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N° 3722

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 janvier 2021.

PROPOSITION DE LOI

pour un développement harmonieux de l’éolien,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLouis BRICOUT, Gérard LESEUL, Mme MarieNoëlle BATTISTEL, Valérie RABAULT, Joël AVIRAGNET, Gisèle BIÉMOURET, Guillaume GAROT, David HABIB, Chantal JOURDAN, Régis JUANICO, Marietta KARAMANLI, Serge LETCHIMY, Josette MANIN, Philippe NAILLET, Dominique POTIER, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Sylvie TOLMONT, Cécile UNTERMAIER, Michèle VICTORY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 18 août 2015, la loi relative à la transition écologique et à la croissance verte (TECV) a instauré un des textes fondateurs qui guide notre transition énergétique : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) avec l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. La PPE fixe l’objectif d’une capacité de production de 34,7 Gigawatts pour l’éolien terrestre d’ici à 2028. Alors que seuls 17 Gigawatts étaient installés au 20 juin 2020, le développement des projets éoliens rencontre aujourd’hui, localement, une opposition croissante des habitants et des élus. La cause : un développement trop souvent erratique et inégal des projets dans les territoires, qui peuvent contraindre les projets locaux et générer des nuisances.

La transition écologique implique des changements de paradigme et une transformation des pratiques afin d’atteindre les objectifs définis dans la PPE. Ces dynamiques ne sont possibles que sous réserve d’une large adhésion des citoyens, de leurs représentants, des acteurs économiques et de la société civile.

Afin que la transition énergétique se fasse non plus contre certains territoires mais avec ceux‑ci, les citoyens et les élus locaux doivent en être acteurs et disposer d’une visibilité de long terme.

La présente proposition de loi vise ainsi à améliorer la planification territoriale du développement éolien et à encourager la participation des citoyens, associations, collectivités et entreprises locales, conformément à la volonté de la convention citoyenne pour le climat.

Si la répartition actuelle des éoliennes dépend évidemment de considérations techniques liées à l’importance des gisements de vents ou à l’existence de zones d’exclusions environnementales, patrimoniales, aériennes et militaires, cet effort éolien doit être mieux distribué entre les régions et entres les territoires.

Les collectivités territoriales sont un relais essentiel des objectifs nationaux en matière d’énergies renouvelables. C’est dans les territoires que cette énergie est produite et consommée. Il faut donc penser une législation claire et lisible à destination des élus locaux et des citoyens, premiers concernés par leur mise en œuvre.

Les retombées économiques des projets éoliens doivent être au rendez‑vous pour les territoires qui les supportent. Elles sont deux fois plus importantes quand les projets sont portés par des acteurs locaux, et permettent une meilleure acceptabilité. Cette proposition de loi vise ainsi également à renforcer l’émergence d’une énergie citoyenne en créant un cadre fiscal plus favorable et incitatif pour les communautés d’énergie renouvelable.

Aujourd’hui, entre 200 et 300 projets citoyens d’énergies renouvelables sont portés sur le territoire français. Cet investissement citoyen dans la gouvernance énergétique aux côtés des collectivités est primordial. Les projets locaux permettent la représentativité de tous les acteurs associés au projet en mettant autour de la table l’ensemble des parties prenantes ; sociétaires, producteurs, consommateurs, et partenaires.

L’élaboration d’une planification territoriale, dont les élus locaux seront les moteurs, nécessite pour être efficace de lever certains freins au développement de l’éolien.

En effet, 47 % du territoire est aujourd’hui interdit aux projets éoliens mais certaines zones interdites par l’armée pourraient être débloquées pour relâcher la pression sur les zones proches des habitations. Les parcs éoliens sont soumis à des contraintes aéronautiques et radars. Ces contraintes peuvent être réduites dans la mesure du possible par de nombreuses technologies, elles permettent de libérer de nouvelles zones pour l’éolien afin de répartir les projets plus équitablement. L’armée pourrait libérer 13 % des zones selon les travaux menés par les associations spécialisées.

Cette proposition de loi vise ainsi à organiser un développement harmonieux de l’éolien, permis par une meilleure répartition des projets et des mesures visant à en améliorer l’acceptabilité.

Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi prévoit que les objectifs de développement de la production d’électricité par l’éolien contenus dans la programmation pluriannuelle de l’énergie font l’objet d’une répartition quantitative par région en fonction de leurs capacités contributives, de leur potentiel éolien et dans le respect du patrimoine historique et environnemental. Cette décision ministérielle est prise après avis conforme de la commission de régulation de l’énergie.

Il prévoit également une disposition de coordination dans le code de l’énergie avec les dispositions de l’article 2 en prévoyant que les candidats répondant aux appels d’offre en matière de production d’électricité par l’éolien doivent se conformer au zonage territorial prévu par cet article. Enfin, il abroge par coordination un article relatif aux modalités d’élaboration des actuels schémas régionaux de l’éolien.

L’article 2, vise à réconcilier les Français avec les projets de développement de l’éolien en mettant en œuvre une planification territoriale définie par les élus locaux afin d’atteindre les objectifs assignés à chaque région en application de l’article 1er et de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Les préfets et présidents de chaque région disposent tout d’abord d’un an pour arrêter un schéma régional éolien, qui traduit les objectifs quantitatifs assignés à chaque région de manière territorialisée sur le modèle des schémas directeurs. Ce document, annexé aux SRADDET (au SDRIF en Île‑de‑France), tient notamment compte de la capacité contributive de chaque territoire au regard des implantations existantes pour un partage plus juste.

Ensuite, chaque territoire couvert par un SCoT ou à défaut, chaque EPCI à l’échelle de son PLUi, est tenu d’élaborer un document retraçant les zones d’implantation potentielle de l’éolien à cette échelle. Conforme au schéma régional précité, ce document met en œuvre un zonage précis au niveau du territoire des zones où l’implantation des éoliennes est interdite, des zones où celle‑ci est autorisée et enfin des zones où celle‑ci est préférable. Élaboré par les élus locaux, après évaluation environnementale et enquête publique ce document permet de piloter finement les zones d’implantation au regard des contraintes de sites mais également des projets d’aménagement et de développement définis localement.

Naturellement, ces zonages devront être conformes aux objectifs assignés par la PPE et au schéma régional mais la répartition de l’effort sera désormais pilotée et non plus anarchique.

Enfin, l’adoption de ce zonage est soumise à des conditions de majorité qualifiée où au moins la moitié des communes représentant les deux tiers de la population ou deux tiers des communes représentant au moins la moitié de la population du territoire devront avoir validé celui‑ci.

C’est la condition d’une co‑construction territoriale équilibrée et ainsi d’une acceptabilité collective, condition essentielle de la réussite de la transition écologique.

L’article 3, met en œuvre un cadre fiscal incitatif pour, d’une part, favoriser l’implantation des éoliennes dans les zones préférentielles prévues à l’article 2 et, d’autre part, soutenir l’émergence de projets d’implantation portés par des communautés d’énergie renouvelable.

À cet effet, il prévoit un dégrèvement sur l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) de 25 % dans le premier cas et de 50 % dans le second. L’IFER représente en moyenne 70 % des taxes et impôts dus. Pour une communauté d’énergie renouvelable, un tel dégrèvement représente donc une réduction d’un tiers de la fiscalité d’un tel projet. L’IFER étant une ressource perçue par les départements et le bloc communal, le mécanisme du dégrèvement plutôt que de l’exonération, permet de mutualiser l’effort de soutien par le budget national.

De manière complémentaire, l’article ouvre la possibilité pour les collectivités concernées d’exonérer partiellement de taxe foncière les installations assujetties, dans la limite de 30 % pour les installations implantées dans les zones d’implantation préférentielle et de 50 % pour les projets portés par les communautés d’énergie renouvelable. Il s’agit ainsi de permettre aux collectivités qui le souhaitent d’accompagner de manière plus importante ces projets.

L’article 4, précise les dates d’entrée en vigueur des dispositions de la proposition de loi. Celles‑ci entrent en vigueur à compter de la publication de la loi à l’exception des mesures fiscales dont la date d’effet est fixée au 1er janvier 2022 pour se conformer au calendrier budgétaire.

Enfin l’article 5, prévoit un gage de recettes pour tenir compte du mécanisme de dégrèvement prévu sur l’IFER et qui prend la forme d’un prélèvement sur recettes de l’État dans le cadre des concours financiers aux collectivités territoriales.


proposition de loi

Article 1er

Le code de l’énergie est ainsi modifié :

I. – L’article L. 311‑10‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la procédure de mise en concurrence porte sur la production d’électricité par l’énergie mécanique du vent terrestre, ne peuvent être retenus que les candidats respectant les zones d’implantation potentielle de l’éolien prévues à l’article L. 222‑1‑2 du code de l’environnement. »

II. – L’article L. 314‑10 est abrogé.

III. – Le titre Ier du livre III est complété par un chapitre VI et un article L. 316‑1 ainsi rédigés :

« Chapitre VI

« Dispositions particulières à l’électricité produite par l’énergie mécanique du vent

« Art. L. 3161. – Dans un délai de six mois à compter de la publication ou de la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie, un arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie et des collectivités locales fixe les objectifs de production d’électricité par l’énergie mécanique du vent assignés à chaque région à l’issue de la deuxième période de cinq ans, au sens de l’article L. 141‑3, pour atteindre les objectifs définis en application du 3° de l’article L. 141‑2.

« Cet arrêté, pris après avis conforme de la commission de régulation de l’énergie, tient compte :

« 1° Du potentiel éolien au regard de la cartographie des vents, du potentiel maritime et des possibilités de raccordement aux réseaux électriques ;

« 2° De la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés ;

« 3° De la capacité contributive de chaque région au regard des capacités de production existantes et des règles d’implantation définies en application de l’article L. 515‑44 et L. 515‑45 du code de l’environnement.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. ».

Article 2

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

I. – La dernière phrase du 3° du I de l’article L. 221 est abrogée.

II. – Après l’article L. 222‑1 sont insérés des articles L. 222‑1‑1 et L. 222‑1‑2 ainsi rédigés :

« Art. L. 22211. – Au plus tard un an après la publication de l’arrêté prévu à l’article L. 316‑1 du code de l’énergie, le représentant de l’État dans la région  et le président du conseil régional ou, en Corse, le Président du conseil exécutif de Corse, élaborent conjointement un schéma régional de développement de l’éolien qui traduit territorialement les objectifs assignés à la région en matière de production d’électricité par l’énergie mécanique du vent.

« Le schéma est annexé aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévus à l’article L. 4251‑1 du code général des collectivités territoriales et, en Île‑de‑France, au schéma directeur de la Région Île‑de‑France. Il est opposable aux schémas de cohérence territoriale,  aux plans locaux d’urbanisme et, à défaut, aux cartes communales ou documents en tenant lieu.

« À défaut de publication du schéma régional éolien dans ce délai, le préfet de région est compétent pour élaborer et arrêter le schéma régional selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 22212. – Les schémas de cohérence territoriale ou, à défaut, les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, comportent un document annexé prescriptif et opposable fixant les zones d’implantation potentielle de l’éolien en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques, de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés et des objectifs d’aménagement et de développement économique définis par les collectivités locales. Il met en œuvre une juste répartition entre les collectivités locales concernées, notamment au regard des installations existantes.

« Ce document est compatible avec le schéma régional éolien prévu à l’article L. 222‑1‑1 et fixe des objectifs quantitatifs de production d’électricité par l’énergie mécanique du vent à l’échelle du territoire concerné. À cet effet, il précise les zones dans lesquelles l’implantation de telles installations est interdite, les zones dans lesquelles celle‑ci est autorisée, ainsi que les zones d’implantation préférentielle et définit pour ces dernières, la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent. Ces objectifs de puissance devront être compatibles avec ceux de la programmation pluriannuelle de l’énergie définis dans le schéma régional éolien.

« Les zones d’implantation potentielle de l’éolien sont élaborées, après évaluation environnementale, enquête publique et avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, par délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétent, prise après avis conforme de la majorité des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres représentant plus de la moitié de la population totale de celles‑ci, ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes membres représentant les deux tiers au moins de la population totale de celles‑ci.

« À défaut d’une telle délibération dans un délai d’un an à compter de la publication du décret prévu au dernier alinéa, la carte et les objectifs sont arrêtés par le représentant de l’État dans le département.

« Les plans locaux d’urbanisme et, à défaut, les cartes communales ou documents en tenant lieu doivent être compatibles avec celui‑ci.

« Un décret en conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

III. – L’article L. 515‑45 est complété par la phrase suivante :

« Ces règles, sans préjudice des dispositions de l’article L. 515‑44, des impératifs de sécurité des biens et des personnes et de la préservation des intérêts de la défense nationale, tendent à minimiser les zones d’interdiction d’implantation. »

Article 3

Le code général des impôts est ainsi modifié :

I. – Le B du I de la section II du chapitre premier de la deuxième partie du livre premier est complété par un article 1382 G bis ainsi rédigé :

« Art. 1382 G bis. – I. – Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A bis et pour la part de taxe foncière sur les propriétés bâties qui leur revient, exonérer les installations de production d’électricité par l’énergie mécanique du vent implantées dans l’une des zones géographiques d’installation préférentielle de l’éolien au sens de l’article L. 222‑1‑2 du code de l’environnement dans la limite de 10, 20 ou 30 % de la base imposable.

« II. – Elles peuvent, dans les mêmes conditions, exonérer les installations de production d’électricité par l’énergie mécanique du vent dans la limite de 30, 40 ou 50 % de la base imposable lorsque le redevable est une communauté d’énergie renouvelable au sens de l’article L. 211‑3‑2 du code de l’énergie.

« III. – Ces délibérations ne peuvent être rapportées ou modifiées pendant trois ans. ».

II. – L’article 1519 D est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« V. – Les redevables de l’imposition visée au I bénéficient d’un dégrèvement de 25 % lorsque l’installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent est située dans l’une des zones géographiques d’installation préférentielle de l’éolien au sens de l’article L. 222‑1‑2 du code de l’environnement.

« VI. – L’imposition forfaitaire s’appliquant aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent fait l’objet d’un dégrèvement de 50 % lorsque le redevable est une communauté d’énergie renouvelable au sens de l’article L. 211‑3‑2 du code de l’énergie.

« Ce dégrèvement n’est pas cumulable avec celui prévu au V du présent article. »

Article 4

I. – Les dispositions des articles 1 et 2 entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi.

II. – Les dispositions de l’article 3 entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2022.

Article 5

Les pertes de recettes pour les collectivités territoriales sont compensées par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.