Description : LOGO

N° 3623

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre la pénurie de médicaments,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Fabrice BRUN, Emmanuelle ANTHOINE, Julien AUBERT, Édith AUDIBERT, Valérie BAZINMALGRAS, AnneLaure BLIN, Ian BOUCARD, Marine BRENIER, JeanClaude BOUCHET, JeanLuc BOURGEAUX, Jacques CATTIN, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Vincent DESCOEUR, MarieChristine DALLOZ, Bernard DEFLESSELLES, Julien DIVE, Fabien DI FILIPPO, Claude de GANAY, Annie GENEVARD, Claire GUION‑FIRMIN, Brigitte KUSTER, Yves HEMEDINGER, Patrick HETZEL, Marc LE FUR, Constance LE GRIP, Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, Philippe MEYER, Maxime MINOT, Jérôme NURY, JeanFrançois PARIGI, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Nathalie PORTE, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, JeanLuc REITZER, Vincent ROLLAND, JeanMarie SERMIER, Michèle TABAROT, Robert THERRY, Laurence TRASTOURISNART, Isabelle VALENTIN, Arnaud VIALA, JeanPierre VIGIER, Stéphane VIRY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La hausse du nombre de ruptures de stock est aujourd’hui exponentielle.

Alors que le phénomène était encore marginal avant 2010 (44 ruptures de stock recensées en 2008), il a connu une forte croissance depuis le début de la dernière décennie. Les pénuries de médicaments concernaient ainsi environ 400 médicaments par an avant 2016, puis 1 200 médicaments en 2019.

Alors que la crise du covid‑19 a mis en évidence cette pénurie, 1 200 médicaments ont été en rupture de stock en 2019, l’Autorité nationale de sécurité du médicament (ANSM) envisage leur doublement en 2020, ce qui correspond à une rupture de stock de près de 2 400 médicaments soit six fois plus qu’il y a quatre ans.

Dans une étude publiée le 9 novembre, l’UFC‑Que Choisir a analysé les différentes solutions apportées par les industriels aux situations de pénuries.

Il ressort de cette étude que dans près de deux‑tiers des cas, elles sont insuffisantes.

Il apparaît ainsi que dans seulement 37 % des situations, les laboratoires proposent une solution acceptable en mettant dans le circuit français des produits initialement destinés à alimenter d’autres pays et que pour 30 % des pénuries, les industriels renvoient vers une alternative thérapeutique, solution pas systématiquement satisfaisante.

Plus grave cette étude met en évidence que dans 12 % des cas, les propositions des industriels sont totalement insatisfaisantes (diminution des doses et impossibilité d’accéder au traitement pour certains usagers) et que pour 18 % des pénuries, les industriels n’apportent aucune solution aux professionnels et aux patients.

Elle révèle également que l’indépendance sanitaire nationale et européenne est mise à mal puisque 80 % du volume de principes actifs est maintenant fabriqué dans des pays hors Union européenne, contre 20 % il y a 30 ans.

La mission sénatoriale menée par notre collègue Jean‑Pierre Decool avait pour sa part, dès 2018 fait état une durée moyenne des pénuries de 14 semaines.

Le 6 mai 2020, le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell a souligné qu’il n’était « pas normal que l’Europe ne produise pas le moindre gramme de paracétamol et que la Chine concentre 80 % de la production mondiale d’antibiotiques ».

Dans cette perspective, il est indispensable de relocaliser sur le continent européen une industrie pharmaceutique capable d’approvisionner les européens en médicaments et principes actifs pharmaceutiques essentiels à notre sécurité sanitaire.

À l’initiative de l’auteur de la proposition de loi, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a adopté, à l’unanimité, le 18 juin 2020, une résolution relative à la relocalisation de la fabrication des médicaments et des principes actifs pharmaceutiques en Europe afin de lutter contre le phénomène de pénurie.

Devant l’ampleur de la crise, la constitution de stock de sécurité est désormais vitale.

La présente proposition vise à apporter une première réponse à la question de la pénurie de médicament en instaurant une durée légale minimale de quatre mois de stockage pour les médicaments à intérêt thérapeutique majeur.

Le mécanisme proposé s’inscrit dans une démarche constructive vis‑à‑vis des acteurs privés et s’inspire du dispositif mis en place dès 2009 en Finlande en introduisant une compensation financière pour les coûts qui pourraient être engendrés par la constitution de ces stocks.

Le dispositif n’est pas contraire aux règles européennes et un nombre croissant de pays européens a, ou envisage d’avoir recours aux stocks de sécurité pour lutter contre ces intolérables pénuries.

D’autre part, les entreprises pharmaceutiques disposeront d’un délai suffisant pour pouvoir augmenter leur production et s’adapter aux niveaux de stocks requis en France, sans que cela n’impacte les ventes dans les autres pays de l’UE.

Ces stocks de sécurité seraient par nature « tournants » répondant en grande partie aux problématiques potentielles de durée de conservation. Par ailleurs une liste d’exception pourra être établie pour prendre en compte certaines spécificités.


proposition de loi

Article 1er

Le deuxième alinéa de l’article L. 5121‑29 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le mot : « européen », la fin de la première phrase est supprimée ;

2° Après la même première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111‑4, ce stock correspond à quatre mois de couverture des besoins en médicament, calculés sur la base du volume des ventes de la spécialité au cours des douze derniers mois glissants. Pour les autres médicaments, ce stock doit être constitué dans une limite fixée dans des conditions définies par décret en Conseil d’État et qui ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins en médicament, calculés sur la même base. »

Article 2

L’article L. 138‑1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le cas échéant, le stock légal de sécurité prévu au deuxième alinéa de l’article L. 5121‑29 du code de la santé publique donne lieu à une diminution de l’assiette de la contribution pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Le montant de cette diminution est fixé à 20 % de la valeur totale des médicaments stockés, dans la limite des quatre mois obligatoires de couverture des besoins, calculée en fonction des prix de vente hors taxes aux officines. »

Article 3

La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.