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N° 3275

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juillet 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un observatoire national de la reprise des soins sous légide de Santé publique France avec le soutien de la Haute Autorité
de santé,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Agnès FIRMIN LE BODO, PierreYves BOURNAZEL, Paul CHRISTOPHE, M’jid EL GUERRAB, Christophe EUZET, Thomas GASSILLOUD, Antoine HERTH, Vincent LEDOUX, Patricia LEMOINE, Lise MAGNIER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le confinement mis en place dans le cadre de la lutte contre la covid‑19 était une mesure nécessaire pour éviter la saturation de nos capacités hospitalières. L’impact direct de ce confinement est l’arrêt des soins pour des pathologies dont les interventions sont considérées comme non‑urgentes. Les premières personnes touchées sont les personnes âgées, et notamment celles souffrant de maladies chroniques et cardiovasculaires.

Une étude de l’Anses nous alertait dès le 1er avril 2020 ([1]) sur les risques liés à la réduction du niveau d’activité́ physique et à l’augmentation du niveau de sédentarité́ en situation de confinement. Elle y pointait notamment des risques tant sur les muscles que sur les os, ajoutant que cela pouvait avoir des conséquences majeures sur les personnes avançant en âge, majorant la perte d’autonomie et accroissant le risque de chute. Elle insiste par ailleurs sur les risques cardiovasculaires liés, soit directement à l’inactivité, soit de manière indirecte via les conséquences métaboliques. Enfin elle pointe les effets potentiels du confinement sur la santé mentale avec notamment le développement de phénomènes d’anxiété.

Aux risques directs du confinement s’est ajouté un moindre recours aux soins.

Un grand nombre de consultations ont été repoussées pour de multiples raisons. Un sondage Doctolib publié le 16 avril dernier estimait à 71 % la baisse de prises de rendez‑vous chez les médecins spécialistes, mettant en évidence que 38 % des sondés invoquaient la peur d’être contaminés comme motif de renoncement aux soins.

Conséquence du Plan Blanc généralisé sur l’ensemble du territoire, les opérations programmées ont été annulées, avec, la plupart du temps, peu de visibilité sur une date de reprogrammation. Pour la seule sténose aortique, une estimation comparative du nombre de valves implantées, réalisée par la société leader sur cette thérapeutique, montre qu’entre le 15 mars et le 30 mai 2020, il y a eu 2 100 patients traités en moins en 2020 qu’en 2019 sur la même période ([2]).

Nous commençons à observer les conséquences de ces retards. Certains patients doivent être pris en charge en urgence avec des pathologies beaucoup plus aiguës qu’avant le confinement, alourdies par le report de la mise en œuvre du traitement. Des médecins alertent sur un surplus de mortalité hors covid‑19 comme en témoignait le Dr Nicole Karam, cardiologue interventionnelle à l’Hôpital européen Georges‑Pompidou à Paris ([3]) dans une interview au Point du 18 juin 2020, dans laquelle elle raconte qu’une dame âgée avait refusé le changement de sa valve en urgence, effrayée par l’idée d’être contaminée par la covid une fois dans l’établissement hospitalier. Après des semaines passées à la convaincre, elle est décédée quatre jours avant la date qui avait été re‑programmée.

Le choix nécessairement prudent a été fait d’un déconfinement progressif. Ce choix pragmatique permet de limiter une éventuelle reprise de la contagion et de gérer au mieux les capacités hospitalières fortement éprouvées par le pic de contagion. Nos aînés ont, eux, été incités à une prudence supplémentaire. Malgré tous les efforts des autorités publiques, nous ne pouvons nier que la reprise normale de tous les soins va demander un certain temps avant d’être effective, et ainsi conduire encore à des dégradations de l’état de santé de certains Français. Les autorités sont conscientes de ce risque, pour preuve l’appel de la Haute Autorité de santé, le 4 juin, à une reprise urgente des vaccinations. Mais, cette initiative pour louable qu’elle soit, n’est pas suffisante.

Il faut désormais commencer à faire le bilan de la dégradation de l’état de santé induite par le confinement pour initier des actions correctrices. Les rendez‑vous annulés durant la crise, comme le rythme naturel d’évolution des pathologies ou les opérations déprogrammées ont créé une file d’attente d’interventions qu’il conviendra de résorber, tout en absorbant les flux normaux d’activité qui vont reprendre. De même, certains patients craignent toujours de contacter leur médecin et restent en dehors d’un parcours de soins qui, s’il reprend trop tard se fera en urgence dans un état de santé très dégradé.

Cette situation de gestion de flux entre cas médicaux normaux et rattrapage de ce retard va parfois amener à des choix de hiérarchisation toujours délicats dans des cas où un retard de traitement peut être fatal.

Une action est d’autant plus urgente que la perspective d’une seconde vague du covid‑19 n’est pas à écarter. Or, on ne peut pas exclure que ces organismes déjà éprouvés par le confinement soient parmi les premières victimes d’un retour de la maladie.

La gravité du sujet, la variabilité des situations, la nécessité de donner une impulsion et l’importance d’identifier les bonnes pratiques plaident toutes pour un accompagnement de la reprise des soins. C’est la raison pour laquelle la présente proposition de résolution plaide pour la mise en place d’un observatoire national de la reprise des soins, placé sous l’égide de Santé publique France en étroite collaboration avec la Haute Autorité de santé.

Cet observatoire serait chargé de suivre le rythme de reprise des soins pour s’assurer qu’il soit aussi rapide que possible. Pour cela il s’appuiera sur les fonctions traditionnelles d’un observatoire :

– en lien étroit avec les sociétés savantes, recenser les registres et cohortes permettant de mesurer le rythme de la reprise des soins dans les différentes spécialités. Cela permettra de bénéficier rapidement de données, notamment pour des pathologies particulièrement exposées ;

– assurant la transparence de l’état des lieux de la reprise de soins : un canal de remontée accélérée des données relatives à lactivité médicale des établissements de santé (PMSI) a été mis en place, permettant leur exploitation pendant la crise sous légide du ministère en partenariat avec lATIH, la CNAMTS et le Health data Hub. lObservatoire assurera la publication de ces données dans un souci de transparence ;

– la contribution au développement de la connaissance : en identifiant les bonnes pratiques et en recensant les possibles obstacles que rencontrent les établissements de santé et les soignants dans ce retour à la normale et la gestion des retards. Ce travail permettra d’alimenter la Haute Autorité de santé en chiffres et bonnes pratiques afin de l’aider à produire des recommandations sur l’organisation de la reprise des soins par spécialité ;

– la diffusion des informations en mettant à disposition des acteurs des outils pour accélérer la reprise et en produisant une note mensuelle d’avancement de la reprise des soins destinée au Parlement ;

– la centralisation des données à partir des informations collectées au niveau régional. L’analyse au niveau régional est une nécessité car les activités de soin ont été très différentes d’un territoire à l’autre, notamment en raison de la propagation hétérogène de la covid‑19 en fonction des territoires. Les ARS ont un rôle central à jouer dans le suivi de la reprise des soins, par leur proximité avec les acteurs de terrain, elles sont en mesure de rassembler les parties prenantes impliquées dans la prise en charge médicale et paramédicale : CHU, centres hospitaliers, représentants des médecins libéraux (généralistes et spécialistes), pharmaciens d’officines, infirmiers à domiciles, laboratoires d’analyses médicales

La mobilisation des acteurs de terrain se matérialiserait par la création de comités régionaux de reprise des soins dont le rôle, outre la collecte de données, serait d’œuvrer à la bonne reprise des soins en tenant compte de la circulation de la covid dans la région, en s’assurant d’une bonne coordination entre secteurs public et privé. De même, en s’inspirant des remontées du terrain pour identifier les problèmes rencontrés, ils seraient chargés de l’identification des obstacles existants à la reprise et la diffusion des bonnes pratiques.


proposition de loi

Article unique

Un observatoire national de la reprise des soins est créé sous l’égide de Santé publique France avec le soutien de la Haute Autorité de santé. Pour une durée d’un an, il est chargé de s’assurer de la reprise des soins aussi rapide que possible. Il met à disposition des acteurs médicaux des outils pour organiser l’accès aux soins, notamment pour les personnes ayant vu leurs consultations ou opérations reportées durant la crise.

Il s’appuie sur les bases de données et registres dont disposent les sociétés savantes qui peuvent partager leurs données, sur la base du volontariat.

Il coordonne les comités de reprise des soins placés dans chaque agence régionale de santé associant l’ensemble des parties impliquées dans la prise en charge médicale et paramédicale : centres hospitaliers universitaires, centres hospitaliers, représentants des médecins libéraux généralistes et spécialistes, pharmaciens d’officines, infirmiers à domicile, laboratoires d’analyses médicales, kinésithérapeutes. Ce comité est chargé d’œuvrer à la bonne reprise des soins, tout en tenant compte de la circulation du covid‑19 dans la région, et en s’assurant d’une bonne coordination public‑privé, en s’inspirant des remontées du terrain pour identifier les problèmes rencontrés, les obstacles existants à la reprise et diffuser les bonnes pratiques.

Chaque trimestre, il adresse au Parlement un rapport sur la reprise d’activité où il peut formuler des préconisations pour favoriser la reprise.


([1]) https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2020SA0048.pdf

([2]) Source : estimation réalisée par la société Edwards Lifesciences sur la base de ces données et de la base externe IHMT.

([3]) Caroline Tourbe, « Ils n’avaient pas le Covid, ils ont été abandonnés… », Le Point, 18 juin 2020.