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N° 3554

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à la création d’un centre national des artistesauteurs,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Michel LARIVE, Éric COQUEREL, Muriel RESSIGUIER, Bénédicte TAURINE, Caroline FIAT, JeanHugues RATENON, Loïc PRUD’HOMME, Bastien LACHAUD, Alexis CORBIÈRE, Danièle OBONO, Sabine RUBIN, MarieGeorge BUFFET, Philippe CHALUMEAU, Bernard BOULEY, Agnès THILL, Régis JUANICO,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire que notre pays traverse agit comme un révélateur et un accélérateur des difficultés rencontrées par les artistes‑auteurs. La fermeture des lieux de diffusion et de création a entraîné une dégradation sans précédent de leur situation économique, un phénomène qui est loin de s’être interrompu aujourd’hui. Rappelons que cette situation de précarité grandissante, chiffrée et documentée par le rapport Racine remis rue de Valois en janvier 2020, n’est pas nouvelle. Au nombre d’environ 270 000 en France, un grand nombre d’artistes‑auteurs vivent en dessous du seuil de pauvreté ; beaucoup d’entre eux doivent conjuguer leur travail artistique avec un métier alimentaire ; tous sont confrontés aux aléas de revenus incertains. Cette précarité s’explique, en grande partie, par la dépendance des artistes‑auteurs aux systèmes de production et de diffusion marchands.

Pendant la crise sanitaire, ces créatrices et créateurs se sont retrouvés démunis face à la baisse drastique de leurs ressources financières, leurs revenus artistiques et leurs droits d’auteurs n’ouvrant aucun droit à l’assurance‑chômage, contrairement aux intermittents et aux artistes‑interprètes. De plus, les artistes‑auteurs sont nombreux à ne pas avoir pu bénéficier du « fonds de solidarité » mis en place par le gouvernement pour les travailleurs non‑salariés, du fait de conditions d’octroi du fonds inadaptées à leurs revenus décalés dans le temps – ils encaissent en 2020 leurs droits d’auteur de 2019. Ainsi la perception des revenus dus pour un travail antérieur à la crise sanitaire vient pour eux en déduction de l’aide d’État.

Bien que le ministère de la Culture ait distribué des aides via ses opérateurs publics préexistant (CNL, CNC, CNAP, CNM), cette approche s’est finalement révélée contre‑productive. D’une part, elle a débouché sur un soutien en « silos » par secteurs de diffusion, et non pas sur un soutien global et direct aux artistes‑auteurs eux‑mêmes. D’autre part, l’éparpillement des dispositifs d’aide a condamné les artistes‑auteurs à quémander aléatoirement des aides d’urgences éclatées dans plusieurs guichets, ces derniers étant de surcroît inégalement dotés et leur étant ouverts de façon sélective. Enfin, sur ces quatre centres nationaux désignés par le ministère, trois se sont avérés dans l’incapacité de gérer eux‑mêmes les artistes‑auteurs et ont délégué cette mission à des organismes privés. Ainsi, se trouvant déjà dans une situation d’insécurité économique, les créatrices et les créateurs ont été confrontés à une sous‑information et à une multiplicité de dispositifs disparates dont la complexité a engendré à la fois des inégalités de traitement et de nombreux non‑recours.

Aujourd’hui, il est temps de tirer les enseignements de la crise sanitaire. Celle‑ci a mis en évidence l’incapacité de l’État et du ministère de la culture à gérer la population des artistes auteurs faute d’opérateur public ad hoc. La création d’un centre national des artistes‑auteurs (CNAA) vise à y remédier.

Le CNAA sera un opérateur public dédié aux artistes‑auteurs. Les objectifs recherchés sont une meilleure régulation des relations entre les artistes‑auteurs et leurs diffuseurs, un meilleur respect des droits des artistes‑auteurs et une meilleure protection sociale pour ces derniers. Le CNAA ne vise pas à remettre en cause les autres opérateurs, ils seront simplement allégés d’une mission qu’ils peinent aujourd’hui à assumer.

Le CNAA devra assurer la mise en place :

– d’un observatoire qui mettra en œuvre le suivi statistique et qualitatif des différents métiers des artistes‑auteurs. L’objectif sera, pour les pouvoirs publics, de mieux connaître la population des artistes‑auteurs dans leur globalité et leurs particularités professionnelles ;

– d’un portail informatif regroupant l’ensemble des règles relatives aux artistes auteurs, mais aussi les opportunités les concernant (appels d’offre, prix…). L’objectif sera de créer un outil de référence nationale à destination des artistes‑auteurs eux‑mêmes, de l’administration publique et de leurs partenaires économiques ;

– d’un service de médiation pour dénouer les litiges entre les artistes‑auteurs et les acteurs de l’aval (diffuseurs, éditeurs, producteurs) ;

– d’un pôle de négociation collective afin d’organiser le dialogue social entre les représentants des organisations professionnelles d’artistes‑auteurs, et ceux qui représentent les circuits de diffusion. L’objectif sera que des accords collectifs puissent être adoptés et rendus obligatoires par le ministère de la culture ;

– d’un dispositif de lutte contre les inégalités parmi les artistes‑auteurs, en prenant en compte le sexe, la géographie et l’origine sociale des créatrices et créateurs. L’objectif sera de neutraliser ces inégalités ;

– d’un fonds de soutien à la création artistique qui ne sera pas organisés en silos comme aujourd’hui, mais de manière globale, prenant en compte l’ensemble de la population professionnelle des artistes‑auteurs. L’objectif sera d’augmenter considérablement la part des aides à la création dans les aides déployées par le ministère de la culture ;

– d’un fonds d’aide d’urgence en direction des artistes‑auteurs pour endiguer les effets de la crise sanitaire qui auront des répercussions pendant plusieurs années. L’objectif sera de créer le guichet unique que les artistes‑auteurs appellent de leur vœu afin de maintenir leur activité économique et survivre.

Rappelons que la présente proposition de loi s’appuie sur les appels et sollicitations d’une grande partie des représentants des artistes‑auteurs. Nous partageons leur ambition commune, celle de donner un nouvel élan à la création artistique. Par conséquent, il ne s’agit pas d’instituer un simple organisme consultatif comme le préconisait M. Franck Riester avant la crise sanitaire. Seul un centre national, doté d’une personnalité morale et d’une autonomie administrative et financière, permettra de relever les défis du rapport Racine et d’accéder aux demandes des créateurs et des créatrices.

Parce ce que, comme l’écrivait Albert Camus, « tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude », le moment est venu de créer l’opérateur public dédié au secteur de la création qui fait défaut à la politique culturelle depuis bien trop longtemps.

L’article 1er crée le centre national des artistes‑auteurs (CNAA). L’article 2 liste les missions du CNAA. L’article 3 vise à gager la proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Il est créé un établissement public, doté de l’autonomie financière, auprès du ministère de la culture, qui prend le nom de centre national des artistes‑auteurs.

Ce centre est dirigé par un conseil d’administration composé majoritairement de représentants des organisations professionnelles d’artistes‑auteurs, et de représentants de l’État.

Le détail de la composition du conseil d’administration est précisé par décret en Conseil d’État, après consultation des représentants des organisations professionnelles d’artistes‑auteurs.

Article 2

Ce centre est chargé :

– d’assurer le suivi statistique et qualitatif des artistes‑auteurs ;

– d’être le référent national en matières d’informations relatives aux règles applicables aux artistes‑auteurs ;

– de mettre en place une médiation entre les artistes‑auteurs et leurs diffuseurs, producteurs, éditeurs, en cas de litige ;

– d’organiser le dialogue social entre les représentants syndicaux des artistes‑auteurs et les représentants des circuits de diffusion ;

– de lutter contre les inégalités sociales liées aux origines sociales, au sexe ou à la zone géographique des artistes‑auteurs ;

– de distribuer un fonds de soutien à la création artistique ;

– de distribuer un fonds d’aide d’urgence en direction des artistes‑auteurs.

La méthode d’exécution de ces missions par le centre national des artistes‑auteurs est détaillée par décret en Conseil d’État, sur proposition de son conseil d’administration.

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.