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N° 3290

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 août 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un congé de parenté égalitaire et effectif,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume CHICHE, Delphine BAGARRY, Delphine BATHO, Émilie CARIOU, Annie CHAPELIER, Yolaine de COURSON, Jennifer De TEMMERMAN, Paula FORTEZA, Albane GAILLOT, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Sébastien NADOT, Matthieu ORPHELIN, Aurélien TACHÉ, Frédérique TUFFNELL, Cédric VILLANI, Sandrine JOSSO, Nicole SANQUER, Martine WONNER, Loïc PRUD’HOMME, Bastien LACHAUD, Mathilde PANOT, JeanCharles LARSONNEUR, Manuéla KÉCLARDMONDÉSIR, FrançoisMichel LAMBERT, Olivier FALORNI, Gabriel SERVILLE,  JeanHugues RATENON, François RUFFIN,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis 2002, en plus des 3 jours de congés dont bénéficient l’ensemble des salariés lors de la naissance d’un enfant, le père salarié peut profiter d’un congé de paternité de 11 jours ou de 18 jours en cas de naissances multiples. 7 pères sur 10 qui en avaient la possibilité ont fait le choix de prendre ce congé de paternité. Il est aujourd’hui possible d’affirmer que ce dispositif connait un succès à géométrie variable en fonction du statut et des catégories professionnelles.

Ce dispositif a par la suite été étendu aux familles homoparentales. En effet, depuis 2013, la personne qui vit maritalement avec la personne qui accouche peut, quel que soit son sexe ou son lien de filiation avec l’enfant, bénéficier de ce congé ; on parle alors de congé d’accueil de l’enfant.

Alors que nous évoluons dans une société où l’égalité effective est recherchée, où les discriminations liées à l’identité de genre sont légitimement dénoncées, il parait fondamental qu’une réforme du congé de paternité soit envisagée par le biais de cette proposition de loi.

En effet, le dispositif actuel est particulièrement insuffisant et engendre des conséquences dramatiques notamment en termes d’inégalités sociales et économiques. Ces dernières sont triples.

Elles concernent à la fois les disparités que l’on retrouve sur le marché du travail entre les femmes et les hommes, tout comme celles qui existent au sein de la sphère privée.

Enfin ce dispositif n’est pas inclusif et ne prend pas en considération les réalités des familles homoparentales.

Alors que le projet de loi relatif à la bioéthique vient d’être examiné en seconde lecture par notre assemblée et que les rapports en matière de politique familiale sont nombreux à militer pour une reconnaissance de l’ensemble des familles, il est aujourd’hui encore plus qu’hier, nécessaire que nous prenions connaissance des problèmes que pose le congé de paternité.

En effet, la notion de « famille » évolue et il est nécessaire que le droit prenne en considération ces évolutions et soit davantage inclusif.

Par conséquent, il est primordial que le terme de congé de paternité soit modifié au profit d’une dénomination plus neutre à savoir le congé de parenté.

Au‑delà de la question terminologique, le congé de paternité doit être réformé sur le fond. Ainsi, cette proposition de loi souhaite qu’il y ait une répartition au sein du couple de la charge mentale, physique et organisationnelle liée au mode de garde lors de l’arrivée d’un enfant, ce qui est pour l’heure principalement réservée à la personne qui accouche.

Nombreux sont les éléments qui militent en faveur de l’allongement de ce congé. Premièrement, il est important d’indiquer que l’extension de ce congé est un dispositif réclamé, depuis de nombreuses années, par les pères et plus généralement par les parents. Parallèlement, les entreprises sont prêtes, aujourd’hui, à entendre ces revendications. Nombreuses sont celles qui se sont déjà exprimées en ce sens et qui n’ont pas attendu que le législateur s’empare du sujet pour étendre la durée de ce congé.

Enfin, les femmes subissent actuellement, seules, les conséquences professionnelles liées à l’arrivée d’un enfant. En effet, alors que l’une, si ce n’est la principale raison, de la cessation d’activité des femmes est le fait qu’elles s’occupent du ou de leurs enfants, il semble nécessaire qu’une réforme soit entreprise pour qu’il y ait une meilleure répartition au sein des couples des conséquences professionnelles que peuvent engendrer l’arrivée d’un enfant.

Alors que nombreux sont les Françaises et les Français qui aspirent à un nouveau modèle de coparentalité, cette proposition de loi est une première étape.

En effet, nous souhaitons étendre l’actuel congé de paternité à 12 semaines dont 8 qui seraient obligatoires. Cela permettrait à la fois de mettre un terme aux discriminations à l’embauche que les femmes subissent du fait de leur sexe et de la capacité qu’elles ont de pouvoir porter un enfant ; mais également d’aplanir les distorsions qui existent entre les femmes et les hommes.

Aujourd’hui, le statut parental d’une femme constitue un facteur de discrimination dans l’avancement de sa carrière, et cela ne semble pas évoluer avec le temps ; c’est pour cette raison qu’il convient de légiférer sur la question.

Au‑delà, de la question de l’épanouissement professionnel et des discriminations à l’embauche, la faible répartition des tâches entre les parents a des conséquences au moment de la retraite notamment, car cela constitue souvent une fracture au sein du parcours professionnel de la femme qui a accouché.

Cette mesure vise à aider l’ensemble des salarié.e.s à pouvoir concilier à la fois leur vie personnelle et leur vie professionnelle.

En ce sens, la présente proposition de loi souhaite, par le biais de l’article unique créer un congé de parenté dont la durée est de douze semaines, dont huit obligatoires et de treize semaines en cas de naissances multiples.

De plus, cette proposition de loi s’intéresse au financement de cette extension. En effet, le congé de paternité est aujourd’hui intégralement pris en charge par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et nous souhaitons que le congé de parenté suive la même voie.

Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales sur le sujet, publié en 2018 préconisait un allongement de la durée du congé paternité à 6 semaines, qui impliquerait un coût d’1,2 milliard d’euros à la CNAF.

Ce chiffre donne une estimation de base aux dispositions de la présente proposition de loi. Par conséquent, il était essentiel de gager cette proposition de loi à l’aide d’une majoration des droits qui sont mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


proposition de loi

Article unique

I. – Dans toutes les dispositions de nature législative, les mots : « congé de paternité » sont remplacés par les mots : « congé de parenté » et les mots : « congés de paternité » sont remplacés par les mots : « congés de parenté ».

II. – L’article L. 1225‑35 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « onze jours consécutifs » sont remplacés par les mots : « douze semaines consécutives » et les mots : « dix‑huit jours consécutifs » sont remplacés par les mots : « treize semaines consécutives » ;

2° Le même premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le salarié est obligé de prendre au moins huit semaines de congé de parenté et il ne peut y renoncer. » ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions sont applicables à l’ensemble des assurés, quel que soit le genre de la personne concernée ou le mode de conception de l’enfant. »

III. – L’article L. 331‑8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « onze jours consécutifs » sont remplacés par les mots : « douze semaines consécutives » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « dix‑huit jours consécutifs » sont remplacés par les mots : « treize semaines consécutives » ;

3° Le même deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces dispositions s’appliquent à l’ensemble des assurés indifféremment du genre de la personne concernée, ou du mode de conception de l’enfant. »

IV. – Le premier alinéa du b du 5° de l’article 34 de la  loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est ainsi rédigé :

« Au congé de parenté et d’accueil de l’enfant, avec traitement, d’une durée de douze semaines consécutives. En cas de naissances multiples, la durée du congé est de treize semaines consécutives. La durée du congé ne peut être inférieure à huit semaines. »

V. – Le premier alinéa du b du 5° de l’article 57 de la loi n° 84‑53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi rédigé :

« Au congé de parenté et d’accueil de l’enfant, avec traitement, d’une durée de douze semaines consécutives. En cas de naissances multiples, la durée du congé est de treize semaines consécutives. La durée du congé ne peut être inférieure à huit semaines. »

VI. – Le premier alinéa du b du 5° de l’article 41 de la loi n° 86‑33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi rédigé :

« Au congé de parenté et d’accueil de l’enfant, avec traitement, d’une durée de douze semaines consécutives. En cas de naissances multiples, la durée du congé est de treize semaines consécutives. La durée du congé ne peut être inférieure à huit semaines. »

VII. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

VIII. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IX. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.