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N° 3721

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 janvier 2021.

PROPOSITION DE LOI

renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Isabelle SANTIAGO, Valérie RABAULT, Olivier FAURE, Joël AVIRAGNET, Gisèle BIÉMOURET, JeanLouis BRICOUT, Alain DAVID, Laurence DUMONT, Guillaume GAROT, David HABIB, Christian HUTIN, Chantal JOURDAN, Régis JUANICO, Marietta KARAMANLI, Gérard LESEUL, Serge LETCHIMY, Philippe NAILLET, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Claudia ROUAUX, Hervé SAULIGNAC, Sylvie TOLMONT, Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEURCHRISTOPHE, Boris VALLAUD, Michèle VICTORY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à renforcer la protection des victimes de violences sexuelles. Face à ces violences, nous ne pouvons contenter d’une protection tiède, qui reste entre deux eaux. Face à ces violences, tout doit être mis en œuvre. Notre droit doit s’aligner sur les plus hauts standards de protection et s’inspirer des législations étrangères les plus exemplaires en ce domaine. Or, si la législation protégeant les victimes de violences sexuelles a connu ces dernières années quelques évolutions positives, notre droit demeure l’objet de l’appréciation « peut mieux faire ».

La question du droit de la preuve est au cœur de cette initiative. En l’état actuel de notre droit, pour les mineurs de moins de 15 ans, le parquet doit établir que la victime ne disposait pas du « discernement nécessaire pour ces actes ». Alors et alors seulement, « la contrainte morale ou la surprise » seront caractérisés. Cette législation est loin d’être à la hauteur des exigences qui sont les nôtres. D’abord parce qu’un enfant de moins de 15 ans qui a subi des violences sexuelles ne devrait pas avoir à prouver son absence de discernement. Ensuite parce que cette notion de discernement est éminemment subjective et peut conduire à des appréciations différentes selon les experts ou selon les juges.

Pour prendre la mesure de l’insuffisance de notre législation, il suffit de rappeler deux affaires jugées en 2017 : le 26 septembre à Pontoise, le parquet prend la décision de poursuivre pour atteinte sexuelle, et non pour viol, un homme de 28 ans qui a eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans. Le 11 novembre, la cour d’assises de Meaux acquitte un homme accusé de viol sur une fillette de 11 ans.

Si la loi du 3 août 2018 est intervenue depuis, les spécialistes de ce sujet comme les associations de défense des victimes regrettent qu’en matière de droit de la preuve rien n’a changé. La loi est venue préciser ce que les juridictions pratiquaient déjà. Évoquant avec regret le dispositif de cette loi de 2018 l’avocate Carine Dielbolt expliquait : « Sans présomption de nonconsentement, ce sera toujours à la victime d’établir les preuves au magistrat. Une simple précision de la définition de viol n’aidera en rien la victime ».

Les victimes ont besoin d’un droit marqué du sceau de la clarté, un droit réellement protecteur. En deçà de 15 ans, un enfant ne saurait consentir à un rapport sexuel avec une personne majeure. Cela ne doit pas faire débat. En deçà de 15 ans, l’interdit doit être clair en instituant des infractions d’atteinte sexuelle et de pénétration sexuelles spécifiques. Une telle démarche de clarté n’a au demeurant rien d’extraordinaire puisqu’elle a prévalu en droit français sous l’empire du code pénal de 1832 et qu’elle existe dans d’autres pays, comme le Royaume‑Uni (âge fixé à 13 ans), la Belgique (14 ans) ou l’Espagne (12 ans).

Pour qu’un tel dispositif ne soit pas jugé inconstitutionnel, le Conseil d’État a fixé deux conditions : « il faut, d’une part, qu’elle ne revête pas de caractère irréfragable et, d’autre part, qu’elle assure le respect des droits de la défense, c’estàdire permette au mis en cause de rapporter la preuve contraire » (avis du Conseil d’État du 21 mars 2018, cons.21). Le respect de ces conditions est ainsi obtenu par le biais de ces infractions spécifiques puisqu’ il ne s’agit pas d’instituer une présomption irréfraguable mais d’adapter la définition des infractions sexuelles commises par des majeurs sur des mineurs à la réalité de la vulnérabilité des enfants, en s’extrayant des définitions actuelles de l’agression sexuelle et du viol. Les droits de la défense seront respectés puisque le mise en cause pourra rapporter la preuve qu’il n’a pas commis l’infraction telle qu’elle est définie par la loi, qu’il n’avait pas connaissance de l’âge de la victime (élément matériel de l’infraction) ou qu’il n’avait pas les moyens de le connaitre et enfin qu’il n’avait pas l’intention de commettre l’infraction (élément intentionnel de l’infraction).

C’est ainsi dans le souci de renforcer la protection des victimes dans le respect de nos principes constitutionnels que l’article 1er de la présente proposition de loi définit une nouvelle infraction délictuelle d’atteinte sexuelle commise par un majeur sur un mineur de 15 ans.

L’article 2 institue une infraction criminelle de pénétration sexuelle, commise par un majeur sur mineur de 15 ans.

Les articles 3 et 4 fixent l’âge de 18 ans pour définir les infractions sexuelles lorsque l’auteur est un ascendant, ou une personne ayant, sur le mineur, une autorité de droit ou de fait.

Enfin, cette proposition de loi vise à lancer un débat au‑delà du Parlement afin que les meilleures solutions puissent émerger, nourrir cette initiative législative de nouveaux articles et renforcer autant que possible la protection des victimes de violences sexuelles.


proposition de loi

Article 1er

L’article 227‑25 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 22725. – Le fait, pour un majeur de commettre sur un mineur de 15 ans par quelque moyen que ce soit, une atteinte sexuelle de quelque nature que ce soit, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. »

Article 2

Après l’article 227‑25 du code pénal, il est inséré un article 227‑25‑1 ainsi rédigé :

« Art. 227251. – Le fait, pour un majeur de commettre, sur un mineur de 15 ans ou d’obtenir de ce dernier, par quelque moyen que ce soit, une pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, est puni de vingt ans de réclusion criminelle. »

Article 3

Après l’article 227‑25‑1 du code pénal, il est inséré un article 227‑25‑2 ainsi rédigé :

« Art. 227252.  Le fait de commettre pour un majeur sur un mineur de moins de 18 ans ou d’obtenir de ce dernier, par quelque moyen que ce soit, une pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, est puni de 20 ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur est :

« 1° un ascendant ;

« 2° un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu, une nièce ;

« 3° le conjoint, le concubin, d’une des personnes citées aux 1° et au 2°, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une des personnes mentionnées aux 1° et au 2°, s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait. »

Article 4

Après l’article 227‑25‑2 du code pénal, il est inséré un article 227‑25‑3 ainsi rédigé :

« Art. 227253. – Le fait de commettre pour un majeur, sur un mineur de moins de 18 ans, par quelque moyen que ce soit, une atteinte sexuelle de quelque nature que ce soit est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende lorsque l’auteur est une des personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article 227‑25‑2. »