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N° 3569

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

facilitant le don du sang des salariés,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard PERRUT, Édith AUDIBERT, Sandrine BOËLLE, Ian BOUCARD, Jacques CATTIN, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Bernard DEFLESSELLES, Rémi DELATTE, JeanPierre DOOR, Annie GENEVARD, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Philippe MEYER, Maxime MINOT, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Robin REDA, Frédéric REISS, Vincent ROLLAND, Martial SADDIER, JeanMarie SERMIER, Robert THERRY, Laurence TRASTOURISNART, JeanPierre VIGIER, Stéphane VIRY, Valérie BAZINMALGRAS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, les besoins pour soigner les malades nécessitent 10 000 dons de sang par jour. Et ce chiffre a tendance à progresser. En effet sous l’effet combiné de l’allongement de l’espérance de vie et des progrès de la médecine, la consommation de produits sanguins enregistre une croissance ces dernières années. La demande en dons de sang dans notre pays est en augmentation constante. Sans compter que la gestion des réserves de sang est par ailleurs très délicate dans la mesure où les produits sanguins ont une durée de vie limitée.

Aujourd’hui, il n’existe aucun traitement ni médicament de synthèse capable de se substituer au sang humain et aux produits sanguins labiles (PSL), issus des dons de sang. Cet acte volontaire et bénévole est donc irremplaçable et permet de soigner plus d’un million de malades chaque année en France. Vitaux, les produits sanguins sont utilisés dans deux grands cas de figure : les situations d’urgence (hémorragies lors d’un accouchement, d’un accident, d’une opération chirurgicale…) et les besoins chroniques (maladies du sang et cancers). Chaque patient reçoit en moyenne cinq PSL.

Les produits sanguins sont également employés pour fabriquer des médicaments (immunoglobulines, facteurs de coagulation…) et plus de 200 maladies sont ainsi traitées avec des substances produites à partir du plasma. Les patients bénéficiant de ces traitements représentent à eux seuls la moitié des malades soignés en France grâce aux dons de sang.

Les quatre cinquièmes de la collecte de sang total (assurée par l’Établissement Français du Sang dans un cadre monopolistique et réglementé) sont prélevés annuellement au moyen de 40 000 collectes mobiles dans les villages, quartiers de villes, entreprises et établissements d’enseignement. Selon la Cour des comptes, « malgré de nombreuses réflexions sur l’organisation de ces collectes, celleci a peu évolué et reste peu efficiente par rapport au nombre et à la qualification des personnels mobilisés ».

En dépit des évolutions permises par l’ordonnance du 20 octobre 2016, qui conforte le rôle et les pouvoirs de l’établissement français du sang (EFS) vis‑à‑vis des établissements régionaux, l’organisation des collectes mobiles reste encore marquée par l’indépendance historique des établissements et par un pilotage national jugé insuffisant, se traduisant par une grande hétérogénéité des pratiques, notamment suivant les régions.

Les moyens mobilisés par collecte sont très variables. Les difficultés de prévision du nombre de donneurs ainsi que l’obligation de présence d’un médecin et d’infirmiers sur chaque site de collecte conduisent à affecter des ressources humaines excédentaires par rapport aux dons effectivement recueillis.

S’agissant des sites fixes de prélèvement, qui collectent à la fois du sang total par prélèvement et du plasma et des plaquettes, leur nombre a été réduit de 159 en 2009 à 124 en 2018, dont 37 d’entre eux ont fait l’objet d’une profonde restructuration. Pour autant, ces centres apparaissent toujours en sureffectif au regard de l’activité réalisée.

Les difficultés économiques et opérationnelles auxquelles est confrontée la filière du sang et des médicaments dérivés du plasma en France menacent sa pérennité. Des décisions et des efforts partagés entre les pouvoirs publics et les opérateurs eux‑mêmes s’imposent pour préserver cette filière importante pour la sécurité d’approvisionnement des établissements de santé.

Or, s’il est habituel qu’à certaines périodes de l’année les dons soient moins nombreux, la crise sanitaire induite par le coronavirus, et a fortiori, le confinement a eu un lourd impact sur nos réserves de produits sanguins labiles, alors que les besoins des malades restent importants, rendant les dons d’autant plus essentiels.

Avec le télétravail et la fermeture des établissements d’enseignement, les dons du sang ont été effectivement moins nombreux pendant le confinement, bien que figurant parmi les motifs dérogatoires d’autorisation de sortie. Par conséquent et malgré la mobilisation des Français, nos réserves sont au plus bas. Les mesures barrières ont également ralenti le rythme des collectes existantes. Craignant la pénurie, l’EFS a lancé plusieurs appels aux dons. Certes fructueux, ces appels n’ont pas permis de reconstituer suffisamment nos stocks, qui sont en tension, de façon quasiment chronique – situation qui ne risque pas de s’améliorer avec la décision de reconfinement.

En dehors des risques de pénurie, il est de notre devoir d’assurer l’autosuffisance nationale en produits sanguins labiles et renforcer ainsi notre souveraineté sanitaire. Un des enseignements essentiels de la pandémie de covid19 est que celle‑ci n’est jamais acquise. Le sujet est grave : si depuis la création de l’EFS il y a vingt ans, lors de la réorganisation voulue par les pouvoirs publics à la suite au scandale du sang contaminé, l’autosuffisance en produits sanguins labiles a été constante, la crise sanitaire montre que cette dernière demeure un défi quotidien que nous devons relever par la disponibilité des équipes et la protection des donneurs et des collaborateurs, pour assurer la continuité d’activité essentielle au service des malades. Le renforcement de la souveraineté sanitaire nous impose aussi de mieux structurer et de mieux organiser, pour la solidifier, la filière.

Face à ces différents constats, et compte‑tenu de l’érosion de 10 % du nombre de donneurs chaque année, il est primordial de multiplier les dispositifs incitatifs à destination de potentiels nouveaux donneurs et afin de fidéliser davantage ceux qui donnent déjà. À ce jour, une personne effectue 1,85 don par an. Pour permettre d’atteindre l’autosuffisance, il faudrait que chaque donneur effectue deux dons par an.

Plusieurs mesures ont déjà été prises pour favoriser le don du sang comme celles permettant d’augmenter l’âge limite pour donner son sang ou l’augmentation du nombre de dons possibles chaque année. Rappelons cependant qu’un donneur est limité à 4 fois par an pour les femmes et six fois pour les hommes.

En raison du faible niveau des réserves en produits sanguins, l’EFS, nous l’avons dit, met en place des collectes permanentes assurées sur des sites fixes mais également des opérations ponctuelles organisées en entreprise notamment. Il est estimé qu’en moyenne 8 à 12 % des salariés participent à la collecte de sang en entreprise. Mais cette opération reste compliquée pour les salariés quand les collectes de sang sont organisées en dehors de leur entreprise.

Le droit actuel prévoit la possibilité d’une autorisation d’absence pour les salariés à la discrétion de l’employeur (article D. 1221‑2 du code de la santé publique) et il apparaît aujourd’hui opportun, voire indispensable, de faire de cette faculté laissée à l’appréciation de chaque entreprise, une obligation. C’est l’objet de cette proposition de loi qui systématise ce principe et inscrit la possibilité, pour les salariés du secteur public et privé, de s’absenter de leur lieu de travail afin de pouvoir donner leur sang, sans diminution de salaire. Le bénéfice de la rémunération, de la période de travail effectif ou de la détermination des congés payés reste acquis sans que ces dispositions ne portent atteinte au principe de gratuité des dons.


proposition de loi

Article unique

La section 2 du chapitre II du titre IV du livre premier de la troisième partie du code du travail est complétée par une sous‑section 11 ainsi rédigée :

« Sous‑section 11

« Autorisation d’absence au titre du don du sang

« Art. L. 31421041. – Le salarié du secteur public ou privé bénéficie, sous réserve d’en avoir informé son employeur au moins quarante‑huit heures à l’avance et sous réserve de la nécessité du service, d’une autorisation d’absence équivalente à la durée consacrée à la collecte du sang, de ses composants et de ses produits sanguins labiles pour autant que la durée de l’absence n’excède pas le temps nécessaire au déplacement entre lieu de travail et lieu de prélèvement et, le cas échéant, au retour, ainsi qu’à l’entretien et aux examens médicaux, aux opérations de prélèvement et à la période de repos et de collation jugée médicalement nécessaire.

« Cette absence n’entraîne aucune diminution de la rémunération et est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté dans l’entreprise sans que ces dispositions ne constituent un paiement au sens de l’article L. 1211‑4 du code la santé publique.

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article, notamment le nombre maximal d’absences que l’employeur est tenu de consentir. »