Description : LOGO

N° 3691

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer le démarchage commercial pour la fourniture
de gaz ou d’électricité,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Laure de LA RAUDIÈRE, Vincent LEDOUX, Paul CHRISTOPHE, Christophe EUZET, Patricia LEMOINE, Philippe HUPPÉ, Annie CHAPELIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le démarchage commercial (à domicile ou par téléphone) a connu une croissance exponentielle ces dernières années dans le secteur de l’énergie.

En 2019, 61 % des ménages déclaraient avoir été sollicités pour la souscription d’une offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel (56 % en 2018 et 36 % en 2017) ([1]).

Parallèlement, le médiateur national de l’énergie a constaté une augmentation du nombre de litiges relatif à des souscriptions non souhaitées. De manière récurrente, les consommateurs invoquent l’absence d’accord réellement exprimé, ou même un accord obtenu de manière forcée ou tronquée.

Les fournisseurs refusent trop souvent de résilier le contrat ainsi conclu ; ou encore incitent les consommateurs à demander le commencement de l’exécution du contrat avant la fin du délai de rétractation (et le changement de fournisseur se fait sans délai).

Alors que l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz est prévue d’ici le 1er juillet 2023, les associations de consommateurs, ainsi que le médiateur national de l’énergie, s’inquiètent de ces pratiques.

Aussi, et afin de ne pas jeter le discrédit sur ce secteur et pour ne pas que l’ouverture des marchés soit source de contentieux et de mise en difficulté de nombreux consommateurs, souvent les plus vulnérables, les parlementaires doivent s’emparer de ce sujet et poser des règles afin d’assainir les pratiques de démarchage de ce secteur.

C’est l’objet de la présente proposition de loi.

L’article 1er prévoit l’interdiction de commencer l’exécution du nouveau contrat de fourniture d’électricité ou de gaz avant l’expiration du délai de rétractation du consommateur. La seule exception est en cas d’emménagement.

Le code de la consommation a fixé à l’article L 221‑18 un délai de rétraction de 14 jours. Si le consommateur ne peut y renoncer, il peut toutefois en demander le commencement de l’exécution avant l’expiration du délai de rétractation, ce qui est justifié en cas de mise en service urgente, lors d’un emménagement par exemple.

Cependant, une telle pratique n’est pas justifiée lors d’un simple changement de fournisseur. Cela ne vise qu’à bloquer le consommateur, qui n’arrivera pas à rétablir l’ancien contrat de fourniture d’énergie (surtout quand il s’agit d’un contrat aux tarifs réglementés de gaz).

L’article 2 prévoit que le non‑respect des obligations mentionnées à l’article 1er serait entaché de nullité absolue et que le contrat de l’ancien fournisseur devra, le cas échéant, être réactivé sans délai, aux frais du fournisseur n’ayant pas respecté ses obligations.

Les articles 3 et 4 prévoient une sanction administrative pour les fournisseurs qui méconnaîtraient les règles relatives au démarchage à domicile. Aujourd’hui, les fournisseurs d’énergie, pour se défendre en cas d’accusation de démarchage abusif, arguent du fait qu’il est le fait de sous‑traitants, et ce malgré les clauses mentionnées dans les contrats de sous‑traitance pour éviter les risques de démarchage abusif.

Ces clauses sont manifestement insuffisantes, compte tenu du contentieux croissant que le médiateur national de l’énergie a à connaître. Le seul moyen de régler ce problème est de responsabiliser davantage les fournisseurs afin qu’ils puissent contrôler les pratiques de leurs sous‑traitants.

Aujourd’hui, en cas de manœuvres frauduleuses ou d’escroqueries, le code pénal s’applique. Mais dans les faits, les sanctions ne s’appliquent que dans les cas les plus graves, et sont finalement peu dissuasives.

Dans un souci d’efficacité, les articles 4 et 5 prévoient d’avoir recourt à des sanctions administratives, sous la forme d’un retrait de l’autorisation de fourniture d’énergie, indispensable pour exercer cette activité.

Une sanction administrative existe déjà, prévue à l’article L. 242‑13 du code de la consommation. La DGCCRF peut infliger des amendes en cas de manquement aux règles applicables au démarchage (mauvaise information du consommateur ou non‑respect des règles relatives au délai de rétractation).

Les sanctions créées aux articles 4 et 5 prévoient le retrait de l’autorisation de fourniture délivrée par la Direction générale de l’énergie et du climat (articles L. 333‑1 et L. 443‑2 du code de l’énergie). Elle est délivrée au regard des compétences techniques du fournisseur.

L’idée serait de permettre une suspension de cette autorisation en cas de constatation à plusieurs reprises de pratiques frauduleuses. Cette suspension interdirait au fournisseur d’accès d’acquérir de nouveaux clients, mais il pourrait continuer à fournir les contrats en cours.

Ce système a porté ses fruits au Royaume‑Uni, où l’autorité de régulation de l’énergie peut prononcer de telles sanctions à l’encontre des fournisseurs d’énergie.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 224‑6 du code de la consommation, il est inséré un article L. 224‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 22461. – Lorsqu’il change de fournisseur d’électricité ou de gaz naturel, le consommateur ne peut en aucun cas renoncer à son droit de rétractation prévu à l’article L. 221‑18 du présent code, qui est alors d’ordre public. Le changement de fournisseur n’est applicable qu’à compter de l’expiration de ce délai de rétractation.

« Le délai de rétractation courre à compter de la date de réception du contrat.

« Cet article ne s’applique pas lorsque le changement de fournisseur est réalisé dans le cadre d’un emménagement. »

Article 2

Après l’article L. 224‑6 du code de la consommation, il est inséré un article L. 224‑6‑2 ainsi rédigé :

« Tout contrat de fourniture d’électricité ou de gaz naturel passé sans respecter les dispositions de l’article L. 224‑6‑1 du code de la consommation est entaché de nullité absolue. Le contrat de fourniture d’énergie liant le consommateur en cause à son fournisseur antérieur est réputé être toujours en vigueur. S’il a été procédé à la résiliation de ce contrat antérieur de fourniture d’énergie, celui‑ci doit être rétabli sans délai. Les frais éventuels seront à la charge du fournisseur n’ayant pas respecté les dispositions de l’article L. 224‑6‑1. »

Article 3

Après l’article L. 333‑3‑1 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 333‑3‑2 ainsi rédigé :

« Art. L 33332. – L’autorisation de fourniture prévue à l’article L. 333‑1 peut, après mise en demeure, être retirée provisoirement par l’autorité administrative compétente en cas de pratiques frauduleuses du fournisseur d’énergie. L’autorisation peut, après mise en demeure, être retirée définitivement en cas de pratiques frauduleuses systématiques ou répétitives. »

Article 4

La section 1 du chapitre III du titre IV du livre IV du code de l’énergie est complétée par un article L. 443‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 44361. – L’autorisation de fourniture prévue à l’article L. 443‑2 peut, après mise en demeure, être retirée provisoirement par l’autorité administrative compétente en cas de pratiques frauduleuses du fournisseur d’énergie. L’autorisation peut, après mise en demeure, être retirée définitivement en cas de pratiques frauduleuses systématiques ou répétitives. »


([1]) 13ème édition du Baromètre Energie-Info : https://www.energie-mediateur.fr/publication/2019-13eme-edition-du-barometre-energie-info/