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N° 3337

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 septembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

relative à la mobilisation durable et équilibrée de la ressource en eau,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire , à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Olivier GAILLARD, Françoise DUMAS, Benoit SIMIAN, Danièle HÉRIN, Olivier DAMAISIN, Carole GRANDJEAN, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les périodes de sécheresse récurrentes et le stress hydrique soumettent l’agriculture à rude épreuve et compromettent, à terme, la viabilité de nombreuses exploitations dans de nombreux départements. Les résultats de l’étude Explore 2070 lancée en 2010 ont montré une forte probabilité que l’année quinquennale sèche (année sèche de période de retour cinq ans) telle que nous la connaissons aujourd’hui devienne l’année normale en 2070. Toutes les régions structurellement déficitaires aujourd’hui devraient voir ainsi leurs déficits s’aggraver et de nombreuses régions, non déficitaires aujourd’hui (hormis éventuellement en année sèche) verraient apparaître des déficits structurels.

Partant de ce constat préoccupant, le Gouvernement a lancé un plan d’actions sur la gestion quantitative de l’eau en août 2017, reposant sur un double objectif : développer une agriculture économe et la mise en place de solutions de stockage. L’irrigation doit permettre un accès plus sécurisé à la ressource et son utilisation durable.

Les réductions de prélèvement d’eau jusqu’à leur interdiction pour certains usages sont devenues habituelles. Sans solution de substitution, l’agriculture, première concernée, s’en accommode guère car les baisses de productions et les pertes économiques se cumulent d’année en année.

Le dossier de l’eau d’irrigation profite peu des affrontements idéologiques. La place de l’irrigation fait l’objet de dogmes caricaturaux et de trop peu de dialogue. Sont manifestement insuffisantes, la connaissance mutuelle et le dialogue entre le pilier environnemental du développement durable et les piliers économiques et sociaux, en particulier dans les zones où se conjuguent des étiages estivaux sévères et de l’irrigation ou une demande d’irrigation récentes.

Cet état de fait nous éloigne d’une approche de l’agriculture définie comme une science à la fois empirique et expérimentale destinée à réduire les aléas menaçant la production agricole et les équilibres écologiques.

Pourtant, l’irrigation est la meilleure des « assurances récolte ». Mais c’est sur la durabilité économique des filières, la sécurisation des débouchés, que l’irrigation apporte le plus. En permettant un juste équilibre entre les cultures d’hiver et d’été, elle assure aux organismes stockeurs (coopératives et négoces), l’étalement de la collecte sur les trois périodes de moisson, l’optimisation de ses coûts de stockage, l’amortissement de ses installations et un fret régulier pour les entreprises de transport. Elle favorise aussi une meilleure pérennité des débouchés commerciaux par une production stable en quantité comme en qualité.

Dans les situations de pénurie d’eau pour cause de sécheresse, le code de l’environnement donne une priorité aux besoins pour des enjeux de santé, de sécurité civile, d’approvisionnement en eau potable et de préservation des écosystèmes aquatiques. Une stratégie insuffisante à long terme si elle n’intègre pas la recherche de solutions adaptées à la pérennisation d’activités agricoles engagées dans la transition vers des modes de productions plus économe en eau et en produits chimiques.

Le plan gouvernemental d’août 2017 a témoigné d’une volonté politique forte de prendre en compte les changements de long terme pour préserver durablement, tout autant les ressources naturelles que les activités agricoles structurantes de nos territoires, barrières à l’urbanisation galopante. Pour cela, les ressources en eau ne peuvent faire l’objet d’une approche législative et réglementaire prohibitive des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux.

Le développement de l’offre en eau passera essentiellement par la création de retenues d’eau qui font l’objet d’autorisations dites « loi sur l’eau ». Il s’agit de créer des retenues de substitution qui permettront de stocker de l’eau d’hiver pour l’utiliser en période d’irrigation, en substitution aux prélèvements estivaux effectués dans le milieu. La mise en œuvre de ces projets se conçoit selon une stratégie déclinée et structurée dans chaque territoire, diligentée avec l’ensemble des acteurs locaux.

Dans les territoires, cette stratégie ne pourra effectivement se décliner en pratique, de manière équilibrée entre les objectifs et de manière efficiente, qu’à condition que prennent fin les jurisprudences fluctuantes, tantôt rigidifiant, tantôt assouplissant l’application des règles en vigueur. L’exécution de ce plan d’une agriculture économe en eau et bénéficiant de solutions de stockage, requiert de la sécurité juridique plutôt que des procédures contentieuses administratives à rallonge. Au cours de ces dernières, il n’est pas rare que les juges du fond interprètent le rapport de compatibilité en excluant toute atteinte aux objectifs de limitation du volume des réserves nouvellement créées.

C’est précisément parce que la législation comporte un flou à ce niveau que l’interprétation des décisions administratives et juridictionnelles prises à l’aune des Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux et Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau, peuvent tout autant donner lieu à une approche restrictive, qu’à une approche plus extensive de l’autorisation de la mise en place de projets de stockage en vertu d’une théorie du bilan. Compte tenu des déficits hydriques, et sans remise en cause du principe d’une consommation économe des ressources en eaux, on ne peut plus se borner à confronter les projets des réserves litigieux à la seule disposition du schéma limitant le volume des réserves nouvellement créées. Tel a été le sens d’une décision récente du Conseil d’État. C’est à cet objet de clarification et de sécurisation juridique que répondent les articles 1 et 2 de la présente proposition de loi. Larticle 3 a vocation à faire figurer, au sein des schémas directeurs et d’aménagement et de gestion des eaux, l’objectif précis de stockage de l’eau à poursuivre, et ce de manière à répondre aux objectifs de l’article L. 211‑1 du code de l’environnement, qui définit ce qu’est une gestion équilibrée de la ressource en eau, à savoir notamment : « la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales. » Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, outils principaux de la politique de l’eau, doivent permettre de poursuivre cet objectif, et non pas d’en freiner les avancées, comme c’est le cas aujourd’hui, avec des mesures limitant fortement la réalisation d’ouvrages de stockage d’eau. Larticle 4 a pour objet de tenir compte, dans la loi, de la généralisation des projets de territoires portée par l’instruction du Gouvernement de mai 2019.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 212‑5‑2 du code de l’environnement est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Ce rapport de compatibilité s’apprécie à l’échelle du territoire pertinent, bassin ou sous‑bassin, et au regard de l’ensemble des objectifs fixés par les schémas.

« Les décisions applicables dans le périmètre défini par un schéma, prises dans le domaine de l’eau, doivent traduire une conciliation entre les dispositions du schéma, et ne sont pas exclusives de toute contrariété avec l’un des objectifs du document.

« Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma, prises dans le domaine de l’eau, ne doivent pas, en principe, s’écarter des orientations dudit schéma sauf pour un motif tiré de l’intérêt de l’opération envisagée et dans la mesure où ce motif le justifie. »

Article 2

Le XI de l’article L. 212‑1 du code de l’environnement est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Ce rapport de compatibilité s’apprécie à l’échelle du territoire pertinent, bassin ou sous‑bassin, et au regard de l’ensemble des objectifs fixés par les schémas.

« Les décisions applicables dans le périmètre défini par un schéma, prises dans le domaine de l’eau, doivent traduire une conciliation entre les dispositions du schéma, et ne sont pas exclusives de toute contrariété avec l’un des objectifs du document.

« Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma, prises dans le domaine de l’eau, ne doivent pas, en principe, s’écarter des orientations dudit schéma sauf pour un motif tiré de l’intérêt de l’opération envisagée et dans la mesure où ce motif le justifie. »

Article 3

Le IV de l’article L. 212‑1 du code de l’environnement  est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Aux enjeux particuliers de la production agricole notamment en matière de stockage de l’eau, comme mentionné au 5° bis de l’article L. 211‑1.  »

Article 4

L’article L. 212‑3 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le schéma d’aménagement et de gestion des eaux intègre et se met compatibilité avec les documents de planification stratégique et projets de territoires pour la gestion de l’eau dans les trois mois suivant leur adoption ou mise à jour. »