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N° 3563

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à répondre à l’urgence en psychiatrie et santé mentale,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanCarles GRELIER, JeanMarie SERMIER, Guillaume LARRIVÉ, JeanPierre DOOR, Vincent ROLLAND, JeanLuc BOURGEAUX, Alain RAMADIER, Véronique LOUWAGIE, Annie GENEVARD, , Patrick HETZEL, Thibault BAZIN, Philippe BENASSAYA, Josiane CORNELOUP, Constance LE GRIP, Robin REDA, Bernard PERRUT, Michel HERBILLON, Robert THERRY, Sandrine BOËLLE, Brigitte KUSTER, JeanLuc REITZER, Arnaud VIALA, Nathalie SERRE, Julien RAVIER, Valérie BEAUVAIS, Isabelle VALENTIN, Didier QUENTIN, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le début de la pandémie les autorités s’attachent à diminuer les effets et impacts sanitaires mais aussi économiques et sociaux de la crise. Les plans de relance ou de soutien se succèdent pour porter à bout de bras des pans entiers de notre économie nationale. L’État est dans son rôle, qui pourrait l’en blâmer ?

Et pourtant, pendant ce temps et dans un silence assourdissant, des milliers de jeunes, d’adultes ou de personnes âgées sombrent et s’écroulent moralement. Parce qu’un confinement de plus de deux mois a été pour beaucoup une épreuve plus que douloureuse : la personne âgée soudain isolée, désocialisée, privée de tout lien familial. L’adolescent enfermé entre quatre murs, coupé de ses liens amicaux, dans un climat familial parfois lourd. Les parents sur lesquels pèsent des incertitudes fortes pour l’emploi, le budget familial. Sans évoquer ces milliers de professionnels de santé sur les épaules desquels a pesé et pèse encore l’entière gestion de la crise.

Ainsi, à bas bruit, hors des statistiques officielles, des Français de tous âges et toutes conditions sombrent et s’enfoncent moralement.

Pour les plus âgés, les autorités sanitaires ont pudiquement évoqué des « syndromes de glissement » qui n’étaient rien d’autre qu’un lâcher‑prise, un adieu aux armes. Combien se seront ainsi laissés emporter, discrètement, sans déranger ? Où les retrouvera‑t‑on dans les statistiques de la Direction générale de la santé ?

Les universités de Nîmes et d’Aix‑Marseille ont mené une enquête, recueillant plus de 3 700 témoignages d’individus âgés de 18 à 87 ans. Et les résultats sont glaçants : 78% des personnes interrogées présentent les signes d’un syndrome dépressif léger à modéré. Des scores d’anxiété dépassant le seuil de la pathologie ont également été repérés chez 43 % des participants. Qui en parle ? Qui s’en soucie ? Où est le plan de soutien urgent et nécessaire à la psychiatrie et à la maladie mentale ?

Depuis des années, l’horizon indépassable de la politique du ministère de la santé a consisté à fermer des lits de psychiatrie, à limiter les consultations avancées au plus près des territoires et surtout des patients au nom de l’orthodoxie budgétaire. Le Professeur Marion Leboyer et de nombreux autres professionnels l’ont dénoncé à coup d’interviews, de tribunes, de publications d’ouvrages. Où est l’ambition pour la santé mentale ? Qui la porte ? Où sont les moyens nouveaux et indispensables dans le programme « Ma santé 2022 », ou dans le récent « Ségur de la santé » ?

Dans ce que certains nomment le monde d’après ‑ qui pour la santé mentale ne changera guère du monde d’avant ‑ on fera le bilan sanitaire de la pandémie, on en fera aussi le bilan économique et social. Et il n’est pas à douter qu’ils seront lourds. Très lourds

Qu’en sera‑t‑il du bilan humain ? Des séquelles et troubles psychologiques durables avec lesquels vont devoir vivre des millions de Français ? Qui portera le deuil de ceux qui seront partis trop vite et trop tôt, ceux qui auront « glissé » dans l’indifférence officielle, à peine entourés de leurs proches ?

Plus que jamais il est urgent d’agir. Pas de créer un énième colloque, un Ségur ou un Grenelle de plus. Il faut à la santé mentale des actes forts, pas des mots. Il faut à la santé mentale une ambition digne d’un grand pays comme la France. Et des moyens, évidemment.

Ainsi, l’article 1er déclare‑t‑il la psychiatrie Grande cause nationale pour la période 2021‑2025.

Dans ce cadre formel, l’article 2 prévoit la création d’un plan quinquennal en matière de psychiatrie et de maladie mentale, lequel fixe des objectifs clairs visant à remettre à niveau l’offre de soins, à réformer le financement, la formation et la recherche dans le domaine de la santé mentale. A titre dérogatoire et pour le temps de ce plan quinquennal, les établissements publics de santé mentale sont placés sous l’autorité directe du ministre en charge de la santé.

Enfin, l’article 3 crée l’Institut national de psychiatrie et de santé mentale sur le modèle de l’Institut national du cancer (INCA) qui a très largement fait ses preuves dans l’impulsion et la coordination des actions de prévention et de recherche.


proposition de loi

Article 1er

La psychiatrie et la santé mentale sont déclarées « Grande cause nationale pour la période 2021‑2025 ». Le ministre en charge de la santé est chargé de la mise en œuvre de cette déclaration.

Article 2

Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’Institut national de psychiatrie et de santé mentale, visé à l’article 3, remet un plan quinquennal de psychiatrie et de santé mentale au Gouvernement. Ce plan prévoit que le Gouvernement doit, par tous les moyens, mettre en œuvre des actions de remise à niveau de l’offre de soins, de développement de la prévention, de la formation et de la recherche en matière de psychiatrie et de santé mentale ainsi que du financement nécessaire à l’atteinte des objectifs de ce plan. Ce plan devra comprendre nécessairement la prévention en matière de psychiatrie et de santé mentale ainsi que les modalités de participation des associations de patients et de leurs familles à son élaboration.

À titre dérogatoire et pour la durée du plan mentionné au premier alinéa, les établissements publics de santé mentale sont placés sous l’autorité directe du ministre en charge de la santé, y compris pour la fixation et l’attribution de leurs dotations budgétaires qui resteront liquidées par les agences régionales de santé.

Article 3

Au début du chapitre IER du titre II du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3221 ainsi rédigé :

« Art. L. 3221. – I. – Il est créé, et placé auprès du Premier ministre, l’Institut national de psychiatrie et de santé mentale, chargé de coordonner et d’évaluer les actions mises en œuvre par le Gouvernement ainsi que par les différents acteurs intervenant dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale.

« À ce titre, il exerce les missions suivantes :

« 1° Proposition et élaboration, en coordination avec les organismes de recherche, les opérateurs publics et privés en psychiatrie, les professionnels de santé, les usagers du système de santé et autres personnes concernées, d’un plan quinquennal, fixé par décret. Ce plan définit les axes de la stratégie quinquennale en matière d’offre de soins, de financement et de recherche en psychiatrie et en santé mentale et l’affectation des moyens correspondants. Il précise notamment la part des crédits publics affectés à la recherche et à l’innovation en psychiatrie et en santé mentale. L’institut en assure la mise en œuvre. Le Conseil scientifique de l’institut se prononce sur cette stratégie. Il en réévalue la pertinence à mi‑parcours ;

« 2° Observation et évaluation des dispositifs de psychiatrie et de santé mentale, en s’appuyant notamment sur les professionnels et les industriels de santé ainsi que sur les représentants des usagers et leurs familles ;

« 3° Définition de référentiels de bonnes pratiques et de prise en charge en psychiatrie ainsi que de critères d’agrément des établissements et des professionnels de santé pratiquant la psychiatrie ;

« 4° Information des professionnels et du public sur l’ensemble des problèmes relatifs à la psychiatrie et à la santé mentale ;

« 5° Participation à la mise en place et à la validation d’actions de formation médicale et paramédicale continue des professions et personnes intervenant dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale ;

« 6° Mise en œuvre, financement, coordination d’actions particulières de recherche et de développement, et désignation d’entités et d’organisations de recherche en psychiatrie répondant à des critères de qualité, en liaison avec les organismes publics de recherche concernés ;

« 7° Développement et suivi d’actions communes entre opérateurs publics et privés en psychiatrie dans les domaines de la prévention, de l’épidémiologie, du dépistage, de la recherche, de l’enseignement, des soins et de l’évaluation ;

« 8° Participation au développement d’actions européennes et internationales ;

« 9° Réalisation, à la demande des ministres intéressés, de toute expertise sur les questions relatives à la psychiatrie et à la santé mentale ;

« L’institut national de psychiatrie et de santé mentale établit un rapport d’activité annuel qui est transmis au Gouvernement et au Parlement ;

« II. – L’institut national de psychiatrie et de santé mentale est constitué, sans limitation de durée, sous la forme d’un groupement d’intérêt public regroupant l’Etat et les personnes morales de droit public ou privé intervenant dans le domaine de la psychiatrie et de la recherche en santé mentale.

« Sous réserve des dispositions du présent chapitre, ce groupement est régi par le chapitre II de la loi n° 2011‑525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Un décret précise les modalités de mise en œuvre du présent article.

« Un décret fixe la composition de l’institut, les règles de nomination de ses membres ainsi que son organisation. »

Article 4

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.