Description : LOGO

N° 3444

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer les taux d’encadrement dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
et à y prévenir les conséquences des crises sanitaires,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Michèle TABAROT, AnneLaure BLIN, Éric PAUGET, Damien ABAD, Jacques CATTIN, Emmanuelle ANTHOINE, Dino CINIERI, Alain RAMADIER, Yves HEMEDINGER, Laurence TRASTOURISNART, Bernard DEFLESSELLES, Jérôme NURY, Michel VIALAY, Édith AUDIBERT, Bernard BOULEY, JeanClaude BOUCHET, Valérie BEAUVAIS, JeanLuc BOURGEAUX, JeanCarles GRELIER, Nathalie SERRE, Philippe MEYER, Isabelle VALENTIN, Patrick HETZEL, Josiane CORNELOUP, Bernard REYNÈS, Didier QUENTIN, Robert THERRY, Brigitte KUSTER, Frédéric REISS, David LORION, Bérengère POLETTI, Arnaud VIALA, JeanLouis THIÉRIOT, Bernard PERRUT, Ian BOUCARD, Philippe BENASSAYA, Sylvie BOUCHET BELLECOURT, Véronique LOUWAGIE, Michel HERBILLON, JeanLuc REITZER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le nombre dramatiquement élevé de décès dans nos EHPAD depuis le début de l’épidémie de coronavirus est inacceptable et totalement indigne des principes fondamentaux de notre Nation et de l’attachement que nous devons tous porter au bien‑être des personnes âgées.

Un trop grand nombre d’entre elles ont été abandonnées à leur sort par manque de moyens au sein de maisons de retraite où le personnel, parfois lui‑même affecté, était insuffisant pour faire face à l’ampleur des besoins et ne pouvait compter sur aucune réserve.

Au début du mois d’octobre 2020, près de 11 000 disparitions sont déjà à déplorer dans ces établissements.

Cet effroyable décompte se poursuit. Dans certaines régions, la deuxième vague s’accompagne d’une explosion du nombre de clusters et des collectivités locales sont appelées à l’aide face à l’ampleur des besoins.

Ce manque d’effectifs est malheureusement connu et dénoncé depuis longtemps. Les rapports à ce sujet se succèdent. À chaque crise, les signaux d’alerte sont immédiatement au rouge. Mais pour autant la situation ne s’améliore pas malgré les engagements pris et les discours officiels.

Quel que soit leur dévouement, le personnel soignant est notoirement insuffisant pour faire face à l’ampleur des besoins en temps normal et n’a donc pas la capacité d’affronter des situations de crises.

Parce que nous ne voulons plus avoir à subir pareille situation où les décès sont comptabilisés par dizaines dans certains EHPAD, il est urgent d’agir pour renforcer les taux d’encadrement, améliorer la prévention, instaurer une véritable continuité des soins et renforcer la coordination territoriale avec les hôpitaux publics.

S’agissant tout d’abord des effectifs, les rapports dédiés se succèdent. Ils dressent tous un état des lieux extrêmement préoccupant.

La légère hausse du taux d’encadrement de ces dernières années est en trompe l’œil. L’augmentation de 57,2 pour 100 résidents en 2007 à 63,3 pour 100 résidents en 2017, doit être minorée :

– par la hausse du niveau de dépendance des résidents en EHPAD (avec un GIR Moyen Pondéré de 726 points en 2017, contre 680 en 2010) qui atténue de fait l’impact de l’augmentation du nombre d’ETP.

– par l’absentéisme et les accidents de travail sont élevés dans les EHPAD, de l’ordre de 10 % selon les dernières données disponibles.

– par le constat que ce ratio national masque des différences très marquées selon les territoires mais aussi les types d’établissements.

Ainsi, certaines enquêtes montrent que le taux d’encadrement moyen dans les établissements privés à but lucratif était inférieur de 12 points à celui des EHPAD publics.

– Enfin, par le fait que ce taux d’encadrement recouvre l’ensemble des emplois au sein des EHPAD et pas uniquement les personnels de soins.

Ainsi, que le taux d’encadrement de la section « soins » des EHPAD était de 28,59 pour cent en 2017, ce chiffre incluant les infirmiers (6,68 pour cent), les aides‑soignants / aides médico‑psychologiques / Accompagnants éducatifs et sociaux (17,67 pour cent), les médecins coordonnateurs (0,49 pour cent) et les pharmaciens (0,12%).

De fait, le personnel soignant ne peut consacrer suffisamment de temps au bien‑être des résidents, ce qui peut conduire à des situations difficiles pour les uns comme pour les autres.

Il faut des engagements fermes pour engager une augmentation programmée du personnel de soins auprès des personnes hébergées.

Cela nécessite que le Gouvernement amplifie dès aujourd’hui l’effort salarial et l’accompagne d’une valorisation des métiers avec un développement réel de l’offre de formation, la création de passerelles, la définition de véritables parcours professionnels…

La crise du coronavirus a également souligné l’urgence d’améliorer la continuité des soins ainsi que la coordination entre le système de santé public et les EHPAD.

Dans certains établissements, les difficultés d’accès à des médecins traitants ont été amplifiées alors que ces derniers ont été très mobilisés et affectés par la crise. Cela a pu conduire à des retards de prise en charge ou à des transferts vers les hôpitaux sans avis médical préalable.

Pour y remédier, il faut envisager un nouvel outil de coopération, associant médecins traitants, médecins coordonnateurs et établissements d’hébergement, dans l’objectif d’une continuité de soins renforcée.

Par ailleurs, l’absence de cadre défini a pu nuire aux capacités d’intervention des hôpitaux dans les EHPAD. Ici aussi, cela a pu causer des hospitalisations qui auraient pu être évitées ou, a contrario, à des retards de prise en charge très préjudiciables.

Les partenariats entre les acteurs de santé publics et les EHPAD existent mais ils demeurent insuffisamment structurés, trop éloignés des établissements médico‑sociaux et souvent empiriques.

Ainsi, si nous disposons d’exemples de collaborations entre des spécialistes des infections nosocomiales et des établissements, elles ne sont pas assez nombreuses au niveau national.

Enfin, les capacités d’intervention des équipes mobiles de gériatrie, dont le développement est pourtant un objectif de la stratégie nationale de santé, sont également limitées par le fait qu’elles souffrent d’un manque de moyens dédiés.

L’appui de tous ces spécialistes s’avère pourtant décisif pour définir, en amont des crises, des programmes de prévention et des parcours de soins adaptés, dans l’objectif de réduire de disposer de modes opératoires préétablis.

Ces derniers pourraient être définis dans un nouveau cadre de partenariat formalisé entre les EHPAD et les groupements hospitaliers de territoire.

La présente proposition de loi vise à répondre à ces besoins dans l’objectif de veiller à une prévention des risques renforcée et à une continuité des soins qui reposerait sur différents niveaux. Le premier niveau mobiliserait les médecins traitants et les personnels de soins des établissements, le second niveau verrait la possibilité pour du personnel qualifié de dispenser des soins de base au sein de l’EHPAD et le troisième niveau serait la prise en charge hospitalière dans le cadre d’un partenariat renforcé entre établissements et hôpitaux.

À cette fin, l’article 1er modifie l’article L. 313‑12 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que les Contrats Pluriannuels d’Objectif et de Moyens (CPOM) conclus entre les EHPAD, les ARS et les départements, devront intégrer des objectifs de taux d’encadrements pour les infirmiers, personnels de soins, médecins coordonnateurs et pour la globalité du personnel dans le respect de seuils définis par décret en fonction notamment du GIR Moyen Pondéré et du nombre de résidents de l’établissement concerné.

Une telle évolution reviendrait à élargir à l’ensemble des personnels au sein des EHPAD, le dispositif déjà codifié à l’article D. 312‑156 du code de la santé publique pour les médecins coordonnateurs des EHPAD (dont la présence doit d’ailleurs être plus importante au sein des établissements).

Le II. détermine l’objectif d’une augmentation d’au moins 30 % des personnels de soins auprès des résidents et demande au gouvernement d’y consacrer les moyens nécessaires avec une programmation pluriannuelle, présentée au parlement dans les six mois de l’adoption de la loi, qui prenne en considération les besoins de formation et de valorisation des parcours professionnels.

L’article 2 complète le code de la santé publique en prévoyant l’instauration de conventions de coordination entre les groupements hospitaliers de territoires (GHT) et les EHPAD de leurs ressorts.

Il est ainsi prévu de compléter l’article L. 6132‑1 du code de la santé publique par un IX pour y intégrer un nouveau partenariat entre les établissements et services médico‑sociaux pour personnes âgées et les GHT.

Ce partenariat prendra la forme de conventions de coordination dont les objectifs seront définis par un nouvel article L. 6134‑1‑1 du code de la santé publique. Elles viseront notamment à formaliser des programmes d’actions et des modes opératoires en matière d’hygiène et de risques nosocomiaux ainsi que des parcours de soins pour les résidents malades.

Pour accompagner ce nouveau dispositif, il est également proposé de compléter l’article L. 6132‑3 du code de la santé publique afin de donner aux établissements supports des GHT une mission de structuration d’équipes opérationnelles en matière d’hygiène, d’infections nosocomiales ainsi que des équipes mobiles de gériatrie dont les moyens doivent être développés. Ces différentes équipes seront au cœur des conventions de coordination dans l’objectif d’améliorer la prévention des infections et les capacités d’action et de réaction face aux crises sanitaires.

L’article 3 modifie le V. de l’article L. 313‑12 du code de l’action sociale et des familles afin de compléter les missions du médecin coordonnateur. Ce dernier, ainsi que l’EHPAD, pourront ainsi conventionner avec les médecins traitants, notamment à travers une charte d’engagements, dans l’objectif d’assurer une continuité de soins et d’éviter les hospitalisations sans avis médical.

L’article 4 gage l’ensemble de ces mesures.


proposition de loi

Article 1er

I. – Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du B du IV ter de l’article L. 313‑12 du code de l’action sociale et des familles, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

 « Ce contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens définit des taux d’encadrements, de jour et de nuit, pour les médecins coordonnateurs, infirmiers, personnels soignants ainsi que pour la totalité du personnel des établissements concernés, dans le respect de seuils déterminés par le décret prévu au premier alinéa du II de l’article L. 312‑1. Ces seuils sont définis en fonction notamment du groupe iso‑ressources moyen pondéré et du nombre de résidents de chaque établissement. »

II. – Les taux d’encadrement minimums définis en application du I visent à un accroissement progressif du personnel, prioritairement soignant, présent auprès des personnes âgées pour atteindre une augmentation de 30 % des équivalents temps pleins travaillés dans les cinq années qui suivent la promulgation de la présente loi.

À cette fin, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à un plan pluriannuel visant notamment à résorber le déficit constaté dans certains établissements et à encourager de nouvelles vocations par un effort de formation ainsi qu’une valorisation des métiers et des parcours professionnels liés au grand âge.

Article 2

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 6132‑1 est complété par un IX ainsi rédigé :

« IX. – Les établissements et services mentionnés au 6° de l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles sont partenaires des groupements hospitaliers de territoires dont ils relèvent. Ces partenariats prennent la forme d’une convention de coordination prévue à l’article L. 6134‑1‑1. »

2° Le II de l’article L. 6132‑3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans des conditions définies par décret, l’établissement support du groupement hospitalier de territoire structure des équipes opérationnelles en matière d’hygiène, de lutte contre les infections nosocomiales ainsi que des équipes mobiles de gériatrie. Ces équipes apportent leurs expertises aux établissements médicaux et médico‑sociaux, notamment dans le cadre des conventions définies à l’article L. 6134‑1‑1. »

3° Après l’article L. 6134‑1, il est inséré un article L. 6134‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 613411. – Les conventions de coordination mentionnées au IX de l’article L. 6132‑1 visent notamment à la définition de programmes d’actions et de modes opératoires en matière d’hygiène et de prévention des risques infectieux et nosocomiaux ainsi que des parcours de soins avec un établissement de santé référent dans l’objectif de prévenir les passages à l’hôpital évitables de personnes âgées. Elle mobilise à cette fin des spécialistes en gériatrie et les équipes médicales mentionnées au troisième alinéa du II de l’article L. 6132‑3. »

Article 3

Après la deuxième phrase du V de l’article L. 313‑12 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Dans des conditions définies par décret, le médecin coordonnateur et l’établissement peuvent conventionner avec des médecins traitants, notamment à travers une charte d’engagements permettant la mise en œuvre des dispositions du présent V ainsi qu’une continuité de soins. »

Article 4

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.