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N° 3450

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant
une menace grave pour l’ordre public,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Olivier MARLEIX, Damien ABAD, Frédérique MEUNIER, Geneviève LEVY, Laurence TRASTOURISNART, Sylvie BOUCHET BELLECOURT, JeanLuc BOURGEAUX, JeanClaude BOUCHET, JeanYves BONY, Mansour KAMARDINE, Thibault BAZIN, Maxime MINOT, Patrick HETZEL, Vincent ROLLAND, Josiane CORNELOUP, Didier QUENTIN, JeanLouis THIÉRIOT, Brigitte KUSTER, Bernard DEFLESSELLES, Édith AUDIBERT, Frédéric REISS, Bérengère POLETTI, Bernard BROCHAND, Sandrine BOËLLE, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, Robert THERRY, Marianne DUBOIS, Émilie BONNIVARD, Julien DIVE, Guy TEISSIER, Ian BOUCARD, Bernard REYNÈS, Véronique LOUWAGIE, Michel HERBILLON, Olivier DASSAULT, JeanLuc REITZER, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En octobre 2017, deux jeunes filles d’une vingtaine d’années, Laura et Mauranne, tombaient sous les coups d’un terroriste à Marseille. Cet attentat odieux aurait pourtant pu être évité, car l’individu faisait l’objet d’une mesure d’expulsion du territoire. En réaction à ce drame, le Président de la République Emmanuel Macron avait souhaité que « toutes celles et ceux qui commettent un acte délictueux soient expulsés ». L’objet de ce texte est donc de prendre au mot cette intention, encore jamais concrétisée dans les faits.

La France a, à l’égard des étrangers, une tradition d’accueil incontestable. D’abord une tradition d’accueil des demandeurs d’asile jamais remise en cause, mais plus largement une tradition d’hospitalité à l’égard des étrangers, dans le cadre de leurs études, de leur vie professionnelle, ou pour des motifs de vie familiale et privée.

Cette hospitalité que manifeste notre pays doit avoir un corolaire : le respect par les étrangers accueillis de nos lois, de notre ordre public et de notre sécurité.

Un étranger qui commet un crime ou un délit sur notre territoire national, où il n’est qu’autorisé à séjourner, doit voir son droit au séjour retiré et faire l’objet d’une mesure d’expulsion. Ce doit être la règle. Les exceptions doivent être le plus strictement limitées.

Comment comprendre qu’un détenu sur cinq sans nos prisons, soit un étranger ? Selon les données du ministère de la Justice, sur un total de 69 077 détenus dans les prisons françaises au 1er février 2017, 14 964 étaient des ressortissants étrangers soit 22 % de l’ensemble. Parmi eux, quatre pays d’origine rassemblent 42 % de l’ensemble des ressortissants étrangers. Il s’agit de l’Algérie (1954 détenus), du Maroc (1895), de la Roumanie (1496) et de la Tunisie (1102). On compte également 15 Américains, 157 Chinois, 63 Allemands, 2 Japonais, 18 Suisses, 10 apatrides, 43 personnes dont la nationalité n’est pas renseignée et 23 dont elle est inconnue.

Dans notre droit, deux régimes juridiques coexistent :

– La peine complémentaire d’interdiction du territoire qui peut être prononcée par un tribunal à l’égard d’un étranger coupable d’un crime ou d’un délit. Elle peut être définitive ou temporaire. Elle entraine la reconduction du condamné à la frontière, le cas échéant après qu’il a purgé sa peine de prison, puisque l’interdiction du territoire est suspendue pendant la durée de de l’exécution de celle‑ci.

– Un régime administratif, pris sur la base des articles L. 421‑2 et L. 521‑3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui permet aux préfets, ou au ministre de l’intérieur de décider l’expulsion d’un étranger si cette mesure constitue « une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique » ou « en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence ».

Cette expulsion décidée par l’autorité administrative ou judiciaire, lorsqu’elle s’applique à un étranger s’étant rendu coupable d’un crime, d’un délit ou d’une infraction qui menace l’ordre public est généralement qualifiée de « double peine ».

Elle a fait l’objet d’un aménagement en 2003 visant à mieux protéger les étrangers ayant des attaches plus fortes en France. Seule une décision de justice « spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger » ou une condamnation à une peine d’emprisonnement ferme d’au moins 5 ans, permettent respectivement au juge et à l’autorité administrative d’éloigner un étranger « protégé ».

Ces protections s’appliquent largement, ainsi :

– un étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française,

– une personne résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans.

– ne peuvent pas être expulsés même s’ils présentent une menace pour la sécurité publique.

La France a aujourd’hui une législation plus tolérante que certains de ses voisins européens : en Allemagne la législation a été modifiée en 2016 pour faciliter l’expulsion des étrangers protégés par les statuts de réfugié, dès lors qu’ils étaient condamnés, même avec sursis.

La présente proposition de loi vise donc à assouplir les conditions d’expulsion des individus constituant une menace grave pour l’ordre public, en élargissant le champ des catégories de personnes concernées.

L’article unique de ce texte a pour objet de supprimer certaines catégories de personnes qui font exception aux mesures d’expulsion du territoire français au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.


proposition de loi

Article unique

I. – Le 2° et le 4° de l’article 521‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont abrogés.

II. – Les 2°, 3° et 4° de l’article 521‑3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont abrogés.