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N° 3449

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2020.

PROPOSITION DE LOI

pour l’accélération de l’agroécologie,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien DIVE, Damien ABAD, Marine BRENIER, Didier QUENTIN, Michel VIALAY, Emmanuel MAQUET, PierreHenri DUMONT, Bérengère POLETTI, JeanCarles GRELIER, Bernard BOULEY, Pierre VATIN, Sylvie BOUCHET BELLECOURT, Édith AUDIBERT, Véronique LOUWAGIE, Brigitte KUSTER, Nathalie PORTE, Martial SADDIER, Gérard MENUEL, Bernard PERRUT, Robert THERRY, Valérie BAZINMALGRAS, Nicolas FORISSIER, Virginie DUBYMULLER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise que nous traversons actuellement, d’abord sanitaire mais également économique et sociale, a démontré que l’agriculture constitue un atout majeur, essentiel pour l’avenir de notre pays.

Pendant la période du confinement, le travail sans relâche de nos agriculteurs a permis d’assurer notre souveraineté alimentaire et de répondre aux besoins des Français. Pour autant, notre agriculture subit aujourd’hui d’importantes mutations que l’État doit accompagner tout en soutenant les évolutions à opérer.

Cette crise à la fois sociale et écologique, doit nous pousser à privilégier des modes de consommation comme de production plus durables. Aujourd’hui, la transition énergétique représente une réelle opportunité, apportant une solution à la fois en termes de création d’emplois et de croissance économique.

Face à ce double constat, il est désormais nécessaire, plus que jamais, d’accélérer notre transition vers l’agroécologie.

Cet objectif répond d’abord à un enjeu vital : celui de la sécurité alimentaire de la population française. Une alimentation saine qui devra se fonder sur la base d’une production plus durable et surtout plus locale.

Pour y parvenir, il nous faut prendre en compte le défi environnemental. L’agriculture de demain doit se conjuguer avec la valorisation des milieux naturels et contribuer ainsi à la lutte contre le dérèglement climatique. Le développement de l’agriculture bio, la prise en compte des potentiels offerts par les ressources naturelles ou encore la certification Haute valeur environnementale (HVE) sont autant d’outils déjà à notre portée et sur lesquels nous pouvons nous appuyer.

Pour accélérer la transition agro‑écologique, il nous faut également relever le défi technique : les pratiques agronomiques et les innovations naissantes doivent désormais être au service des agriculteurs et de leur travail au quotidien. Il s’agit d’atteindre le juste équilibre qui permettra de concilier les attentes des consommateurs et les évolutions de notre société avec la stabilité économique des exploitations agricoles. Pour ce faire, nous devons investir davantage dans les outils nous permettant de réduire la consommation d’énergie, d’intrants et d’eau.

Enfin, le défi économique et territorial que nous pourrons relever grâce à la production d’une nourriture de qualité et locale, accessible au plus grand nombre et qui demeure rentable pour les exploitations agricoles. Face à cet enjeu, développer des circuits‑courts ou encore faciliter l’approvisionnement de produits locaux au sein des restaurations collectives sont autant de leviers que nous pouvons actionner.

L’agroécologie n’est plus une option, elle est indispensable pour construire le modèle de l’agriculture de demain, nous imposant de transformer nos pratiques actuelles, en les rendant plus durables et en préservant ainsi notre environnement comme notre système alimentaire.

Cependant, cette transition vers l’agroécologie ne pourra être efficiente qu’à travers une coopération entre les différents acteurs concernés : agriculteurs, chercheurs, distributeurs ou encore consommateurs. Une coordination qui doit également être appuyée par l’État au travers d’un accompagnement renforcé et d’une réorientation de nos politiques publiques.

Aussi, la présente proposition de loi répond à plusieurs de ces attentes : celles de nos concitoyens, qui manifestent leur volonté de consommer au quotidien une alimentation plus saine, en favorisant davantage les circuits courts. Elle répond également à certaines attentes de nos agriculteurs, notamment l’ensemble du réseau des producteurs locaux et de l’agriculture bio. Ils sont en effet des milliers, depuis plusieurs années, à s’engager pour faire primer un modèle de production plus respectueux de l’environnement et au plus près de nos territoires.

Aujourd’hui, ces agriculteurs doivent pourvoir bénéficier d’un accompagnement renforcé leur permettant de diminuer l’impact et le risque économique que représente le choix d’une agriculture bio pour leur exploitation.               

Enfin, la possibilité pour les collectivités territoriales de contribuer plus fortement à la protection de la biodiversité, en permettant à ces dernières d’inscrire dans le plan local d’urbanisme, une part minimale de surfaces végétalisées afin de contribuer à la protection de la faune, de la flore et des populations riveraines de zones de traitement des cultures agricoles. Avec par exemple l’installation de haies, celles‑ci permettraient à la fois de créer un microclimat favorable à la vie végétale et animale, de lutter contre les effets néfastes du vent (érosion des terres, dissémination des parasites), mais aussi protéger aussi bien les pollinisateurs que la population des environs, des éventuelles zones de traitement des cultures agricoles.

Le soutien à l’agriculture, le soutien à l’innovation, la protection de la biodiversité et l’accès à une alimentation de qualité pour tous, sont donc des objectifs indissociables qui doivent nous pousser à concilier économie et écologie. Aujourd’hui, la société est en attente de ce changement de paradigme.

Cette proposition de loi n’a pas vocation à répondre à l’ensemble des enjeux de la transition agroécologique, mais vise à en accélérer le processus au travers du développement et du renforcement de certaines mesures.

L’article 1 propose d’étendre l’introduction de produits de qualité et durables, dont des produits bios, au sein des restaurants d’entreprises. Cela répond à une attente réelle des Français en faveur des produits bios. À partir de 2024, les repas servis en restauration collective, dans tous les établissements chargés d’une mission de service public devront compter 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques. Il est proposé d’étendre cet objectif à la restauration du secteur privé.

L’article 2 propose une aide aux investissements agroécologiques par le biais d’une déduction fiscale. Les agriculteurs sont les acteurs de cette transition agroécologique, mais pour leur permettre d’accomplir cette transition l’État doit les accompagner et proposer des contreparties aux investissements destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’article 3 propose de rajouter une nouvelle possibilité dans le règlement des plans locaux d’urbanisme. En permettant d’imposer une part minimale de surfaces végétalisées afin de contribuer à la protection de la faune, de la flore et des populations riveraines de zones de traitement des cultures agricoles.

 

 


proposition de loi

Article 1er

I. – Au premier alinéa du I et au II de l’article L. 230‑5‑1 du code rural et de la pêche maritime, après le mot « public » sont insérés les mots « et de droit privé à but lucratif ».

II. – Le I s’applique dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi.

Article 2

Après l’article 39 decies G du code général des impôts, il est inséré un article 39 decies H ainsi rédigé :

« Art. 39 decies H  I. – Toute personne physique ou morale exerçant à titre habituel des activités agricoles au sens de l’article L. 311‑1 du code rural et de la pêche maritime, soumise à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel d’imposition peut déduire de son résultat imposable une somme égale à 30 % des investissements, hors frais financiers, en lien avec son activité et destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à savoir :

« 1° Les travaux améliorant l’efficience énergétique des bâtiments agricoles.

« 2° Les investissements tendant à l’optimisation de la gestion des effluents d’élevage ou des résidus de récolte.

« 3° Les agroéquipements acquis à l’état neuf permettant une réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

« 4° Les investissements tendant au développement de l’agroforesterie.

« La déduction est applicable aux investissements mentionnés au premier alinéa du présent I acquis à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’au 31 décembre 2026

« Lorsqu’il s’agit de biens, la déduction est répartie linéairement sur la durée normale d’utilisation. En cas de sortie du bien avant le terme de cette période, elle n’est acquise à l’entreprise qu’à hauteur des montants déjà déduits du résultat à la date de sortie du bien de l’actif, qui sont calculés pro rate temporis. Dans les autres cas, la déduction est répartie sur une durée fixée par décret.

« Un décret en Conseil d’État détermine les caractéristiques techniques et écologiques requises pour rendre les investissements mentionnés au 1°, 2°, 3° et 4° éligibles à la déduction.

« II. – Les associés des sociétés coopératives peuvent bénéficier de la déduction prévue au I du présent article à raison des investissements consentis par ces coopératives du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2026.

« Chaque associé coopérateur peut déduire une quote‑part de la déduction, ainsi déterminée égale à la proportion :

« 1° Soit de l’utilisation qu’il fait du bien, dans le cas des coopératives d’utilisation de matériel agricole ;

« 2° Soit du nombre de parts qu’il détient au capital de la coopérative, dans les autres cas.

« Dans le cas des coopératives d’utilisation de matériel agricole, la proportion d’utilisation d’un bien par un associé coopérateur est égale au rapport entre le montant des charges attribué à cet associé coopérateur par la coopérative au titre du bien et le montant total des charges supporté par la coopérative au cours de l’exercice à raison du même bien. Ce rapport est déterminé par la coopérative à la clôture de chaque exercice.

« La quote‑part est déduite du bénéfice de l’exercice de l’associé coopérateur au cours duquel la coopérative a clos son propre exercice.

« Les coopératives et les associés coopérateurs sont tenus de produire, à toute réquisition de l’administration, les informations nécessaires permettant de justifier de la déduction pratiquée. 

« III. – Le bénéfice du dispositif mentionné au I et au II est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. »

Article 3

Après l’article L. 151‑22 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 151‑22‑1 :

« Le règlement peut imposer une part minimale de surfaces végétalisées afin de contribuer à la protection de la faune, de la flore et des populations riveraines de zones de traitement des cultures agricoles. »

Article 4

La perte de recettes résultant pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.