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N° 3437

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2020.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

relative à la prise en compte des objectifs de développement durable
et des indicateurs de suivi de l’Institut national de la statistique
et des études économiques dans les études d’impact des projets de loi
et dans le processus budgétaire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Jennifer De TEMMERMAN,

députée.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi organique est issue d’une réflexion approfondie sur la société dans laquelle nous souhaitons vivre. Construite autour de la notion de développement durable telle que définie dans Notre avenir à tous (Our Common Future), publication de 1987 plus communément connue sous le nom de rapport Brundtland. « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de “besoins”, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. ». Cette notion de développement durable va bien plus loin qu’un seul engagement environnemental auquel elle est trop souvent réduite, car elle comporte des aspects certes environnementaux, mais également sociaux et économiques.

Alors que la pandémie de covid‑19 est toujours présente sans que l’on sache pour combien de temps encore, la question n’est pas de savoir quand de nouvelles catastrophes se produiront, mais comment réunir toutes les conditions pour éviter au maximum des situations similaires. Le choc de la pandémie nous a montré que nous pouvons faire les choses autrement. Pendant le confinement, les émissions de CO2 et les pollutions ont chuté. La faune a repris ses droits parfois jusque dans nos villes. La reprise économique sur les mêmes bases qu’avant n’est pas un remède durable au changement climatique ni à l’effondrement de la biodiversité. Une relance aveugle pour revenir à la « normalité » rattrapera rapidement les tonnes d’émissions polluantes évitées et nous replongera encore dans nos travers.

Le confinement a exacerbé les inégalités entre ceux qui doivent tenir les professions essentielles à la vie et ceux qui peuvent télétravailler, entre ceux qui sont surchargés par les tâches ménagères et le suivi des enfants confinés et ceux qui peuvent vaquer à leurs occupations, entre les habitants des centres‑villes ou des quartiers favorisés et ceux des quartiers populaires ou les habitants ruraux, entre les salariés encore couverts par la protection sociale et les précaires laissés à l’abandon, entre ceux disposant d’outils numériques et les maîtrisant et les laissés‑pour‑compte, entre la métropole et l’outre‑mer, entre le Nord et les Suds. En même temps, dans les campagnes et les quartiers, ancrées dans les réseaux associatifs et de sociabilité, ont émergé d’innombrables initiatives de solidarité et d’entraide qui préfigurent les mondes de demain.

Cet élan de solidarité initié par nos concitoyens, nous le retrouvons dans les objectifs de développement durable. Maintenant plus que jamais, ces objectifs ont besoin d’un portage politique de haut niveau afin de donner un signal fort à nos concitoyens et de jeter les bases de la construction d’une société résiliente. A l’heure où nous nous interrogeons sur l’avenir que nous souhaitons avoir en commun, il apparait primordial de s’appuyer sur ce plan équilibré et juste que constitue l’Agenda 2030.

Cet Agenda a été adopté en septembre 2015 par 193 pays aux Nations unies, à la suite des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Ces 17 objectifs de l’Agenda 2030, déclinés en 169 cibles, constituent une vision et une grammaire commune pour notre avenir, un avenir plus juste, équitable, pacifique, écologique et social. Un avenir où chaque être humain trouve sa place en harmonie avec la planète.

La résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, encourage les États membres à se fixer leurs propres cibles pour répondre à l’Agenda 2030 en tenant compte des spécificités nationales ; à articuler leur action autour de stratégies nationales de développement durable et à procéder à des examens réguliers des progrès accomplis en tirant parti des contributions de la société civile, du secteur privé, du parlement et des autres institutions.

C’est ainsi que, dans notre pays, une feuille de route a été présentée le 20 septembre 2019, dessinant les grandes transformations à mener. Cette feuille de route propose de faire évoluer notre société vers un modèle plus prospère, plus inclusif et plus respectueux de l’environnement, afin que la France soit au rendez‑vous des objectifs de développement durable en 2030.

Cette proposition de loi organique va dans ce sens.

Son article 1er a pour objectif d’améliorer les études d’impacts liées aux projets de loi, en permettant l’évaluation des dispositions envisagées au regard des indicateurs de suivi publiés par l’INSEE dans le cadre de la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Ses indicateurs, en suivant les objectifs de développement durable et leurs 169 cibles, permettront de mieux appréhender les conséquences de chaque politique publique envisagée, et pour chaque parlementaire, d’avoir un avis éclairé sur la question. Ce faisant, la France mettra en œuvre une recommandation prévue par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans son rapport ([1]) de 2019 intitulé « Mise en œuvre des Objectifs de développement durable : la nécessaire synergie de tous les acteurs, des parlements aux collectivités locales ». Il y est ainsi préconisé notamment d’orienter « le travail législatif dans le sens des ODD » en « veillant à la cohérence des textes proposés par le Gouvernement ». Étoffer les études d’impact des projets de loi à cet égard répondra à cette recommandation en améliorant la cohérence des politiques publiques.

Les articles 2 et 3 portent sur les questions budgétaires. En effet, le budget est l’une des expressions politiques de l’action du Gouvernement. Il doit donc être considéré comme le point de départ évident pour l’intégration de l’Agenda 2030. La nouvelle gestion publique prône un pilotage de l’action publique plus transparent et efficace, ce qui se traduit par la mise en place d’indicateurs de performance de plus en plus précis. Les crédits budgétaires sont organisés en fonction d’objectifs politiques, contrôlés à l’aide d’objectifs et d’indicateurs. Cette logique axée sur les résultats est relativement conforme à celle des Objectifs de développement durable, qui sont organisés en fonction d’objectifs, de cibles et d’indicateurs ([2]). Les indicateurs budgétaires peuvent donc avantageusement intégrer ceux développés par l’INSEE.

Améliorer les études d’impacts des projets de loi et compléter le processus budgétaire tel que prévu par la loi organique relative aux lois de finances en intégrant les indicateurs et les cibles produits par l’INSEE pour le suivi national des objectifs de développement durable.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi organique.


proposition de loi ORGANIQUE

Article 1er

Après le huitième alinéa de l’article 8 de la loi organique n° 2009‑403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34‑1, 39 et 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées au regard des indicateurs pour le suivi national des objectifs de développement durable élaborés par l’Institut national de la statistique et des études économiques ; ».

Article 2

La loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est ainsi modifiée :

1° Le a du 5° de l’article est complété par les mots : « y compris les indicateurs pour le suivi national des objectifs de développement durable élaborés par l’Institut national de la statistique et des études économiques » ;

2° Le a du 4° de l’article 54 est complété par les mots : « y compris les indicateurs de suivi national des objectifs de développement durable élaborés par l’Institut national de la statistique et des études économiques ».


([1]) Rapport APCE, 25 mars 2019.

([2]) Hege E. & Brimont L, Intégration des ODD dans les processus budgétaires nationaux, IDDRI, 18 juillet 2018.