N° 3375
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2020.
PROPOSITION DE LOI
visant à améliorer les conditions d’accès à l’interruption volontaire de grossesse,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Marie‑Pierre RIXAIN, Marie‑Noëlle BATTISTEL, Cécile MUSCHOTTI, Sophie PANONACLE, Guillaume GOUFFIER‑CHA, Bérangère COUILLARD, Mickaël NOGAL, Josy POUEYTO, Erwan BALANANT, Sonia KRIMI, Philippe DUNOYER, Laëtitia ROMEIRO DIAS, Céline CALVEZ, Laurence GAYTE, Nicole LE PEIH, Mustapha LAABID, Fiona LAZAAR, Guillaume CHICHE, Isabelle RAUCH, Gaël LE BOHEC,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale a adopté le 16 septembre le rapport d’information n° 3343 de Mmes Marie‑Noëlle Battistel et Cécile Muschotti, relatif à l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Ce rapport a permis d’identifier les freins persistant aujourd’hui encore dans l’accès à ce droit, reconnu pourtant depuis 45 ans, et dont un certain nombre sont de nature législative. Cette proposition de loi vise à lever ces obstacles, conformément aux recommandations du rapport adopté par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes et à la suite des travaux de la Délégation sur les conditions d’accès aux droits sexuels et reproductifs en période de crise sanitaire.
Les propositions portées par ce texte sont essentiellement de deux ordres :
– celle améliorant les droits des patientes, avec l’allongement de deux semaines du délai de recours de l’IVG ;
– celles concernant les professionnels de santé, avec la clarification de la dite « double clause de conscience » ainsi que l’ouverture aux sages‑femmes de la faculté de pratiquer les IVG chirurgicales.
La loi n° 2001‑588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception a modifié l’article L. 2212‑1 du code de la santé publique pour porter le délai autorisant la pratique de l’IVG de la 10ème à la 12ème semaine de grossesse. Or les travaux des rapporteures ont mis en lumière le fait que plusieurs milliers de Françaises se rendent chaque année à l’étranger, principalement aux Pays‑Bas, en Espagne et au Royaume‑Uni, afin de pratiquer une IVG au‑delà de douze semaines de grossesse. Cette situation s’explique pour partie par une offre de soins sous tension, voire localement insuffisante en France. La crise sanitaire et la période de confinement ont également illustré ces difficultés. Il est donc proposé de permettre l’allongement du délai de recours à l’IVG de deux semaines supplémentaires.
Instauré par la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, le système de « double clause de conscience » correspond à la superposition d’une clause de conscience générale, de nature réglementaire, inscrite à l’article R. 4127‑328 du code de la santé publique, qui autorise les médecins à s’abstenir de pratiquer un acte médical et d’une clause spécifique à l’IVG, de nature législative, inscrite à l’article L. 2212‑8 du même code. La rédaction de cet article visait à rassurer les praticiens et à offrir une garantie aux patientes, en rappelant cette faculté en matière d’IVG et en conditionnant l’exercice de cette clause de conscience à une obligation d’information et d’orientation des patientes. Sa rédaction est la suivante : « Un médecin ou une sage‑femme qui refuse de pratiquer une interruption volontaire de grossesse doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages‑femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l’article L. 2212‑2 ».
Conformément aux avancées intervenues en matière d’IMG lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi n° 2658 relatif à la bioéthique, cette proposition de loi prévoit de substituer à la rédaction actuelle de l’article L. 2212‑8 du code de la santé publique, redondante, une rédaction reposant sur l’obligation d’information et d’orientation des patientes. La rédaction proposée ne doublonne ni ne contredit la clause de conscience prévue à l’article R. 4127‑328 du même code mais elle en tire les conséquences.
Les travaux des rapporteures ont également mis en lumière la nécessité de renforcer l’offre médicale. L’une des pistes consiste à permettre aux sages‑femmes de pratiquer des IVG chirurgicales. En l’état, la rédaction de l’article L. 2213‑1 du code de la santé publique ne les autorise à pratiquer que les seules IVG médicamenteuses. La présente proposition de loi vise à lever cette restriction, la détermination des conditions de réalisation des IVG chirurgicales (en termes de formation, de conventionnement avec un établissement de santé, ou encore de délais) relevant du pouvoir réglementaire.
Description des articles :
L’article 1er vise à allonger de la 12ème à la 14ème semaine, le délai légal autorisant la pratique d’une IVG.
L’article 2 vise à étendre la compétence des sages‑femmes en matière d’IVG en leur permettant également de les pratiquer par voie chirurgicale.
L’article 3 prévoit la suppression de la double clause de conscience en matière d’IVG.
L’article 4 prévoit le gage des dépenses éventuellement occasionnées par ces mesures pour les organismes de sécurité sociale.
proposition de loi
Article 1er
À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2212‑1 du code de la santé publique, le mot : « douzième » est remplacé par le mot : « quatorzième ».
Article 2
Au premier alinéa de l’article L. 2212‑2 du code de la santé publique les mots : « , pour les seuls cas où elle est réalisée par voie médicamenteuse, » sont supprimés.
Article 3
L’article L. 2212‑8 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Un médecin ou une sage‑femme qui refuse de pratiquer une interruption volontaire de grossesse doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages‑femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l’article L. 2212‑2 » ;
2° Au début du deuxième alinéa, les mots : « Aucune sage‑femme, » sont supprimés.
Article 4
La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.