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N° 3478

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2020.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

instaurant une procédure de parrainages citoyens pour la candidature à l’élection présidentielle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLuc MÉLENCHON, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

députés.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au printemps 2022, le peuple français sera appelé à participer à une nouvelle élection présidentielle. Dans la cinquième République, cette élection est devenue sans aucun doute la plus centrale dans notre vie politique. La participation électorale bien supérieure à celle de tous les autres scrutins le confirme. C’est pourquoi les conditions de son organisation doivent faire l’objet d’une attention particulière. Cette proposition de loi organique vise à modifier le système de parrainages qui conditionne l’accès à la candidature à l’élection présidentielle. Elle ne remet pas en cause le principe d’un filtre pour participer à l’élection. Mais elle propose que ce filtre soit confié directement aux citoyens au même titre qu’aux élus.

Cette proposition a été formulée en 2012 à l’occasion d’un rapport intitulé « Pour un renouveau démocratique ». Ce rapport était issu d’une commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, mise en place par décret du 16 juillet 2012 par le Président de la République. Cette commission était présidée par l’ancien Premier ministre Lionel Jospin.

Double fragilité des parrainages

Son rapport constatait déjà l’essoufflement du système des parrainages par les élus : « La Commission relève que le dispositif en vigueur présente une double fragilité. D’une part, il crée une incertitude sur la possibilité, pour certains courants significatifs de la vie politique du pays, d’être représentés au premier tour de l’élection présidentielle. Lors des derniers scrutins, plusieurs des candidats qualifiés ont franchi avec difficulté le seuil des 500 parrainages requis. Les spéculations sur l’éventuelle impossibilité, pour une personnalité représentant un courant politique significatif, de se présenter à l’élection présidentielle nuisent à la sérénité du débat électoral. En outre, le risque qu’une telle hypothèse se réalise lors d’un scrutin à venir ne peut être écarté. D’autre part, le système des 500 signatures ne prémunit pas contre le risque d’un nombre de candidatures trop élevé. La présence de seize candidats au premier tour de l’élection présidentielle de 2002 a constitué à cet égard une alerte sérieuse. La Commission considère que cette double fragilité justifie à elle seule que le système de qualification des candidats soit réformé. (…) La Commission relève enfin que le dispositif actuel est source d’inégalités entre candidats.  Les candidats soutenus par des partis ne disposant pas d’un réseau étendu d’élus susceptibles de les parrainer doivent consentir des efforts très importants pour recueillir les signatures requises. L’énergie ainsi déployée les prive d’un temps utile pour mener campagne auprès des électeurs. ».

Il propose donc le parrainage des candidats par « un système de qualification préalable par les citoyens ». La commission de rénovation et de déontologie de la vie publique justifiait cette proposition « la plus conforme à l’esprit de l’élection présidentielle », par sa légitimité : « si un candidat ne parvenait pas à recueillir les parrainages requis, l’impossibilité de concourir à l’élection présidentielle à laquelle il se heurterait résulterait d’un soutien insuffisant des citoyens et serait dès lors plus difficilement contestable ».

150 000 signatures

Les auteurs du rapport formulent donc une proposition concrète, justifiée par sa légitimité, son efficacité et la fragilité de sa mise en oeuvre : « Sur le plan de l’efficacité, la Commission a veillé à définir des modalités du parrainage citoyen qui permettent d’obtenir un effet de filtrage comparable à celui du système actuel. Le parrainage citoyen ne doit en effet ni restreindre à l’excès le nombre de candidats, ni ouvrir trop largement la possibilité de présenter une candidature. Il faut notamment dissuader les candidatures purement fantaisistes et les candidatures défendant des intérêts strictement régionalistes ou communautaires, le Président de la République ayant vocation à représenter la Nation tout entière. Afin de concilier ces objectifs, deux paramètres fondamentaux doivent être soigneusement définis : le nombre de signatures citoyennes nécessaires et une clause de représentativité nationale. La Commission propose ainsi de fixer à 150 000, au moins, le nombre de signatures nécessaires pour concourir. Ce seuil pourrait bien entendu être modulé, à l’usage. Un seuil de 150 000 semble suffisamment élevé pour limiter fortement le risque de candidatures qui n’auraient manifestement pas leur place dans un scrutin présidentiel. Il ne l’est cependant pas trop et ne paraît pas susceptible de conduire à l’exclusion d’un candidat se réclamant d’un courant politique représentatif. Sur ce dernier point, la Commission relève que plusieurs candidats représentant des courants qui ne peuvent être tenus pour négligeables obtiennent à chaque scrutin présidentiel entre 200 000 et 600 000 suffrages au premier tour ; elle en déduit que le seuil qu’elle propose est raisonnable »

50 départements

« La Commission recommande en outre l’adoption d’une clause de représentativité nationale. Elle préconise de transposer au parrainage citoyen le principe de la clause de représentativité qui existe dans le système actuel, mais d’en accroître les exigences : les signatures devraient émaner d’un minimum de 50 départements (ou collectivités d’outremer), sans qu’un département ou une collectivité ne puisse fournir plus de 5 % des parrainages, soit 7 500 signatures citoyennes au maximum par département ou collectivité. »

Traduire la proposition de Lionel Jospin dans la loi

La présente proposition de loi et son article unique visent à reprendre la proposition du rapport de 2012 « Pour un renouveau démocratique ». Ils instaurent un système de parrainage citoyen en plus du système existant de parrainages d’élus. Chaque candidat à l’élection présidentielle devra avoir été parrainé par 150 000 citoyens inscrits sur les listes électorales issus de 30 départements différents, un même département ne pouvant excéder 5 % du total des parrainages. Le parrainage d’un candidat à l’élection présidentiel se fait par le biais d’un formulaire officiel adressé au conseil constitutionnel par voie postale, électronique sur un site internet prévu à cet effet. Ils prévoient par ailleurs que chaque citoyen inscrit sur les listes électorale se voit adresser par voie postale un formulaire de parrainage vierge. L’ensemble des dispositions notamment pour le nombre de parrainages requis, la représentativité par département, les délais, la non publicité de l’identité des parrains sont directement reprises du rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique de 2012.

Une simple loi organique

Cette réforme ne nécessite pas de modification constitutionnelle. En effet, le système de parrainage des candidats à l’élection présidentielle est encadré par l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 ayant une valeur organique. Ainsi, une simple loi organique suffit à instaurer un système de parrainages citoyens. L’adoption de la présente proposition de loi ne nécessite pas, contrairement à une loi constitutionnelle, de vote conforme de l’Assemblée nationale est du Sénat. La procédure législative ordinaire s’applique pour son adoption.


proposition de loi ORGANIQUE

Article unique

Après le septième alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, il est inséré un I bis A ainsi rédigé :

« I bis A. – Cette liste est aussi établie par le Conseil constitutionnel au vu des présentations qui lui sont adressées par au moins 150 000 citoyens français inscrits sur les listes électorales. Ces présentations doivent parvenir au Conseil constitutionnel au plus tard le sixième vendredi précédant le premier tour de scrutin à dix‑huit heures. Lorsqu’il est fait application du cinquième alinéa de l’article 7 de la Constitution, elles doivent parvenir au plus tard le troisième mardi précédant le premier tour de scrutin à dix‑huit heures. Une candidature ne peut être retenue que si, parmi les signataires de la présentation figurent des citoyens inscrits sur les listes électorales d’au moins trente départements ou collectivités d’outre‑mer, sans que plus de 5 % d’entre eux puissent être les élus d’un même département ou d’une même collectivité d’outre‑mer. Chaque citoyen inscrit sur les listes électorales ne peut parrainer qu’un seul candidat à l’élection présidentielle.

« Pour l’application de l’alinéa précédent, les citoyens inscrits sur les listes électorales des Français établis hors de France et des Français de l’étranger sont réputés être issus d’un même département.

« Les présentations des candidats sont rédigées sur des formulaires, revêtues de la signature de leur auteur, et d’une copie de leur pièce d’identité, et envoyés au Conseil constitutionnel par voie postale, par voie électronique ou sur une plateforme numérique mise en ligne par l’administration à cet effet. Les formulaires et les enveloppes sont imprimés par les soins de l’administration conformément aux modèles arrêtés par le Conseil constitutionnel et envoyés par voie postale à tous les citoyens inscrits sur les listes électorales.

« Par dérogation au septième alinéa du I, les présentations peuvent être déposées :

« 1° Dans les départements et collectivités d’outre‑mer ainsi qu’en Nouvelle‑Calédonie, auprès du représentant de l’État ;

« 2° Auprès de l’ambassadeur ou du chef de poste consulaire chargé de la circonscription consulaire dans laquelle réside l’auteur de la présentation. »