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N° 3307

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 septembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

permettant l’élection au suffrage universel direct des membres
du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric DIARD, Nathalie SERRE, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Fabien DI FILIPPO, Valérie BEAUVAIS, Éric PAUGET, Patrick HETZEL, Frédéric REISS, Bernard DEFLESSELLES, Charles de la VERPILLIÈRE, JeanLuc REITZER, Ian BOUCARD, Stéphane VIRY, Émilie BONNIVARD,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les 22 mars et 28 juin derniers, les Français ont participé à l’élection de leurs maires. Les Français oui, mais pas les Parisiens, ni les Lyonnais, ni les Marseillais. En effet, la loi dite « PLM » leur retire ce droit et les place dans un régime d’exception, puisqu’à Paris, Lyon et Marseille, le maire est élu par un collège électoral restreint, déterminé par les conseillers de secteurs et d’arrondissements.

Cet état d’exception s’explique par les motivations premières de la loi PLM, promulguée le 31 décembre 1982. La France s’était alors engagée dans un grand processus de décentralisation, afin de rapprocher le pouvoir des citoyens aux échelons qui convenaient le mieux, en accordant plus d’attributions aux collectivités locales. Or, dans les trois plus grandes villes de France, il était prévu de rapprocher encore plus le pouvoir des citoyens en mettant en place des mairies d’arrondissements et de secteurs, afin de permettre la création d’élus de proximité plus accessibles pour les habitants de ces grandes villes.

Si la création des mairies d’arrondissements et de secteurs est une bonne chose, il ne faut cependant pas oublier que sa contrepartie est la confiscation du pouvoir de choisir celui qui sera son maire par les conseillers d’arrondissements. En effet, ces derniers sont les seuls à déterminer la composition des conseils municipaux, et non les électeurs comme c’est le cas dans toutes les autres villes de France.

Pourtant, la création des élus d’arrondissements ou de secteurs n’empêchait en rien le maintien de l’élection du conseil municipal au suffrage universel direct. Ce n’est pas le choix qui fut retenu, au détriment de la logique démocratique qui est pourtant censée primer.

Les conséquences indésirables de la loi PLM sont nombreuses. Au premier titre, on peut relever le fait que cette loi permet l’élection d’un maire qui n’a pourtant pas la majorité des suffrages exprimés en sa faveur au niveau de la ville, comme cela a été plusieurs fois le cas. Ce système, conséquence directe du « double scrutin indirect » institué par la loi PLM fait régulièrement l’objet de critiques, fondées sur l’opposition que représente ce système avec notre modèle démocratique.

En effet, dans le système de la loi PLM, les territoires ont une importance plus grande que les suffrages des citoyens. Ainsi, il vaut mieux choisir où mener sa campagne et délaisser certains secteurs afin de s’assurer la victoire, malgré un retard important de suffrages au niveau de la ville entière, car tous les bulletins ne se valent pas. Aujourd’hui, comment expliquer que tous les citoyens n’ont pas le même poids sur un même scrutin ? Pour se rendre compte de l’incohérence du système, il suffit de prendre l’exemple de Lyon, où la voix d’un habitant du quartier populaire de la Guillotière, dans le 7ème arrondissement, vaut moitié moins que celle d’un habitant de l’avenue Foch, dans le 6ème arrondissement. Comment expliquer que ces deux arrondissements bénéficient de 9 conseillers municipaux à la mairie centrale, alors que le 7ème arrondissement est peuplé de plus de 80 000 habitants et que le 6ème n’en a que 50 000 ?

Il suffit alors, pour un candidat, de faire campagne seulement en partie pour diriger une ville entière. C’est ainsi qu’à Paris, il est possible qu’un maire soit élu en étant minoritaire en voix, mais aussi en arrondissements remportés. Au cours des dernières élections, il aurait suffi qu’un candidat récolte 50,01 % des voix dans les arrondissements 10, 13, 14, 15, 16, 18, 19 et 20 (soit 8 arrondissements sur 20) sans récolter la moindre voix dans douze autres arrondissements pour obtenir 82 des 163 sièges du Conseil de Paris et ainsi se faire élire maire avec seulement 31 % du vote populaire sur l’ensemble de la ville…

Ainsi, la loi PLM favorise les campagnes électorales fondées sur la stratégie géographique plutôt qu’essayer de convaincre les électeurs.

On se retrouve donc face à un système où il est préférable de faire campagne dans son propre camp pour renforcer son fief, au détriment des autres secteurs, ce qui favorise le clivage et l’opposition entre les quartiers d’une même ville, alors que les élections doivent être un grand moment de discussion citoyenne afin de réunir le maximum de personnes derrière un même projet pour l’avenir d’une ville.

Cela a également des conséquences indésirables sur la participation citoyenne aux élections. En effet, un électeur opposé à la politique menée par le maire de la commune, alors qu’il habite dans un secteur qui lui est acquis, a ainsi tendance à considérer que sa participation au scrutin n’aura aucune influence sur le collège électoral de son secteur et donc pour la ville. Ceci favorise donc l’abstention, à un moment où il est au contraire nécessaire pour notre société de s’intéresser aux causes du désintérêt citoyen vis‑à‑vis des élections.

De plus, la loi PLM apporte un nouvel effet indésirable en matière de gestion communale. En effet, pour être maire, il est d’abord nécessaire de se faire élire conseiller d’arrondissement, puis conseiller municipal par le conseil de secteur ou d’arrondissement, avant de se faire enfin élire maire par le conseil municipal. Ainsi, un maire qui doit d’abord être l’élu d’un secteur peut‑il être le maire de tous les habitants de sa ville, et pas seulement celui des électeurs de son quartier d’origine ? Quoi qu’il en soit, cela contribue à l’enfermement des candidats dans leurs postures aussi bien que dans leurs fiefs, alors que les élections doivent rester une invitation au dialogue et au lien social.

Dans notre système démocratique, cet état de fait qui favorise la stratégie électorale et géographique est en totale contradiction avec le respect du vote de nos concitoyens. C’est pourquoi la présente proposition de loi prévoit la suppression du « double scrutin indirect » pour l’élection du conseil municipal, sans pour autant supprimer les mairies d’arrondissements et de secteurs afin de conserver cet échelon de démocratie locale.

Il est ainsi proposé de faire figurer sur le même bulletin de vote, sur la liste des candidats au conseil d’arrondissement ou de secteur, les noms de ceux qui sont candidats au poste de conseiller municipal. L’attribution des sièges au conseil municipal sera déterminée non à l’échelle de l’arrondissement ou du secteur, mais bien à l’échelle de la commune, afin de permettre l’élection d’un conseil municipal dont la composition reflète le souhait de tous les électeurs de la commune, et non celle des électeurs de seulement certains quartiers.

Les élections municipales font partie des élections les plus sollicitées par les Français. Il est ainsi proposé de sortir les plus de deux millions d’électeurs parisiens, lyonnais et marseillais de l’état d’exception dans lequel ils sont placés depuis près de quarante ans, en leur permettant d’élire directement leurs conseils municipaux, comme le font tous les six ans les près de quarante millions d’autres électeurs.


proposition de loi

Article 1er

Après le mot : « élus », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 261 du code électoral est ainsi rédigée : « suivant les modalités déterminées par les articles L. 272‑7 à L. 272‑9du présent code. »

Article 2

Le chapitre IV du titre IV du livre Ier du code électoral est complété par des articles L. 272‑7 à L. 272‑9 ainsi rédigés :

« Art. L. 2727. – Les membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille sont élus parmi les candidats aux élections des conseils d’arrondissement ou de secteur, lesquels sont déterminés par les tableaux n° 2, 3 et 4 annexés au présent code.

« Nul ne peut être membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou de Marseille s’il n’est pas conseiller d’arrondissement ou de secteur.

« Art. L. 2728.  Les sièges du Conseil de Paris ou des conseils municipaux de Lyon ou de Marseille sont répartis entre les listes par application aux suffrages exprimés lors de cette élection des règles prévues à l'article L. 262. Pour chacune des listes, les sièges sont attribués dans l’ordre de présentation des candidats.

« Lorsque, en application du premier alinéa du présent article, un siège est attribué à un candidat non élu conseiller de secteur ou conseiller d’arrondissement, celui‑ci est remplacé par le premier conseiller de secteur ou conseiller d'arrondissement de même sexe élu sur la liste correspondante des candidats au siège de conseiller de secteur ou d’arrondissement, non élu membre du Conseil de Paris ou des conseils municipaux de Lyon ou de Marseille.

« Art. L. 2729.  I.  La liste des candidats aux sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou Marseille figure de manière distincte sur le même bulletin que la liste des candidats au conseil de secteur ou d’arrondissement dont elle est issue.

« Sous réserve du II, la présentation de la liste des candidats au conseil de secteur ou d’arrondissement et au Conseil de Paris ou au conseil municipal de Lyon ou Marseille est soumise aux règles suivantes :

« 1° La liste des candidats aux sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou Marseille comporte un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir, augmenté de cinq candidats supplémentaires ;

« 2° Les candidats aux sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou Marseille figurent dans l’ordre de présentation dans lequel ils apparaissent sur la liste des candidats au conseil municipal ;

« 3° La liste des candidats aux sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou Marseille est composée alternativement de candidats de chaque sexe ;

« 4° Tous les candidats présentés dans le premier quart de la liste des candidats aux sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou Marseille doivent figurer, de la même manière et dans le même ordre, en tête de la liste des candidats au conseil de secteur ou d’arrondissement ;

« 5° Tous les candidats aux sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou Marseille doivent figurer au sein des trois premiers cinquièmes de la liste des candidats au conseil municipal.

« II.  Lorsque le nombre de sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou Marseille à pourvoir, augmenté en application du 1° du I, excède les trois cinquièmes du nombre de sièges de conseiller de secteur ou d’arrondissement à pourvoir, la liste des candidats aux sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou Marseille reprend l'ordre de présentation de la liste des candidats au conseil municipal. »