Description : LOGO

N° 3424

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire les interruptions médicales de grossesse
au titre d’une détresse psychosociale,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme MarieFrance LORHO,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’occasion de la discussion du projet de loi de bioéthique, un amendement passé dans la nuit du 31 juillet au 1er août a ouvert la porte à une dérive grave et injustifiée : à l’article 20, il a ainsi été ajouté la possibilité pour une femme de procéder à un avortement jusqu’au 9e mois de grossesse, au titre de la « détresse psychosociale » dont la femme ferait l’objet.

Interruptions médicales de grossesse (IMG) en France : état des lieux 

L’interruption médicale de grossesse n’est pratiquée qu’en cas de péril encouru par la mère. L’Agence de la biomédecine indique que les IMG sont majoritairement liées à l’état de santé du fœtus, représentant en 2016 5 % des 7 366 cas. Néanmoins, dans certaines situations la femme enceinte a subi des violences physiques ou psychologiques, à l’exemple des viols et des incestes. Il est néanmoins des cas où ces IMG pourraient cependant être largement évitées, notamment les cas de femmes vivant en grande précarité, qui peuvent bénéficier de soutien financier dont elles ne connaissent souvent pas tous les ressorts. La prise de décision pour une IMG revient à un collège de médecins, de psychologues et d’assistants sociaux. Les cas d’interruptions médicales de grossesse comportent donc déjà des aspects complexes, auxquels l’adjonction de la notion de détresse psychosociale n’apporte rien.

La notion contestable de « détresse psychosociale »

La détresse psychosociale ne comporte pas de définition précise. Au titre de l’affirmation de l’égalité de traitement sur le territoire, l’inscription de cette disposition dans la loi vient ajouter à la confusion entre les cas d’IMG et d’IVG. Une approximation qui peut s’avérer particulièrement douloureuse pour les femmes, tout avortement engendrant des souffrances physiques et psychologiques pour la personne qui le subit. Destinée selon Israël NISAND, président du Conseil National des Gynécologues Obstétriciens à « rappeler aux gynécologues que le péril peut ne pas être que physique », cette notion n’apparaît donc que comme un dispositif proposé pour le corps médical et paramédical inscrits dans cette démarche. Par ailleurs, il s’agit d’un dispositif dangereux, tant la mesure du niveau de détresse semble difficile à réaliser. Comme le soulignait le délégué général d’Alliance Vita, cette mesure risque d’engendrer « une disparition de l’existence d’un délai dans la tête des Français » et « une banalisation de l’IMG dans une société qui n’accepte plus les difficultés et pense ainsi effacer tout problème ». Le défenseur de l’amendement même a reconnu que la définition d’une telle notion devait être proposée.

Proposer la possibilité d’avorter jusqu’à neuf mois, au motif d’une détresse psychosociale est particulièrement dangereux dans la mesure où l’opération subie par la femme à un stade avancé de la grossesse risque d’être vécu comme un épisode éminemment particulièrement traumatisant pour la femme. Le dépôt d’un tel amendement, qui ne répond en aucun cas aux origines des ambivalences entourant l’IMG et n’apparaît pour l’heure que comme un cavalier législatif contestable.

 


proposition de loi

Article unique

Le premier alinéa de l’article L. 2213‑1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle ne peut être pratiquée au titre de la détresse psychosociale dont souffrirait la femme enceinte ».