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N° 3624

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à étendre le statut et les conditions d’attribution de la mention « Mort pour le service de la Nation »,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Laurence TRASTOURISNART, Michèle TABAROT, Marc LE FUR, Charles de la VERPILLIÈRE, Brigitte KUSTER, Ian BOUCARD, Bernard PERRUT, Michel VIALAY, Éric DIARD, Nathalie BASSIRE, Stéphane VIRY, Éric PAUGET, Robert THERRY, Philippe MEYER, Robin REDA, Jacques CATTIN, Bernard BROCHAND, Didier QUENTIN, Fabien DI FILIPPO, Josiane CORNELOUP, Nicolas FORISSIER, Éric CIOTTI, Nathalie SERRE, Isabelle VALENTIN, JeanYves BONY, JeanLuc REITZER, Arnaud VIALA,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Les peuples cessent de vivre quand ils cessent de se souvenir » énonçait le Maréchal Foch. Souvenons‑nous des soldats de France, qui sont aujourd’hui des oubliés de la Nation.

François, Alexandre, Patrick, Quentin, Sébastien, François, Stéphane, Anthony, Romuald,  Alexandre, Bob, Baptiste, Audrey, Xavier, Quentin, Olivier, Vincent.

Ces prénoms sont ceux des militaires décédés accidentellement en exercices opérationnels ou en missions d’opérations intérieures et qui ne sont pas reconnus avec la mention « Mort pour le service de la Nation ».

La mention « Mort pour le service de la Nation » a été instituée par l’article 12 de la loi n° 2012‑1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme. Désormais, conformément aux dispositions de l’article L. 513‑1 et R. 513‑1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, l’attribution de cette mention permet de rendre hommage à tout « militaire tué en service ou en raison de sa qualité » et à tout « agent public tué en raison de ses fonctions ou de sa qualité ».

Le décret n° 2016‑331 du 18 mars 2016 est venu préciser que le décès du militaire ou de l’agent public doit être la conséquence « de l’acte volontaire d’un tiers » ou être dû à « l’accomplissement de ses fonctions dans des circonstances exceptionnelles ». Ces conditions restreignent l’octroi du statut en excluant bon nombre de cas.

Depuis juin 2017, au regard des conditions requises, les militaires décédés accidentellement lors d’un entraînement, d’un exercice de préparation opérationnelle ou en mission intérieure (OPIN) et qui méritent toute la considération de la Nation ne se voient plus attribuer cette mention. En conséquence leurs enfants ne sont pas des « Pupilles de la nation » et leur conjoint ne bénéficie pas de certains droits.

Aujourd’hui, les conséquences de ces décisions font que les militaires décédés après juin 2017 sont reconnus uniquement avec la mention « Mort en service ». Cette mention ne fait pas de distinction entre ces militaires décédés accidentellement dans l’exercice de leurs fonctions en mission et ceux qui décèdent dans les accidents de la vie courante (hors missions, accident de la circulation, incident etc.).

Pourtant, dans le cadre d’une armée de métier, les entraînements extrêmes, y compris les phases de préparation les plus dures et les plus complexes, sont le pré‑requis incontournable du succès des opérations menées en conditionnant des soldats aguerris physiquement, psychologiquement et moralement.

C’est pendant ces entraînements nécessaires qu’ils sont confrontés à des milieux inhabituels et hostiles.

Exigeante, sans concession, la mise en condition avant projection prépare nos soldats et nos unités à faire face à toutes les situations auxquelles ils pourront être confrontés au cours de leur mission. C’est grâce à ces formations que nos armées limitent ainsi le nombre de blessés et de morts sur les théâtres opérationnels.

En effet, avant de s’engager sur les terrains extérieurs, comme au Mali ou au Levant, un haut niveau d’aguerrissement est, aujourd’hui, indispensable et ne doit pas être négligé. L’entraînement d’un militaire est indissociable de la préparation opérationnelle au combat. Dans un environnement tactique contraignant, face à un ennemi déterminé et dans des conditions climatiques souvent difficiles, les militaires doivent faire preuve de résistance, de la formation initiale jusqu’aux déploiements en opérations, en passant par l’entraînement au sein des régiments.

Hélas, des accidents parfois mortels sont à déplorer lors de ces préparations, par le fait des armes et de l’utilisation des matériels.

De plus les conséquences de ces décisions ont aussi un impact sur les frères d’armes, car quand l’un deux disparaît en service extrême, ils perdent une partie d’eux‑mêmes.Cette décision affecte également les nouvelles générations de militaires. Comment les prochains pourront idéaliser leur engagement si la Nation ne reconnaît pas les anciens dont les parcours ont été exceptionnels et reconnus par leur régiment, et qui ont laissé leur vie pour le service de la patrie.

Estil normal de ne pas reconnaître un plongeur démineur de 24 ans décédé dans l’accomplissement de sa mission alors que son bâtiment se trouvait en baie de Seine dans le cadre d’une mission de déminage ?

Estil normal que suite à un accident de montagne en janvier 2016, d’où cinq légionnaires trouvèrent la mort, seul celui de nationalité française ait été reconnu ; alors que les légionnaires qui décèdent en opération extérieure bénéficient de la mention « Mort pour la France » sans distinction de nationalité ?

Estil normal qu’un adjudantchef du 3e RPIMa décédé lors d’une mission où il préparait sa 14e opération extérieur avant projection, en 2017, ne soit pas reconnu « Mort pour le service de la nation » ?

Dans son rapport de juillet 2019, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire ( HCECM) soulignait que : « La guerre impose aux militaires de s’y préparer dans des conditions proches de sa réalité, de telle sorte que les militaires des armées sont aussi exposés à la mort et à la blessure durant leur phase de préparation opérationnelle. Les armées déplorent des pertes liées aux activités de préparation opérationnelle, d’activités aériennes ou à la mer.Le combat nécessite en effet un entraînement préalable selon des modalités proches de ce que pourraient rencontrer les militaires déployés. Cela conduit à des périodes de mise en condition opérationnelle qui ne sont pas nécessairement sans risques. »

La mort d’un serviteur de la Nation dans des conditions extrêmes de service et de préparation à des opérationnelles difficiles ne demandetelle pas, dès lors, la solidarité nationale, la reconnaissance et le soutien de l’État ?

C’est la raison pour laquelle de nombreuses familles souhaitent que leur soit étendue l’attribution de la mention « Mort pour le service de la Nation » notamment pour que leurs enfants puissent être reconnus en qualité de « pupilles de la Nation » et que l’inscription du nom du défunt soit portée sur un monument de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation. Tel est le sens de la présente proposition de loi.

Tous ces volontaires se sont engagés au service d’un idéal : notre patrie. Ne les oublions pas.

 


proposition de loi

Article 1er

Après le 1° de l’article L. 513‑1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis D’un militaire dont le décès est survenu accidentellement sur le territoire national, sur terre, dans les airs ou sur la mer, lors d’un entraînement, d’un exercice de préparation d’opération ou en mission intérieure, par le fait des matériels, armes, systèmes d’armes et situations extrêmes ; sous rapport et avis de son Chef de corps ».

Article 2

La charge pour l’État résultant de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.