Description : LOGO

N° 3428

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la prise en charge des mineurs non accompagnés,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par mesdames et messieurs

Éric CIOTTI, Damien ABAD, Vincent DESCOEUR, Arnaud VIALA, Robin REDA, Bernard BROCHAND, Julien DIVE, Patrick HETZEL, Nicolas FORISSIER, Raphaël SCHELLENBERGER, Annie GENEVARD, Virginie DUBYMULLER, Brigitte KUSTER, Valérie BAZINMALGRAS, Martial SADDIER, Frédéric REISS, Robert THERRY, Stéphane VIRY, Alain RAMADIER, Sébastien HUYGHE, Constance LE GRIP, Michel HERBILLON, Marc LE FUR, Antoine SAVIGNAT, Bérengère POLETTI, Sandrine BOËLLE, Frédérique MEUNIER, Bernard DEFLESSELLES, PierreHenri DUMONT, Charles de la VERPILLIÈRE, Anne-Laure BLIN, Bernard PERRUT, Geneviève LEVY, Pierre CORDIER, Édith AUDIBERT, Olivier DASSAULT, Émilie BONNIVARD, Bernard BOULEY, Laurence TRASTOURISNART, JeanPierre DOOR, Mansour KAMARDINE, Jacques CATTIN, JeanLouis THIÉRIOT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) évalués comme tels et pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance des Départements a considérablement progressé depuis 2015 avec un triplement des effectifs entre 2016 et 2018. Il s’agit à 95 % de garçons ; beaucoup d’entre eux proviennent d’Afrique subsaharienne.

Les MNA représentent aujourd’hui entre 15 % et 20 % des mineurs pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Le coût moyen de la prise en charge au titre de l’ASE est estimé en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an, couvrant le logement, la nourriture, les frais d’éducation et de formation.

Au total, l’accueil et la prise en charge de plus de 40 000 mineurs représentaient à la fin de l’année 2018 un coût financier de deux milliards d’euros à la charge des Départements. Ces derniers, désignés comme unique entité devant assurer la prise en charge de ce public, sont responsables de la mise à l’abri de ces personnes, de leur évaluation à la minorité et à l’isolement, et, sur décision de justice, de leur prise en charge dans le cadre de la protection des enfants confiés. Ainsi, l’État fait supporter aux seuls départements l’accueil des MNA et la quasi‑intégralité de son coût, considérant que cette mission relève entièrement de la protection de l’enfance.

Or, les départements ne disposent d’aucune marge de manœuvre pour réguler les flux entrants de mineurs étrangers et isolés. En effet, la gestion des flux migratoires est une compétence régalienne, qui impose à l’État d’assurer le contrôle des frontières et la négociation, le cas échéant, des traités européens et des accords bilatéraux avec les pays d’origine des migrants

Le premier objectif de la proposition de loi est par conséquent de rendre à l’État la responsabilité, l’organisation et le financement de la mise à l’abri et de l’évaluation de minorité des migrants (article 1er). Cela correspondant d’ailleurs à l’annonce du Premier ministre en 2017.

En outre, les Départements demeurent largement démunis face à des arrivées massives. En particulier, la vérification de la minorité présente une demande particulièrement complexe. Plus globalement, le statut de MNA étant particulièrement protecteur, les fraudes se sont multipliées. L’attentat perpétré le 25 septembre dernier, par un Pakistanais admis en France en 2018 comme mineur non accompagné, illustre les abus existants puisque l’auteur de ces faits graves n’est pas né en 2002 comme il l’a prétendu à son arrivée sur le territoire mais en 1995 et est donc âgé de 25 ans.

Actuellement, les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Cela apparait trop restrictif.

L’article 2 prévoit que ces tests peuvent également être réalisés à la demande du préfet. Il est en outre prévu d’instaurer une présomption de majorité lorsqu’un individu souhaitant être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance refuse de se soumettre à des examens radiologiques osseux. En effet, un tel refus doit être appréhendé comme un « aveu tacite de majorité ». Cette disposition se justifie d’autant plus que l’article 388 du code civil prévoit que « les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé ».

Parallèlement, les Départements font face à un important nombre d’admissions de MNA à l’aide sociale à l’enfance après décision judiciaire. Dans un grand nombre de cas, le juge des enfants ne tient pas compte des évaluations du Conseil départemental. Il peut ainsi prononcer des ordonnances de placement qui s’imposent à l’autorité administrative malgré une évaluation départementale concluant à la majorité. Pour y remédier, l’article 3 prévoit que le juge saisi par un étranger en cas de refus du Conseil départemental d’admettre le mineur au sein de l’ASE ne pourra, sauf décision spécialement motivée, contredire les évaluations du Conseil départemental s’agissant de la majorité de l’individu en cause.

Ensuite, la procédure applicable aux MNA est détournée par des réseaux de passeurs. Actuellement, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. L’article 4 propose de doubler ces sanctions lorsque les passeurs détournent la procédure réservée aux mineurs non accompagnés afin de faciliter l’entrée d’un étranger en France.

Enfin, il est indispensable d’imposer la tenue d’un fichier biométrique destiné à mieux détecter et lutter contre ceux qui détournent les procédures légales d’immigration. Actuellement, l’article L. 611‑6‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés de la protection de leur famille peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé. Cela semble insuffisant au regard des enjeux en cause. Aussi, l’article 5 propose de créer un fichier national biométrique des personnes déclarées majeures à l’issue de leur évaluation par un département. L’objectif est d’empêcher une personne reconnue majeure par un premier département de solliciter l’aide sociale à l’enfance dans un second département et éviter ainsi tout détournement du système.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 228‑3 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception, la prise en charge et les dépenses résultant de la prise en charge des mineurs non accompagnés relèvent de la compétence de l’État ».

Article 2

I. – Au deuxième alinéa de l’article 388 du code civil, après le mot : « judiciaire » sont insérés les mots : « ou du préfet territorialement compétent »

II. – Après le deuxième alinéa de l’article 388 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le refus de procéder à des examens radiologiques osseux entraine une présomption de majorité »

Article 3

L’article 375 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge pour enfant saisi en cas de refus du Conseil départemental d’admettre le mineur au sein de l’aide sociale à l’enfance, ne pourra, sauf décision spécialement motivée, contredire les évaluations du conseil départemental s’agissant de la majorité de l’individu en cause »

Article 4

L’article L. 622‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les sanctions sont portées à dix ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende lorsqu’il fait un usage abusif de la procédure prévue pour les mineurs non accompagnés »

Article 5

L’article L. 611‑6‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :

« Afin de garantir la protection de l’enfance aux mineurs étrangers privés temporairement ou définitivement de leur famille et de lutter contre l’entrée et le séjour irrégulier en France, le ministère de l’intérieur est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel collectées au cours de l’accueil et de la prise en charge des étrangers reconnus majeurs par les services départementaux en charge de la protection de l’enfance. Ce traitement automatisé de données comprend :

« 1° Les résultats de l’évaluation sociale mentionnée à l’article L. 221‑2‑2 du code de l’action sociale et des familles ;

« 2° Les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des personnes concernées, qui peuvent être relevées et mémorisées ;

« 3° Le cas échéant, les résultats des examens radiologiques réalisés sur décision judiciaire en application du deuxième alinéa de l’article 388 du code civil

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les catégories de personnes pouvant être destinataires des données et avoir accès au traitement mentionné au présent article, les modalités d’exercice des droits des personnes concernées et la durée de conservation desdites données. »

Article 6

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.