPA légalement faite à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la transcription de l’acte de naissance des enfants désignant le père biologique et le père d’intention ».

Depuis, la commission spéciale en charge d’examiner le projet de loi bioéthique a franchi une nouvelle ligne rouge en adoptant un amendement visant à autoriser le recours à la méthode dite réception des ovules de la partenaire (ROPA) pour les couples de femmes. Concrètement, il s’agit d’inséminer l’ovocyte d’une des femmes du couple avec un donneur de sperme, puis l’implanter dans l’utérus de sa partenaire.

On est donc bien loin de la simple procréation médicalement assistée (PMA) puisque, dans ce cas‑là, la femme qui porte l’enfant n’a aucun lien génétique avec lui. Elle n’est que la mère porteuse dans le projet d’un couple de femmes « de partager » leur maternité.

Ces dérives sont inquiétantes car elles portent directement atteinte à la dignité de la personne et à l’intégrité de la personne mais aussi – et surtout – aux droits de l’enfant.

Cette proposition de loi se donne donc pour objectif de renforcer notre droit pour que la GPA reste interdite en France.


proposition de loi

Article 1er

Avant l’article 310 du code civil, il est inséré un article 310 A ainsi rédigé :

« Art. 310 A. – Il n’existe pas de droit à l’enfant. »

Article 2

L’article 16‑7 du code civil est ainsi rédigé :

« Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle, qu’elle soit réalisée au sein d’un couple formé de deux femmes, de deux hommes, d’un homme et d’une femme ou pour une personne seule. »

Article 3

Avant l’article 310 du code civil, il est inséré un article 310 B ainsi rédigé :

« Art. 310 B.  La retranscription à l’état civil des actes de naissance de deux enfants issus d’une gestation pour autrui à l’étranger est interdite en France. »

Article 4

Après le premier alinéa de l’article L. 2141‑2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’assistance médicale à la procréation ne peut être mise en œuvre au moyen de gamètes obtenus contre rémunération ou tout autre avantage à l’étranger. »

Article 5

L’article 227‑2 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 2272.  Le fait de provoquer, soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d’autorité, les parents ou l’un d’entre eux à abandonner un enfant né ou à naître est puni de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

« Le fait, dans un but lucratif, de s’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître est puni d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

« Est puni des peines prévues au deuxième alinéa le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double.

« La tentative des infractions prévues par les deuxième et troisième alinéas du présent article est punie des mêmes peines. »