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N° 3562

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à moderniser et adapter le régime des catastrophes naturelles,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanCarles GRELIER, Damien ABAD, Éric CIOTTI, JeanLouis THIÉRIOT, David LORION, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Arnaud VIALA, Valérie BEAUVAIS, Julien RAVIER, JeanPierre DOOR, JeanMarie SERMIER, Constance LE GRIP, Josiane CORNELOUP, Patrick HETZEL, Édith AUDIBERT, Bernard PERRUT, Véronique LOUWAGIE, Martial SADDIER, Bernard DEFLESSELLES, Michel VIALAY, Robin REDA, Fabrice BRUN, Michèle TABAROT, JeanLuc REITZER, JeanClaude BOUCHET, Robert THERRY, JeanLuc BOURGEAUX, JeanYves BONY, Julien AUBERT, Éric PAUGET, Virginie DUBYMULLER, Bernard BROCHAND, Michel HERBILLON, Nathalie SERRE, Rémi DELATTE, Isabelle VALENTIN, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis quelques années et sans doute en conséquence des évolutions climatiques, notre pays a à connaître de nombreux épisodes qui affectent des milliers de nos concitoyens. Si les plus importants attirent l’attention et le soutien immédiat des autorités publiques, d’autres plus discrets et plus insidieux laissent de très nombreux particuliers dans le plus grand désarroi.

Ainsi en est‑il, notamment, des sécheresses qui marquent les étés depuis au moins trois années et qui se traduisent par un assèchement des sous‑sols entraînant une importante déstabilisation des immeubles. Ainsi en l’espace de quelques années, des milliers d’habitation ont connu des fissurations qui pour nombre d’entre elles affectent la stabilité et la pérennité de l’immeuble.

En quelques occasions, l’état de catastrophe naturelle est reconnu par l’Etat et ouvre droit à des indemnisations, même si persiste une grande iniquité d’une situation à l’autre. Dans la plupart des cas, l’état de catastrophe naturelle n’est pas retenu et des milliers de particuliers se trouvent confrontés à travaux dont ils ne peuvent assumer la charge. Et même lorsque les fissurations ne sont que d’ordre esthétique, elles affectent suffisamment les immeubles pour altérer leur valeur patrimoniale.

Le 3 juillet 2019, la Sénatrice BONNEFOY a remis un rapport parlementaire duquel il ressort que le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles fixé depuis 1982 n’est plus adapté à notre époque. Le 15 juillet 2020, le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi reprenant l’essentiel des propositions du rapport BONNEFOY.

La présente proposition de loi fait également siennes une partie de ces modifications à apporter à notre arsenal juridique en protégeant mieux les particuliers face aux aléas climatiques et en renforçant les pouvoirs des maires en cette matière.

L’inéluctabilité et l’augmentation de la fréquence de ces événements climatiques, rendent plus que nécessaire une adaptation et une modernisation de notre législation.

L’article 1er vise à supprimer les plafonds et sous‑plafonds du Fonds de prévention des risques naturels majeurs et à en élargir le champ d’intervention. Depuis la loi de finances pour 2018, les ressources de ce fonds sont plafonnées à 137 millions d’euros pour favoriser les déplacements des propriétaires des biens les plus exposés aux risques, financer des mesures de réduction de la vulnérabilité face aux risques naturels et améliorer la connaissance du risque par des études ou des campagnes d’information sur la prévention.

Nul ne peut contester qu’en raison même de la mission qui lui est dévolu, ce fonds joue un rôle stratégique essentiel dans la prévention des risques naturels de plus en plus nombreux et de plus en plus fréquents. Les sommes qui lui sont pour l’heure allouées et qui sont plafonnées permettent de ne répondre qu’à une part infime des demandes. Son déplafonnement est donc une absolue nécessité.

Il convient également d’élargir le champ d’intervention de ce fonds aux études et travaux de réduction de vulnérabilité pour les particuliers au‑delà même de ceux rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels.

L’article 2 vise à renforcer les droits des assurés en instaurant un cadre réglementaire plus contraignant pour les assureurs. En effet, en de nombreuses occasions il a été constaté des différences d’appréciation portées tant par les experts d’assurances que par les compagnies elles‑mêmes qui font qu’à situation égale les conditions de prise en charge ou les préconisations de travaux peuvent varier dans des proportions qui créent une véritable inégalité de traitement pour les assurés. Cette situation est d’autant plus dommageable que si les prescriptions de travaux n’ont pas permis d’endiguer la dégradation d’un immeuble, le propriétaire pourra se voir opposer la prescription biennale.

Enfin, cet article prévoit d’intégrer les frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées dans le périmètre de la garantie catastrophe naturelle tant à ce niveau aussi il existe d’importantes disparités dans les prises en charge d’un contrat d’assurance à un autre.

L’article 3 a pour objet de créer un crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques permettant aux particuliers de réduire le montant de leurs impôts pour une part des dépenses engagées pour réaliser des travaux dans le but de prévenir et renforcer la résistance des immeubles aux aléas climatiques.

L’article 4 vient officialiser l’existence et la mission de la Commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle et de rendre plus transparents les avis qu’elle est amenée à émettre.

Cette commission a été créée par une circulaire du 27 mars 1984 et sa composition a depuis l’origine été sujette à débats. Il appartiendra donc au pouvoir réglementaire d’en fixer la composition et de la rendre publique.

Par ailleurs les avis rendus par cette commission, dont l’expérience montre qu’ils sont le plus souvent suivis par le Gouvernement, justifie qu’ils soient rendus publics et dûment motivés, ce qui n’est pas le cas à présent.

Cet article vise, de plus, à apporter un soutien aux maires qui sont en première ligne dans l’enclenchement et la mise en œuvre de la procédure de catastrophe naturelle. Il leur offre ainsi la possibilité de soumettre une deuxième demande lorsqu’un refus a été opposé à la première, dès lors qu’ils sont en capacité à produire des données complémentaires et nouvelles.

Il repousse, également, de 18 à 24 mois le délai durant lequel un maire peut enclencher une procédure de catastrophe naturelle à la suite de la survenance d’un événement climatique.

Enfin, il vient supprimer la modulation des franchises restant à la charge des particuliers.

L’article 5 crée dans chaque département une cellule de soutien aux maires confrontés à une catastrophe naturelle afin de les guider et les assister dans les démarches à faire en ce cas.


proposition de loi

Article 1er

I. – La soixante‑sixième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article 46 de la loi n° 2011‑1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 est supprimée.

II. – Au VI de l’article 136 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, les mots : « à partir du 1er janvier 2019 et » sont supprimés.

III. – L’article L. 561‑3 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Au 4° du I, les mots : « définis et rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé en application du 4° du II de l’article L. 562‑1 sur des biens à usage d’habitation ou sur » sont remplacés par les mots : « ayant pour effet de réduire la vulnérabilité aux risques naturels majeurs des biens à usage d’habitation ou » ;

2° Après le c du 6° du même I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles les études et travaux mentionnés au 4° du présent I sont financés par le fonds, en tenant compte, le cas échéant, de leur caractère obligatoire en application d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé en application du 4° du II de l’article L. 562‑1 » ;

3° Au dernier alinéa du même I, les mots : « , dans la limite d’un plafond global de 5 millions d’euros par an » sont supprimés ;

Article 2

Le code des assurances est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 114‑1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125‑1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’événement qui y donne naissance. » ;

2° L’avant dernier alinéa de l’article L. 125‑2 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les indemnisations dues à l’assuré doivent permettre un arrêt des désordres existants. La réparation est adaptée à l’ampleur des dommages subis par le bien, et est effectuée en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques et techniques disponibles. » ;

3° L’article L. 125‑4 est complété par les mots : « et des frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées dont la résidence principale est insalubre ou présente un danger pour la sécurité des occupants, selon des modalités et pour une durée déterminées fixées par décret. » ;

Article 3

Le chapitre II du titre II du livre 1er du code des assurances est complété par un article L. 122‑10 ainsi rédigé :

« Art. L. 12210. – Les contrats d’assurance garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des orages de grêle et des sécheresses sur les biens faisant l’objet de tels contrats. »

Article 4

I. – Le 34° du II de la section V du chapitre IER du titre IER de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 200 sexdecies ainsi rédigé :

« Art. 200 sexdecies. -  Les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour la réduction de la vulnérabilité des biens à usage d’habitation ou des biens utilisés dans le cadre d’activités professionnelles employant moins de vingt salariés dont ils sont propriétaires.

« Le crédit d’impôt s’applique aux études et travaux de réduction de vulnérabilité de ces biens aux risques naturels majeurs.

« Le taux de ce crédit d’impôt est égale à 60 % des dépenses mentionnées au présent article.

« Les conditions d’éligibilité de ce crédit d’impôt sont précisées par décret.

« Pour un même logement dont le contribuable est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale, le montant de crédit d’impôt dont peut bénéficier ce contribuable ne peut excéder, au titre d’une période de cinq années consécutives, comprises entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2015, la somme de 5.000 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 10 000 € pour un couple soumis à imposition commune. Cette somme est majorée de 250 € par personne à charge au sens des articles 196 à 196B. La somme de 250 € est divisée par deux lorsqu’il s’agit d’un enfant réputé à charge égale de l’un et l’autre de ses parents. »

II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

Article 5

Le code des assurances est ainsi modifié :

1° L’article L. 125‑1 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une commission, dont la composition est fixée par décret et comprenant au moins deux titulaires de mandats locaux pouvant assister aux délibérations avec voix délibérative ainsi qu’un représentant du ministère chargé de l’environnement, émet un avis circonstancié et dûment motivé sur les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dont elle est saisie. Cet avis, accompagné des rapports et données techniques utilisés par la commission, est publié sur un site internet dédié dans un délai de dix jours suivant son adoption et peut être adressé à toute autorité publique ou personne privée qui en ferait la demande en justifiant d’un intérêt à le faire. » ;

b) L’avant dernier alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, le mot : « dix‑huit » est remplacé par le mot : « vingt‑quatre » ;

– les deux dernières phrases sont supprimées ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « En cas de refus d’une première demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, les communes peuvent soumettre une deuxième demande dans un délai de six mois à compter de la notification par le représentant de l’Etat dans le département de la décision rendue, dès lors qu’elles produisent des éléments nouveaux et complémentaires, dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;

2° L’article L. 125‑2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune modulation de franchise à la charge des assurés ne peut être appliquée dans les communes non‑dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles prévu à l’article L. 562‑1 du code de l’environnement. » ;

Article 6

Après le chapitre III du titre VI du livre V du code de l’environnement, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE III bis

« Appui aux collectivités territoriales

« Art. L. 5637. – Dans chaque département est instituée une cellule de soutien à la gestion des catastrophes naturelles. Elle vise à conseiller et accompagner les maires dans leurs démarches de prévention et de gestion des catastrophes naturelles en leur apportant tous les conseils et toutes les informations juridiques et techniques dont ils pourraient avoir besoin. Elle est nommée par les soins du représentant de l’État dans le département et comprend des personnalités qualifiées et des élus locaux.

« Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont précisés par décret. »

Article 7

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.