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N° 3662

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à limiter le nombre de préfets sans affectation territoriale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christophe NAEGELEN, Sophie AUCONIE, Guy BRICOUT, Béatrice DESCAMPS, Grégory LABILLE, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Nicole SANQUER, JeanLuc WARSMANN, Michel ZUMKELLER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les préfets sont nommés par décret du Président de la République en conseil des ministres, sur proposition du Premier ministre et du ministre de l’intérieur.

La position de préfet hors‑cadre a été supprimée successivement par le décret n° 2015‑535 du 15 mai 2015 puis par l’article 31 de la loi n° 2016‑483 du 20 avril 2016. Ainsi le décret de mai 2015 élargit le cadre des autres fonctions pouvant être confiées aux préfets, à savoir : conseiller du Gouvernement, membre du Conseil supérieur de l’administration territoriale de l’État ou affectation à l’administration centrale du ministère de l’intérieur et du ministère des outre‑mer ou en cabinet ministériel.

Dans la pratique, soit un préfet est affecté à un poste territorial en préfecture, soit il occupe une autre fonction. Les autres fonctions des préfets sans affectation sur un poste territorial peuvent être très variables, allant de préfets exerçant des fonctions en‑dehors du ministère, mais restant payés par lui, à préfets nommés en mission de service public (dix maximum sur l’effectif total) qui sont affectés à la présidence de la République, au ministère de l’intérieur ou au premier ministre, en passant par préfets exerçant des fonctions de responsabilité variées au ministère de l’intérieur ou même préfets en attente d’affectation – rémunérés alors qu’ils ne travaillent pas. Les préfets titulaires peuvent également être mis en disponibilité dans l’intérêt du service, pour une durée maximale de cinq ans. À noter que le nombre des préfets titulaires placés en service détaché ou en disponibilité avec traitement ne peut excéder 30 % de l’effectif total du corps.

Au 15 septembre 2020, 131 préfets n’exercent pas en administration préfectorale, soit environ 50 % de l’effectif total du corps préfectoral :

 15 sont membres du conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation ;

 5 sont conseillers du Gouvernement ;

 12 sont détachés sur des emplois supérieurs (secrétaire général d’un ministère, directeur d’administration centrale, délégué ministériel) au sein du ministère de l’Intérieur ;

 52 sont en services détachés hors du ministère de l’intérieur, en disponibilité ou mis à disposition ;

 7 sont préfets chargés d’une mission de service public relevant du Gouvernement ;

 6 sont affectés en cabinet, soit au sein du cabinet du Président de la République, du cabinet du Premier ministre, soit dans un autre ministère ;

 15 sont chargés d’une mission au sein de l’administration centrale du ministère de l’Intérieur ;

 19 sont en transition professionnelle, dont 3 feront valoir leurs droits à la retraite d’ici la fin de l’année 2020 et 6 retrouveront prochainement une mission, et sont chargés de mission auprès du secrétaire général du ministère de l’intérieur. Les préfets sans aucune affectation représentent donc 7 % des effectifs du corps préfectoral et 5,95 % de la masse salariale.

Le problème qui apparaît est double puisque d’une part le corps préfectoral est caractérisé par un effectif pléthorique, largement supérieur aux affectations territoriales existantes, d’autre part ces emplois de préfets sans affectation territoriale remettent en cause le bienfondé d’un corps censé représenter l’État dans les territoires. En effet certains préfets sont clairement sous‑employés et certains occupent des postes de chargés de missions aux contours flous, dans les services du ministère de l’intérieur ou auprès du Défenseur des droits. Ce, alors même qu’ils continuent à percevoir un salaire moyen de 8 000 euros net mensuels, accompagné de primes.

Dans un référé sévère adressé au gouvernement, la Cour des comptes s’émouvait déjà en 2014 du trop grand nombre de membres du corps préfectoral sans affectation. Sur un effectif de 250 préfets (en 2013), seuls la moitié étaient affectés à un territoire (127). Les Sages de la rue Cambon avaient fustigé des missions visant à « donner une occupation » aux préfets, entre deux affectations. Depuis, en dépit des recommandations de l’institution, la situation a peu évolué et la part des non‑affectés reste problématique.

Fin 2017, des sénateurs ont été chargés d’évaluer la gestion du corps préfectoral. Ils relèvent que « le nombre de préfets n’occupant pas de poste territorial représente toujours la moitié du total ». Deuxième remarque des élus de la haute assemblée : certains préfets qui relèvent de la catégorie des conseillers du gouvernement (anciennement hors cadre) « continuent d’être affectés à des fonctions au rapport lointain ou indéterminé avec l’administration territoriale. »

De manière plus générale, le problème soulevé tient à la totale opacité dans la gestion du corps préfectoral. Les chefs de l’État ont pris l’habitude de nommer préfets leurs fidèles et proches collaborateurs afin de les « recaser. » De plus, lorsque les préfets n’ont aucune affectation, c’est un énorme gaspillage sur le plan financier étant donné qu’un préfet gagne entre 6 000 et 12 000 euros nets par mois.

Alors qu’il conviendrait que le Gouvernement supprime la catégorie des préfets nommés en mission de service public, la présente proposition de loi vise à améliorer la transparence de la pratique des préfets sans affectation territoriale en limitant leur nombre à 30 % de l’effectif total du corps préfectoral.


proposition de loi

Article unique

Après l’article 8 de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, il est inséré un article 8 bis ainsi rédigé :

« Art. 8 bis. – Le nombre de préfets sans affectation territoriale est limité à 30 % de l’effectif total du corps préfectoral.

« Un décret pris en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »