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N° 3625

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

instaurant la responsabilité pénale des mineurs à 16 ans,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric PAUGET, Julien AUBERT, Édith AUDIBERT, Thibault BAZIN, Philippe BENASSAYA, AnneLaure BLIN, Sandrine BOËLLE, Bernard BROCHAND, Jacques CATTIN, Josiane CORNELOUP, Fabien DI FILIPPO, Virginie DUBYMULLER, Annie GENEVARD, Michel HERBILLON, Brigitte KUSTER, Constance LE GRIP, Geneviève LEVY, Frédérique MEUNIER, JeanFrançois PARIGI, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Nathalie PORTE, Robin REDA, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Bernard REYNÈS, Raphaël SCHELLENBERGER, Robert THERRY, Laurence TRASTOURISNART, Arnaud VIALA, Michel VIALAY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avec 3 700 816 infractions relevées en 2019 contre 3 408 200 à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) démontre que la délinquance a explosé de 10 % ces dernières années, alors même qu’elle avait reculé de 5 % durant le mandat de ce dernier avec 3 548 260 infractions constatées au début de son mandat.

Cette criminalité galopante, n’épargne malheureusement pas notre jeunesse qui devient de plus en plus violente de plus en plus tôt. En augmentation de 30 % à Paris, 60 % à Pontoise, de plus de 100 % à Bordeaux d’après la dernière enquête publiée par l’Obs en 2020, la délinquance des mineurs en France a littéralement explosé en 2019 dans notre pays.

Par‑delà la multiplication massive de cette délinquance des jeunes qui témoigne d’une situation particulièrement alarmante, c’est également la hausse inquiétante du nombre de mineurs présentés devant la justice, qui doit nous interpeller.

Avec 4 333 déferrements de mineurs enregistrés l’année dernière contre 3 340 durant l’année de l’élection du Président Macron, le nombre de déferrement des moins de 18 ans a bondi de 29,7% entre 2017 et 2019 d’après l’enquête de l’Obs.

Pareillement, l’ONDRP souligne que la mise en cause des mineurs par les forces de l’ordre pour des atteintes aux personnes (coups et blessures volontaires, agressions, violences sexuelles…) ont augmenté de 237 % ces dernières années. Cette radicalisation violente d’une jeunesse délinquante qui se durcit, doit profondément nous alerter, mais surtout nous interroger quant aux réponses que nous devons y apporter.

Si l’évolution de notre législation pénale des adultes s’est adaptée au fil des décennies pour répondre aux dérives violentes de notre société, celle de la jeunesse n’a connu qu’une seule modification majeure qui était l’abaissement de la majorité pénale de 21 à 18 ans en 1974.

En effet, la majorité pénale est toujours fixée à 18 ans en France. Cette limite fixe l’âge à partir duquel un délinquant relève du droit commun réservé aux majeurs. Or les mœurs criminelles des mineurs ont profondément changé et la jeunesse délinquante de 2020 n’est plus celle de l’ordonnance de 1945.

Son impact profond sur la société française moderne alimente d’ailleurs de nombreux débats portant notamment sur un nouvel abaissement de la majorité pénale des mineurs à 16 ans, et ce depuis de nombreuses années.

Si une telle mesure, pourrait permettre de prononcer des peines actuellement réservées aux adultes à l’encontre des individus âgés de 16 ans et plus, elle pourrait cependant emporter plusieurs mesures contre productives. D’ailleurs, une autonomie citoyenne précoce pourrait provoquer une dangereuse émancipation familiale d’un public encore plus jeune.

De plus, l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans est en contradiction avec la convention internationale relative aux droits de l’enfant, signée par la France, selon lequel « un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans » 

A cet effet, il convient aussi de rappeler que le Conseil constitutionnel fixait la majorité pénale à 18 ans comme un principe à valeur constitutionnelle en 2002, ce qui constituerait un nouvel obstacle juridique à l’implantation d’une telle mesure.

Enfin, des atténuations inévitables de cette majorité pénale fondée sur l’absence de discernement actuelle des moins de 18 ans, pourraient conduire à l’irresponsabilité pénale des individus majeurs les plus jeunes.

En conséquence, la problématique d’une réponse pénale adaptée à la délinquance des plus jeunes, ne dépend finalement pas de leur majorité pénale, mais plutôt d’une véritable responsabilité pénale des mineurs.

En effet, d’après la loi, c’est la responsabilité pénale des mineurs qui est engagée en cas de délit, car elle seule lui impose l’obligation de répondre de ses actes devant la justice. Cependant, la loi française ne fixe pas d’âge pour la responsabilité pénale des délinquants de moins de 18 ans qui est seulement fondée sur leur capacité de discernement prévue aux termes de l’article 122‑8 du code pénal français.

Or l’instauration d’une responsabilité pénale à 16 ans permettrait d’apporter une réponse proportionnée aux actes de délinquance commis par des individus de 16 ou 17 ans et de remédier à l’actuelle clémence du système applicable tout en envoyant un signal fort envers ces délinquants mineurs souvent décrits comme multirécidivistes.

Aussi, c’est dans le prolongement de la suppression de l’excuse atténuante de minorité des mineurs multirécidivistes actée en 2007 par le Président Sarkozy, que je vous propose désormais d’instaurer un âge minimum de la responsabilité pénale des mineurs à partir de 16 ans, tout en conservant l’exigence morale du discernement en deçà.

L’article 1er prévoit donc la reconnaissance systématique de la responsabilité pénale, et non selon le critère du discernement, des mineurs de seize à dix‑huit ans.

Par son article 2, cette proposition de loi exclue la notion d’atténuation des peines prononcées à l’encontre des mineurs âgés de seize à dix‑huit ans en cas de récidive.

Enfin, l’article 3 précise que la complaisance des parents à l’égard des comportements délinquants de leur enfant mineur soit punie au titre de la mise en péril de l’enfant d’une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

 

 


proposition de loi

Article 1er

Au premier alinéa de l’article 122‑8 du code pénal, les mots : « capables de discernement » sont remplacés par les mots : « âgés de dix à seize ans capables de discernement et ceux âgés de seize à dix‑huit ans ».

Article 2

I. – Le second alinéa de l’article L. 122‑8 du code pénal est ainsi modifié :

1° Les mots : « dix à dix‑huit » sont remplacés par les mots : « dix à seize » ;

2° Après les mots : « dont ils bénéficient », sont insérés les mots : « ou non ».

II. – Après le deuxième alinéa de l’article 20‑2 de l’ordonnance n° 45‑174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si le mineur est âgé de plus de seize ans et que le crime ou le délit a été commis en état de récidive légale, les règles d’atténuation des peines ne s’appliquent pas. Toutefois, à titre exceptionnel, la cour d’assises des mineurs peut en décider autrement, de même que le tribunal pour enfants qui statue par une décision spécialement motivée. Les mesures ou sanctions éducatives prononcées contre un mineur ne peuvent constituer le premier terme de l’état de récidive. »

Article 3

Au premier alinéa l’article 227‑17 du code pénal, après les mots : « enfant mineur » sont insérés les mots : « ou de faire preuve de complaisance à l’égard des délits ou des crimes qu’il aurait commis ».