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N° 3685

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer le développement des projets éoliens,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Laure de LA RAUDIÈRE, Vincent LEDOUX, Sophie AUCONIE, Bérengère POLETTI, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Xavier BRETON, Thierry BENOIT, Benoit POTTERIE, Annie CHAPELIER, Patricia LEMOINE, Vincent DESCOEUR, Guy BRICOUT, Maina SAGE, JeanLuc REITZER, Antoine HERTH,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis des années les éoliennes sont le symbole de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Le déploiement de l’énergie éolienne s’est ainsi accéléré depuis le début des années 2000. En prenant pour exemple l’Allemagne, la France a déjà investi plus de 9 milliards d’euros d’aides directes à la filière éolienne sur les vingt dernières

Ce déploiement est amené à être amplifié. Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ambitionne de porter à 15 % la part de l’énergie éolienne dans la production d’électricité française en 2028. Cet objectif impliquerait l’augmentation du nombre d’éoliennes terrestres passant de plus de 8 000 éoliennes en 2019 à près de 15 000 en 2028. Dans cette perspective, l’impact budgétaire final du soutien public aux éoliennes s’élèverait en 2028 entre 72,7 et 90 milliards d’euros.

Cet accroissement spectaculaire fait réagir de plus en plus d’élus et de citoyens dans les territoires et l’acceptabilité sociale du déploiement de l’éolien se retrouve aujourd’hui fortement fragilisée. Des enjeux économiques, environnementaux et liés à l’aménagement du territoire font surface.

Afin de répondre à plusieurs interrogations sur le sujet, l’Assemblée nationale a créé en février 2019 une commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétiques. Au fil des auditions de cette commission d’enquête, plusieurs écueils de la filière éolienne ont été mis en lumière.

Le bilan environnemental des éoliennes ne semble pas aussi formidable que les promoteurs veulent le faire croire, et l’image associant transition écologique et éolienne parait tout sauf réaliste aujourd’hui :

– Les pales des éoliennes sont fabriquées à partir de matériaux composites, mélanges de fibre de verre, de fibre de carbone, de résines polyester ou de résines d’époxy. Cette composition fait que ces pales ne sont pas recyclables contraignant ainsi les exploitants à les enfouir lors du renouvellement ou du démantèlement d’éoliennes.

– Le socle des éoliennes est en béton armé pour maintenir le mât et assurer sa stabilité. L’enfouissement de ces socles se font à trois à quatre mètres sous terre, parfois plus, avec un diamètre d’environ quinze mètres. Le volume de béton coulé est d’environ 500 m3, parfois plus pour les nouvelles éoliennes de très grande taille.

L’énergie éolienne terrestre a une faible productivité du fait de son intermittence. Le fonctionnement d’une éolienne à pleine puissance est effectif sur seulement 21 % du temps, en moyenne et de façon non prédictive et non pilotable.

Face à ces constats, et à la construction d’éoliennes réalisée sans planification, sans concertation avec les élus locaux, sans tenir compte de la proximité ou de la covisibilité avec des monuments historiques majeurs, sans se soucier des paysages remarquables et touristiques de la France, des oppositions fortes à l’implantation des parcs éoliens se manifestent dans tous les territoires.

Le rapport de 2018 du ministère de la transition écologique et solidaire souligne que près de 70 % des autorisations délivrées pour l’implantation d’éolienne font l’objet de recours devant les tribunaux administratifs. De plus en plus d’associations d’opposition à des projets éoliens se créent avec le soutien de nombreux élus locaux.

La présente proposition de loi vise à apaiser les relations des projets éoliens avec les territoires en améliorant l’encadrement des implantations.

Depuis plusieurs années, afin d’accélérer le déploiement, des barrières réglementaires ont été levées, retirant ainsi toute capacité qu’ont les élus locaux ou l’État à organiser le déploiement des éoliens sur le territoire, et ce malgré tous les schémas d’aménagement du territoire existant : SRADDET, SCOT, SRCAE, PCAET… Les PLU ou PLUI ne peuvent pas non plus interdire l’éolien sur l’ensemble d’un territoire, s’il n’existe pas un document préexistant de protection des paysages ou du patrimoine de type AVAP ou directive paysagère.

Cette situation est très préjudiciable au développement serein et apaisé de l’éolien terrestre. Il convient donc de redonner ce pouvoir aux territoires, en concertation avec l’État, tout en s’assurant des bonnes relations entre les exploitants éoliens, les élus et la population.

C’est tout l’objet du chapitre 1er de cette proposition de loi.

L’article 1er de cette proposition de loi, qui vient recréer les zones de développement de l’éolien, un peu hâtivement supprimées en 2013.

Les ZDE permettent de définir les zones où l’implantation des éoliennes est possible.

L’article 2 vise à imposer le dépôt d’un permis de construire lors du remplacement d’une éolienne. Aujourd’hui lorsqu’il n’y a pas de modifications substantielles des éoliennes au moment de leur renouvellement, la loi précise qu’il n’y a pas de nouvelle autorisation environnementale à demander, mais seulement une déclaration à faire auprès de la préfecture.

Or il peut arriver que les documents d’urbanisme évoluent sur un territoire (par exemple, mise en place d’une directive paysagère, mise en place d’une AVAP) ou que le droit de l’urbanisme change.

En l’état du droit, ces évolutions des documents d’urbanisme ne pourraient pas s’appliquer aux parcs éoliens existants en cas de renouvellement, s’il n’y a pas de modifications substantielles. La suppression de la demande du permis de construire en 2017 est à l’origine de cette difficulté car le législateur a déconstruit le lien entre la construction d’une éolienne et le droit de l’urbanisme. Cela ne pose pas de difficulté pour la construction initiale de l’éolienne, car le préfet vérifie ce point lors de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale.

Or, même si aujourd’hui les renouvellements des éoliennes se font généralement avec des modifications substantielles (augmentation de la hauteur des éoliennes de façon significative) et donne donc lieu à une nouvelle demande d’autorisation environnementale, il est probable que dans quelques années, ce ne soit plus le cas ; l’augmentation de la taille des éoliennes ne sera plus aussi significative que durant ces vingt dernières années.

Il sera alors impossible de réparer des « erreurs » d’implantation d’éoliennes qui ont été commises. C’est le cas notamment en Eure‑et‑Loir avec l’implantation assez récente de plusieurs parcs éoliens dans le champ des cônes de vue de la cathédrale de Chartres, classées au patrimoine mondial de l’Unesco.

Cet article donnera une base juridique pour le préfet, afin de ne pas autoriser le remplacement d’une éolienne, lorsque les documents d’urbanisme en vigueur au moment du renouvellement n’autorisent plus l’implantation de cette installation, sans pour autant devoir refaire toute la demande d’autorisation environnementale, qui est une procédure beaucoup plus lourde qu’un simple permis de construire.

L’article 3 vise à s’assurer du plein accord des communes concernées directement par l’implantation d’un parc éolienne, en imposant d’avoir un avis conforme des conseils municipaux de la commune d’implantation et des communes se trouvant à moins de 3 km des éoliennes.

Le chapitre 2 de la proposition de loi souhaite remettre à plat le subventionnement par l’État de la filière éolienne. Le soutien public à cette énergie est considérable et il est aujourd’hui nécessaire de le raisonner.

L’article 4 vise à mettre fin aux aides publiques à la filière éolienne terrestre puisque d’après le ministère de la transition écologique et solidaire, cette filière est mature et permet de produire de l’électricité au prix moyen du marché.

L’article 5 vise à supprimer une distorsion de concurrence entre l’éolien offshore et les autres filières énergétiques en supprimant l’exemption de la quote‑part de raccordement pour cette filière.

Le chapitre 3 souhaite prendre en considération l’impact du déploiement éolien sur l’environnement et protéger l’environnement des zones de déploiement de l’éolien.

L’article 6 vise à fixer la distance d’éloignement minimale entre les habitations et les éoliennes proportionnellement à leur hauteur. La règlementation actuelle interdit l’implantation d’éoliennes à moins de 500 mètres d’une habitation. Or, cette règlementation a été instaurée à une époque où les éoliennes les plus grandes mesuraient 120 mètres de haut. Étant donné l’évolution importante de leur taille et des nuisances que cela génère (bruit, impact visuel...), il apparait cohérent de fixer cette distance en proportion de la hauteur des éoliennes.

L’article 7 vise à rendre obligatoire l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France sur les installations d’éoliennes visibles depuis un immeuble classé, un monument historique ou un site patrimonial protégé et visible dans un périmètre de 8 kilomètres.

De fait, l’installation d’éoliennes à proximité immédiate de sites historiques met en péril la réalisation de certains projets de rénovation et le maintien de l’attrait touristique de certains territoires au patrimoine particulièrement riche (exemple : vallée de la Loire, de la Dordogne…).

L’article 8 vise à rendre obligatoire le démantèlement complet du socle des éoliennes afin d’une remise en état des sols. La réalisation d’un socle d’éolienne nécessite une imposante quantité de ferraille et de béton, qu’on ne doit pas laisser en terre, pour les générations futures !

En cas de démantèlement d’éolienne, il est indispensable que l’exploitant de l’installation ou la société mère puissent couvrir les coûts de la remise en état du site. Dans ce sens, l’article 9 vise à ce que l’exploitant ou la société propriétaire constitue les garanties financières au minimum à hauteur de 5 % du coût d’investissement pour une éolienne, au lieu des 50 k€ aujourd’hui prévus pour une éolienne de 2 MW (60 k€ pour une éolienne de 3 MW) et qui ne couvrent en aucun cas le cout complet du démantèlement, comme l’a précisé M. Jean‑Yves Grandidier, président de Valorem, devant les députés de la commission d’enquête.

 


proposition de loi

Chapitre Ier

Redonner aux territoires le contrôle du développement éolien

Article 1er

Au début de la sous‑section 2 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre II du code de l’environnement, il est ajouté un article L. 222‑1 F ainsi rédigé :

« Art. L. 2221 F. – Le représentant de l’État dans le département définit les zones de développement de l’éolien en fonction :

« 1°  De leur potentiel éolien ;

« 2° Des possibilités de raccordement aux réseaux électriques ;

« 3° De la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés.

« Elles sont proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve de l’accord de la ou des communes membres dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé.

« La proposition de zones de développement de l’éolien en précise le périmètre et définit la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent.

« Elle est accompagnée d’éléments facilitant l’appréciation de l’intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. La décision du représentant de l’État dans le département intervient sur la base de la proposition dans un délai maximal de six mois à compter de la réception de celle‑ci, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des communes limitrophes à celles dont tout ou partie du territoire est compris dans la zone de développement de l’éolien. Ces avis sont réputés favorables faute de réponse dans un délai de trois mois suivant la transmission de la demande par le représentant de l’État dans le département. Celui‑ci veille à la cohérence départementale des zones de développement de l’éolien et au regroupement des installations afin de protéger les paysages.

« Les zones de développement de l’éolien s’imposent au schéma régional éolien.

« Les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent soumises à l’article L. 553‑1 ne peuvent être autorisées en dehors d’une zone de développement de l’éolien. »

Article 2

Le deuxième alinéa de l’article L. 181‑14 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas du remplacement d’une installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sens de l’article L. 553‑1, ces conditions incluent le dépôt d’un permis de construire. »

Article 3

L’article L. 515‑44 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ne peuvent être implantées que sur avis conforme des conseils municipaux de la commune du site d’implantation et des communes situées à moins de trois kilomètres des sites d’implantation. »

Chapitre II

Raisonner le financement public de l’éolien

Article 4

L’article L. 121‑6 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées à terre, aucun nouveau contrat prévu au titre des articles L. 311‑12, L. 311‑13,

L. 311‑13‑1, L. 311‑13‑2, L. 314‑1 et L. 314‑18 ne peut être conclu à compter du 1er janvier 2021. »

Article 5

Les trois dernières phrases du dernier alinéa de l’article L. 342‑7 du code de l’énergie sont supprimées.

Chapitre III

Protéger l’environnement des zones de déploiement de l’éolien

Article 6

À la troisième phrase du dernier alinéa de l’article L. 515‑44 du code de l’environnement, après le mot : « à », sont insérés les mots : « une distance égale à huit fois la hauteur de l’ouvrage, pales comprises, sans pouvoir être inférieure à ».

Article 7

L’article L. 515‑44 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ne peuvent être implantées que sur avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France, rendu dans les conditions prévues à l’article L. 621‑32 du code du patrimoine, lorsqu’elles sont visibles depuis un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou visibles en même temps que lui et situées dans un périmètre déterminé par une distance de 8 000 mètres. »

Article 8

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 515‑46 du code de l’environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les opérations de démantèlement et de remise en état d’un site après exploitation comprennent notamment l’excavation de l’intégralité des fondations et leur remplacement par des terres de caractéristiques comparables aux terres en place à proximité de l’installation au moment de la remise en état. »

Article 9

Le premier alinéa de l’article L. 515‑46 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le montant de ces garanties ne peut être inférieur à 5 % du coût de construction de l’installation. »